Espace mosaïques

Présentation

Le voyage à Rome Les chérubins L'Arche vide Le Jourdain

La main

Conclusion

Notes et compléments Chrétin

Le symbolisme de la mosaïque de Germigny-des-Prés enfin dévoilé
Conclusion : Le plan de Dieu pour le salut de l’humanité
(la conclusion complète, avec les notes)

    Théodulf a créé une autre image, probablement destinée à la villa adjacente à son oratoire, qui montrait des personnifications des sept arts sur les branches d’un arbre immense. Cette image elle-même a été perdue, mais nous en possédons la description poétique qu’en fait Théodulf, qui en souligne non seulement la beauté (venustas), mais aussi et surtout les nombreux symboles (mystica multa) qu’elle comporte [70]. La présence des mystica multa dans la mosaïque de l’abside de son oratoire ne fait aucun doute, et nous ne pouvons que nous demander s’il a peut-être composé un poème parallèle, aujourd’hui disparu, pour les expliquer. Ou, peut-être, la symbolique de la mosaïque était-elle si étroitement liée, dans son esprit, à l’Opus Caroli  qu’il ne pouvait espérer en partager la signification avec d’autres que si les circonstances permettaient à Charlemagne d’autoriser la diffusion de son traité ? Si l’on considère la mosaïque de Germigny sous cet angle — solidement assise sur l’Opus Caroli  et créée non pas pour une église destinée au grand public, mais pour sa chapelle privée — elle peut être vue comme un moyen, pour Théodulf, de protester contre ce qui se passait ailleurs. Nous ne devrons pas représenter et afficher ce que nous adorons, le Christ ou la Vierge [71]. Comme le soutient l’Opus Caroli, la véritable place de ces représentations est dans notre esprit et dans nos cœurs. Si nous voulons utiliser des images, que ce soient des images artistiquement belles, mais pouvant transmettre les enseignements de la foi chrétienne par l’intermédiaire du langage qu’est la symbolique visuelle.

     La mosaïque de Germigny, « avec sa beauté solennelle, sa sophistication technique et son originalité iconographique » démontre que l’essentiel de la doctrine chrétienne peut être transmise par des images symboliques [72]. La main blessée, descendant des cieux, nous rappelle que le Fils, seconde personne de la Trinité et main droite du Père, a participé aussi bien à la création de l’homme qu’à sa rédemption — et elle devient alors le symbole central de l’église que Théodulf a consacré au Sauveur. L’image de l’Arche d’Alliance rappelle l’objet qui avait été fabriqué à la demande express de Dieu au temps de l’Ancien Testament en présage aux mystères qui étaient encore à venir. Mais on pouvait montrer l’Arche vide de son contenu une fois que le Nouveau Testament avait remplacé l’Ancien et que la manne était devenue l’Eucharistie : la célébration eucharistique qui se tient sur l’autel est maintenant la réalité : « Nos habemus in veritae...ea quae... praefigurabantur. » Aux termes des nouvelles lois, le chemin qui mène l’humanité au ciel passe par les eaux du baptême, inauguré par celui du Christ dans le Jourdain. C’est la passion du Christ qui a donné aux eaux baptismales leur pouvoir de rédemption. Les patriarches et prophètes de l’Ancien Testament se sont eux aussi lavés, par anticipation dans ces eaux, et les apôtres, à l’instigation du Christ, proclament l’efficacité du baptême jusqu’à la fin des temps. L’humanité rachetée, invitée aux cieux, comprendra alors non seulement ceux des gentils qui sont maintenant devenus Chrétiens, mais aussi tous les membres de la nation juive qui se rallieront au Christ à la fin des temps.

     Sans la référence à l’Opus Caroli et ses chapitres d’importance cruciale sur l’Arche et les chérubins, Josué et le Jourdain, et au poème écrit par Théodulf sur le Christ ressuscité et portant ses blessures, et si l’on ne sait pas que Théodulf s’était rendu à Rome, la signification de la mosaïque ne pouvait que demeurer obscure. Ce n’est que maintenant, avec ces sources recouvrées, aussi bien littéraires que visuelles, que nous pouvons commencer à comprendre les messages que Théodulf voulait transmettre grâce à cette image. Les grandes basiliques qu’il avait vues à Ravenne et  Rome sont indéniablement plus impressionnantes et à juste titre plus célèbres. L’oratoire privé de Théodulf à Germigny-des-Prés n’en mérite cependant pas moins notre admiration pour la subtilité, la finesse et la puissante signification de sa symbolique.

Ann Freeman et Paul Meyvaert
Cambridge, Massachusetts, USA
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Pour un complément passionnant et rocambolesque lire la saga du faussaire M-Th Chrétin

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