GERMIGNY-DES-PRÉS ET SA CÉLÈBRE MOSAÏQUE
   
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La mosaïque fut retrouvée vers 1820 par hasard, les gamins du village jouaient avec des petits cubes de verre colorés trouvés dans l'église. Les archéologues furent alertés et découvrirent ainsi, sur le cul-de-four de l'abside orientale, cachée sous une épaisse couche de badigeon datant du XVIIIème siècle, une splendide mosaïque sur fond d'or du IXème siècle : la seule de cette époque qui subsiste en France. A Aix-la-Chapelle, Charlemagne avait décoré la chapelle de son palais de belles mosaïques (inspirées de celles de Ravenne) mais elles n'ont pas tenu. Celle de Germigny a été conservée parce que techniquement elle a été bien réalisée et qu'elle a dû être bien entretenue par les moines de Fleury.
La voûte de la mosaïque de Germigny fut entièrement refaite en 1843 et la restauration de la mosaïque était terminée en 1856 (mais des zones avait déjà subi des reprises avant son badigeonnage).
On ne connaît pas l'artiste chargé de l'exécution de la mosaïque qui demeure à l'abside orientale, on a dit qu'il pourrait s'agir d'un réfugié byzantin fuyant les persécutions des
iconoclastes, mais ce serait plutôt un mosaïste italien de Rome. Il dut composer une équipe d'artisans locaux ne maîtrisant pas la technique de la mosaïque et travailler sur une surface à trop grande courbure ce qui explique les distorsions des figures latérales. La mosaïque (9 m2) est composée de 130 000 petits cubes de verre (tesselles ou tessères de 6 mm2 à 1 cm2) ou d'émails (smalts) de différentes couleurs : vert, rouge, bleu, blanc, noir, sinople, gris, or, argent...

 


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Le sujet de la mosaïque est particulier et unique, il ne représente pas comme motif central un personnage comme d'ordinaire en Italie (le christ, les évangélistes, la vierge Marie par exemple), mais un objet : l'Arche d'Alliance. Il faut voir dans ce choix la volonté de Théodulfe qui était iconophobe : selon lui, on ne doit pas représenter des images à figure humaine dans les églises de peur que les fidèles ne les adorent et tombent dans l'idolâtrie. L'Arche d'Alliance est représentée avec ses brancards pour la transporter, lors de l'exode elle était portée par des prêtres marchant en tête du peuple : au désert, dans la traversée du Jourdain, lors de l'attaque de Jéricho... Elle est ornée, comme le demande Moïse, de deux chérubins (Exode, 25, 17-20) qui gracieusement s'inclinent et nous indiquent avec leurs bras le coffre. Cette Arche rappelle la Première Alliance de l'Ancien Testament, mais elle symbolise ici le Christ qui a révélé la Nouvelle Alliance (le Nouveau Testament). Au-dessus du coffre, dans le ciel bleu étoilé, deux beaux archanges en vêtements antiques (de style byzantin) et dont le corps épouse la voûte montrent de la main droite l'Arche d'Alliance tandis que leur main gauche s'élève en signe d'adoration. Le vent qui agite les vêtements des archanges symbolise l'Esprit-Saint. L'archange de gauche, avec son auréole cruciforme, représente le peuple chrétien, celui de droite, la nation juive. Entre les deux têtes auréolées d'or des archanges, la main de Dieu (ou plutôt celle du Christ avec le stigmate de la blessure) sort du ciel étoilé en traversant un arc-en-ciel et bénit l'Arche. Ainsi sept mains nous invitent à porter notre regard sur l'Arche. 
 

La frise du soubassement de la mosaïque est bleue et porte une inscription de quatre vers latins tracés en cube d'argent qui disent "Vois ici et contemple le saint oracle et ses chérubins : ici resplendit l'arche du testament divin. Devant ce spectacle, efforce-toi de toucher par les prières le Maître du tonnerre; et ne manque pas, je t'en prie, d'associer Théodulphe à tes vœux". 
On peut retrouver cette inscription, qui assimile l'Arche au Temple de Salomon, dans le "Livre des Rois" et dans les "Libri carolini" (Livres Carolins) dont Théodulf est l'auteur. 
Lire l'article passionnant de Paul Meyvaert, ancien directeur du Medieval Academy of America
La mosaïque est la transcription symbolique de la pensée de Théodulf, les positions théologiques qu'il a développées dans les Livres Carolins pour, à la demande de Charlemagne, contrer les conclusions du concile de Nicée II qui venait d'autoriser à nouveau les images dans les églises.
Le symbolisme de la mosaïque vient d'être décrypté et renouvelé par P. Meyvaert et Ann Freeman; pour en savoir plus : Lire,en exclusivité, la publication de leurs dernières découvertes.


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Les anges représentant les deux peuples

La main de Dieu ou du Christ (avec sa blessure)
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Deux rosaces octogonales, à huit branches comme l'étoile des Rois Mages. Un petit chérubin.

L'inscription latine de Théodulf,en bas de la mosaïque

L'Arche d'Alliance

A retenir pour les 5èmes :
La mosaïque est placée dans l'abside orientale (est), elle date du  IXème siècle, c'est la seule mosaïque d'époque carolingienne qui subsiste en France. Tout comme le plan de l'oratoire, la mosaïque est d'inspiration byzantine (le fond d'or notamment, comme à Ravenne). Le sujet de la mosaïque est particulier, il s'agit de l'Arche d'Alliance (coffre qui contenait les Tables de la Loi: leçon 6ème sur les Hébreux). Il faut voir dans le choix de ce sujet et du reste de la décoration de l'édifice (voir page suivante) la volonté de Théodulf, il était contre le culte des images; selon lui, il ne faut pas représenter les images du Christ ou des saints dans les églises de peur qu'elles ne soient adorées comme des idoles par les fidèles.
Lire, en relation avec cette page :
Les matériaux des mosaïques de Germigny-des-Prés (Line Van Wersch FRS-FNRS, UC Louvain) 2019
Line Van Wersch, Andreas Kronz, Klaus Simon, François-Philippe Hocquet et David Striva
https://journals.openedition.org/cem/16134  Télécharger l’article en pdf
L’Arche d’Alliance et les chérubins dans la controverse iconoclaste : l’apport de Théodulf d’Orléans, Kristina Mitalaïte, Hors-série n° 11 | 2019 : Germigny, un nouveau regard
https://doi.org/10.4000/cem.16166  Télécharger l'article en pdf
Le décor intérieur de l’oratoire de Germigny-des-Prés et son iconographie - Anne-Orange Poilpré
https://doi.org/10.4000/cem.16158  Télécharger l'article en pdf
(Bulletin du centre d'études médiévales, Auxerre, Hors série N° 11 - 2019)
 

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