GERMIGNY-DES-PRÉS : la décoration intérieure

Les autres mosaïques

A l'origine, en plus de la célèbre mosaïque qui demeure (page précédente), toute l'abside orientale et sans doute la travée qui la précède étaient couvertes de mosaïques. Mais la restauration de l'église, commencée en 1866, n'a pas permis de les conserver. Ainsi, en 1869, on met au jour, dans la partie orientale, deux mosaïques partiellement conservées, elles sont détruites peu après mais nous les connaissons grâce aux relevés faits par l'architecte Fournier.

 

Relevé de la mosaïque du mur Est, autour de la fenêtre carrée qui existe encore (photo de droite)
Décor végétal : feuilles, fleurs, cœurs, palmes, des arabesques contournaient ces éléments et les rattachaient les uns aux autres. Le fond était de couleur chamois pâle, les sujets de même nuance, mais plus foncés, s'en détachaient par de petits cubes noirs en émail dont ils étaient encadrés.

Relevé de la mosaïque sur la 1/2 de la voûte qui précédait l'abside orientale (sur l'arc triomphal).
On distingue les restes de la partie inférieure du corps d'un ange recouvert de ses ailes, les pieds étaient posés l'un sur l'autre, et au-dessus d'eux, les ailes se croisaient en s'abaissant, de manière à cacher la partie inférieure du corps, deux autres paires d'ailes devaient être déployées et croisées au-dessus de la tête de manière à rejoindre l'extrémité de la voûte. Le fond de cette mosaïque était d'or et se terminait près du tympan de la voûte par un rinceau. Un autre ange se trouvait certainement sur l'autre moitié de la voûte et faisait pendant.

D'après Paul Clemen, il y aurait eu aussi quatre autres chérubins décorant les écoinçons de la coupole centrale (comme ceux de la petite coupole de l'oratoire St Zénon à Ste Praxède de Rome). Un des chérubins est connu d'après un dessin de Chrétin, il est très proche de celui retrouvé par Fournier mais est intégré au milieu d'un ciel étoilé bordé de pierres précieuses. Ces anges devaient avoir aussi 3 paires d'ailes.

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Entre les
arcatures aveugles, on peut encore voir les traces des restes de mosaïques qui dessinaient un paradis de fleurs orientales et s'épanouissaient autour de l'Arche, symbole de divinité. Comme à Cordoue, l'intérieur des arcatures est cannelé.
    
         

  

Reconstitution par Lisch du motif des mosaïques entre les arcatures. Ce décor rappelle singulièrement les palmettes sassanides de Taq-i-Bostan et Omeyyades de Kasr-el-Heir.

A Germigny, apparaît la première imitation de la fleur stylisée orientale prise aux Assyriens par les Persans. Cette fleur-palmette est le prototype de la fleur stylisée byzantine qui sera utilisée plus tard par les décorateurs musulmans dans les mosquées. Germigny est le seul exemple de l'emploi de ce motif en occident avant le XIIème siècle.

Le stuc

La décoration a utilisé, à Germigny, comme dans les mosquées arabes, le stuc pour créer des motifs floraux stylisés, des entrelacs, des rinceaux, des gerbes, des palmettes. Ci-dessous, quelques éléments originaux de décorations en stuc de Germigny, transférés ("sur ordre du ministre") au musée archéologique d'Orléans.

Rosaces

Grande rosace

Fragment de frise

Frise d'entrelacs

Fragment décoré d'une rosace

 
Décor actuel reconstitué

    
A gauche, décor reconstitué, à droite dessin du décor original. Les grandes palmettes sont un motif caractéristique des palais achéménides et de l'art omeyyade, comme à la mosquée de Cordoue.

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Aujourd'hui, le décor original en stuc a complètement disparu; Lisch lors de la restauration de l'église a refait ce décor en stuc, de manière industrielle, en copiant certains motifs originaux, mais sans atteindre la beauté primitive

Les Chapiteaux

Les chapiteaux s'intègrent bien au reste du décor, ils sont aussi couverts de motifs floraux, des palmettes en grand nombre qui devaient être peintes à l'origine. La plupart des chapiteaux sont des reproductions, seuls quelques-uns sont originaux et ont été remployés lors de la restauration de Lisch. On peut distinguer des trous dans certains chapiteaux, ils étaient destinés à maintenir des billes de verre coloré.


Décor de la fenêtre centrale d'après un dessin de Mérimée

 

Dessins de chapiteaux originaux (par M. Bouet. Bulletin monumental 34, 1868)

La signification du décor                 

Tout ce décor oriental faisait partie d'un programme iconographique unique, inspiré sans doute par le thème du jardin paradisiaque, le Sanctuaire ou Temple idéal, la Jérusalem céleste et, par là, l'Eglise terrestre. Ce thème s'apparente à celui développé, avant le IXème siècle, dans certaines églises paléochrétiennes (les premières églises chrétiennes) et byzantines de la Grèce et de la Transjordanie (Nebo par exemple). Mais on n'y retrouve pas comme à Germigny cette figuration symbolique de l'Arche entourée de chérubins (on peut cependant retrouver ce thème dans les mosaïques de Sainte-Marie Majeure à Rome au Vème siècle et dans plusieurs manuscrits latins d'inspiration byzantine, le "Codex Amiatinus" du VIIIème siècle, par exemple). La figuration romane ne reprendra pas non plus ce thème, préférant le christ en majesté entouré des quatre évangélistes. Il faut voir dans ce souci de ne pas montrer la figure humaine une volonté délibérée de Théodulf qui était hostile au culte des reliques et des images remis en honneur par le concile de Nicée II en 787.
Lire l'article passionnant de Paul Meyvaert, ancien directeur du Medieval Academy of America
D'ailleurs, les bibles de Théodulf, qui sont toutes des merveilles de la production caroline, ne comportent aucune image du christ et des évangélistes, elles respectent les principes donnés dans les "libri carolini". On peut aussi faire des rapprochements entre l'iconographie des mosaïques de Germigny et l'art de la Septimanie (par exemple le "Codex Viginalus" de l'Escorial). Or Théodulf avait justement vécu en
Septimanie (territoire Mozarabe).

Lire aussi : Germigny, le décor sculpté : la pierre - François Heber-Suffrin
https://doi.org/10.4000/cem.16123  L'article en pdf
Le décor de stucs à Germigny-des-Prés : une étude technique des vestiges - Bénédicte Bertholon
https://doi.org/10.4000/cem.16111  L'article en pdf
 A retenir pour les 5èmes :
- le vocabulaire : stuc, rinceaux, entrelacs, relique, culte des images, concile, arcature.
- la décoration de l'oratoire de Germigny-des-Prés est d'inspiration orientale (motifs floraux...), on retrouvera ce type de décoration chez les Musulmans car l'Islam (leur religion) interdit de représenter la figure humaine.

Germigny-des-Prés

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