Oedipe et Antigone

Oedipe et Antigone s'exilant de Thèbes

Photo et commentaires extraits du dossier "Parcours mythologique". Cliquer ici pour voir la présentation du dossier, (ce dernier analyse le tableau de manière exhaustive et prévoit des activités pédagogiques pour les élèves).
Auteurs du livret : Christiane Lucotte, Christian Cals, Hervé Finous, Christian Lucotte

Huile sur toile (1.15mx1.47m) de Eugène-Ernest Hillemacher (1818-1887)
Analyse plastique  
Ce qui frappe à première vue dans ce tableau, c’est la théâtralité donnée à la scène. Oedipe et Antigone sont en pleine lumière alors que tout le reste est plongé dans une pénombre qui noie premier et arrière-plan. Seule une vue éloignée de la cité antique est éclairée de façon à bien situer la scène dans le contexte grec. Pas de subtilité non plus dans l’organisation des divers personnages. leurs attitudes poussées à l’excès sont renforcées par le « nœud » de bras et de jambes qui s’agitent en tous sens.

Des éléments emblématiques très appuyés ancrent la scène dans la Grèce antique autel à section triangulaire et têtes de béliers à droite, socle qui le prolonge et laisse découvrir le pied d’une statue, départ d’un fût de colonne cannelée au-dessus du groupe de gauche. Cette organisation des personnages dans une forme triangulaire, dont le sommet est occupé par un groupe qui apparaît dans le fond et l’obscurité, donne toute l’importance aux deux héros protagonistes de l’œuvre.

  Le symbole du drame est encore accentué par le déploiement du manteau rouge d'Oedipe Cette théâtralisation est à rapprocher du Sacrifice d'Iphigénie de Sébastien Bourdon ou de Bacchus et Ariane de Le Nain. On constatera d’autant mieux les qualités d’organisation et l’utilisation des symboles dans ces deux oeuvres.

  Hillemacher, peintre académique et « pompier » se contente de présenter ses personnages sans y attacher de point de vue personnel. Le décor, les passages, le rapport ombre/lumière, le lien entre les protagonistes sont grossièrement traités.

Analyse littéraire

Une famille (se reporter au livret pédagogique)

Des lieux (se reporter au livret pédagogique)

Un mythe des éléments permanents et des éléments variables

L’élément permanent constitutif du mythe d’Oedipe c’est le double crime d’inceste et de parricide : Oedipe tue son père et épouse sa mère.
À côté de cette donnée intangible, les autres motifs peuvent varier selon les options artistiques et les projets de chaque auteur ou de chaque oeuvre.

Prenons deux exemples : le sort de Jocaste et d'Oedipe quand ils découvrent leur crime.

  • Jocaste meurt généralement quand elle découvre qu’elle a épousé son fils ; dans l’épopée son suicide intervient aussitôt après son mariage, elle n’a pas de descendance ; ce sont les Tragiques qui donnent au couple les quatre enfants qui deviennent la matière de nouvelles tragédies. Cependant, dans Les Phéniciennes, Euripide diffère le suicide, rattaché non plus à l’inceste mais au désespoir causé par la mort d’Étéocle et Polynice que leur mère a tout fait pour réconcilier.

  • La fin d’Oedipe offre encore plus de variété.
    - Homère n’évoque ni automutilation ni exil d'Oedipe malgré son malheur continue à régner sur Thèbes et meurt en guerrier.
    - Dans ce cycle épique, Oedipe, relégué dans son palais, était humilié par ses fils sur lesquels, en retour, il appelait la   
    vengeance divine.
    -
    Sophocle varie d’une oeuvre à l’autre :
       dans Antigone, il est dit qu’Oedipe est mort à Thèbes, 
       dans Oedipe
    Roi, alors qu’Oedipe veut s’exiler, se conformant ainsi au châtiment qu’il avait fixé pour les meurtriers 
       de Lalos, Créon lui ordonne de se cacher au fond du palais, 
       dans Oedipe
    à Colone, Oedipe a été chassé de Thèbes par ses fils, quelques années plus tard ; sa mort signifie          sa réconciliation avec les dieux et restaure son prestige de roi bienfaiteur, non plus de Thèbes mais d’Athènes       l'hospitalière.

  • Quelques années avant cet apaisement sophocléen, Euripide dans les Phéniciennes, était le premier à donner à  Oedipe, banni par Créon après la mort d’Étéocle et Polynice, la compagnie d’Antigone.

Des oracles
Attachés a un lieu (Delphes) et au dieu Apollon, relayé par le devin Tirésias, ils traduisent le lien entre l’homme et le divin. Ils suscitent des attitudes différentes (obéissance, contestation) et posent plus généralement le problème de la liberté de l’homme et de sa responsabilité.

On peut dresser le tableau suivant des trois oracles principaux

 

 Oracle I

Oracle 2 

Oracle 3

Destinataire

Laïos
Roi de Thèbes

Oedipe
Prince de Corinthe

Oedipe
Roi de Thèbes

Enoncé                       

Si tu as un fils, il te tuera
et perdra Thèbes 

Tu tueras ton père et épouseras ta mère

Thèbes sera sauvée de la peste quand le meurtre de Laïos sera vengé

Thème 

Politique 
Rivalité pour le pouvoir

Moral et social
L’inceste et le parricide

Religieux et politique
La souillure  

Réaction du destinataire 

Négative
Naissance d’Oedipe
Décision de le tuer
Exposition de l’enfant

Positive
Répulsion
Départ de Corinthe
Séparation 

Positive
Coopération
Ouverture de l’enquête
Annonce de sanctions

Lien entre la réalisation  de l’oracle et le destinataire

Culpabilité de Laïos
(orgueil, désobéissance)

Innocence dans le crime

Conscience de son anormalité
Acceptation de son destin

L’énigme d'Oedipe

La réponse qu’Oedipe donne à l’énigme posée par la Sphinge renvoie à une autre énigme qui est Oedipe? Qu'est-ce que signifie son histoire ? Parler de l’énigme d'Oedipe c’est ébaucher les facettes, les oppositions, les revirements qui donnent à ce personnage et à ce mythe son épaisseur et son mystère.

  • Le nom d’Oedipe est déjà double Oidipous est bien l’être humain à deux pieds (dipous) dont le nom se rattache à une double étymologie il est l’homme « aux pieds enflés ». aux talons percés par les entraves lors de son exposition, Oedipe le boiteux, l’infirme ; il est aussi celui « qui sait » (oida en grec), mais qui maîtrise quels savoirs acquis au prix de quelles épreuves ?

  • Il est celui qui a su percer l’énigme de la Sphinge mais ne sait pas qui il est et ce qu’il fait. Il est celui qui a des yeux mais ne voit pas (contrairement à Tirésias, l’aveugle voyant) et celui à qui la vérité crèvera les yeux.

  • Sauveur de Thèbes libérée de la Sphinge, il est aussi la souillure de Thèbes, à la fois roi tout-puissant et roi maudit des dieux, bientôt déchu, condamné à la réclusion ou à l’errance.

  • Il est à la fois l’organisateur de l’enquête et sa cible, le juge qui a fixé par avance la peine et le condamné soumis à la sanction promise.

  • Il est celui qui a transgressé les fondements de la vie sociale Jocaste est à la fois sa mère et sa femme qui devient la mère d’enfants dont Oedipe est à la fois le père et le demi-frère.

  • Il est le coupable mais aussi l’innocent qui a tout fait pour éviter son destin mais qui n’est jamais si proche du malheur qu’au moment où il pense l’avoir évité (la péripétie de l’annonce de la mort naturelle de Polybe).

  • Il est l’homme écrasé par le malheur, la victime des dieux, mais aussi l’homme qui sans se suicider affronte son malheur.

  • Il est l’impur rejeté par tous qui trouve, au terme de ses épreuves, le pardon des dieux et la reconnaissance des hommes.

Du « complexe d’Oedipe à la bataille d’Oedipe»

Si riche que soit le chef-d’oeuvre de Sophocle, la célébrité d’Oedipe aujourd’hui tient pour beaucoup à l’invention de la psychanalyse. C’est par l’expression « complexe d’Oedipe » que Freud, au début du siècle, a désigné une des découvertes majeures de cette nouvelle science humaine. Consécration suprême, le complexe d’Oedipe est même devenu un nom commun, l’Oedipe, étape essentielle de l’existence de chaque individu. Le mythe antique d’Oedipe, échappant à la mythologie et à la littérature, s’est constitué grâce à Freud en un véritable mythe de la psychanalyse.

Définition simplifiée:

Le complexe d’Oedipe désigne un ensemble, un nœud, un croisement de sentiments et de représentations inconscientes par lesquels l’enfant, entre deux et cinq ans, se situe par rapport à ses parents, éprouvant amour et désir pour le parent de sexe opposé, rivalité et jalousie pour celui de même sexe. La disparition du complexe d’Oedipe est une étape essentielle de la construction de la personnalité et de l’accès à l’âge adulte.

Comment la référence à Oedipe s’est-elle imposée?
 Plusieurs facteurs sont apparus à Freud :
- la parenté entre l’élément permanent du mythe d’Oedipe et les observations de Freud sur lui-même et ses clients (souvenir d’un rejet du père et d’une attirance pour la mère)
- le succès ininterrompu d
Oedipe Roi (depuis la Poétique d’Aristote, oedipe Roi est le modèle de la tragédie), pièce lue, étudiée, jouée, imitée sans interruption, traduit une fascination du public : chaque lecteur ou spectateur retrouverait en Oedipe l’écho d’un épisode de son histoire : je vois avec horreur Oedipe faire ce que j’ai rêvé de faire
- la ressemblance entre la découverte progressive par oedipe de son identité et de son passé est comparable à la démarche d’une analyse.

L’approche psychanalytique du mythe d’Oedipe a eu un retentissement important, suscitant des critiques et des émules.
La première critique souligne qu’Oedipe ignore le complexe d’Oedipe puisqu’il ne sait pas qu’il tue son père et qu’il épouse sa mère et qu’il ne tue pas son père pour épouser sa mère.
Les psychanalystes, Freud en tête, ont balayé l’objection, notant que l’inconscience et l’ignorance d’Oedipe sont comparables à celles de l’adulte qui n’a pas souvenir d’avoir vécu et surmonté le complexe d’Oedipe.
On a reproché également aux psychanalystes de méconnaître le détail ou le contexte de la pièce.
Avec ce type de critiques on voit qu’Oedipe devient un champ de bataille où s’affrontent, non sans polémique, des démarches scientifiques différentes qui enrichissent notre compréhension du mythe
- la psychanalyse (Jung, A. Green)
- les historiens (P. Vidal-Naquet et J.-P. Vernant Oedipe et ses mythes)
- les spécialistes des religions (M. Delcourt, R. Girard)
- les anthropologues (C. Lévi-Strauss).
Mentionnons enfin l’imposant travail de Jean Bollack qui consacre quatre volumes à l’étude des manuscrits d’
Oedipe Roi et à la comparaison des interprétations (jusqu’à quatorze pour un passage).

Postérité, d'Oedipe (se reporter au livret pédagogique)

PISTES PEDAGOGIQUES (se reporter au livret pédagogique)


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