LES MANUSCRITS, la Renaissance carolingienne
Le savoir, à l'époque de Charlemagne se transmet par les manuscrits : livres écrits à la main sur des parchemins (matière préparée à partir de peaux d'animaux, généralement de la chèvre, du mouton ou du veau traitées pour pouvoir être écrites des deux côtés). L'encre est faite à partir de noir de fumée mélangé à un liant. Faire un manuscrit est un travail long et difficile et il est important de bien recopier les textes, sinon, de copie en copie, les fautes s'ajoutent et le texte devient vite dénaturé. 
"Corrigez bien, dans chaque monastère ou évêché, les psaumes les chants, la grammaire et tous les livres catholiques. en effet, il arrive souvent que certains prient mal à cause de livres mal corrigés. Ne laissez pas (ces mauvais livres) nuire à vos élèves qui les lisent ou les copient. Et s'il est nécessaire de copier l'Évangile, les Psaumes ou le Missel, que ce soit des adultes qui le copient avec toute leur application"  Exhortation générale, Charlemagne.
Ci contre, à droite, copie d'un manuscrit (IX° siècle), Nathan 5ème.

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Sous l'impulsion de Charlemagne, le travail des lettrés dans les monastères prend de l'importance, la copie se fait dans le scriptorium. Les savants sont chargés de rénover les manuscrits des textes issus de l'Antiquité gréco-latine qui ont été altérés par l'intervention de nombreux copistes. La période de l'Antiquité étant considérée comme un modèle à imiter, on parle de "Renaissance carolingienne"; il faudrait sans doute plutôt parler de "rénovation" car le mot "renaissance" est étranger à l'époque. Les livres les plus copiés sont ceux qui servent à la religion : des Evangéliaires qui contiennent le texte des Évangiles, des psautiers qui rassemblent les psaumes : poèmes de l'Ancien Testament chantés à l'église, des Bibles, des sacramentaires (missels). 
A gauche, sacramentaire du couronnement de Charles le Chauve avec lettrine T (870).

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Psautier St Germain-des-Prés (810-830)
écriture caroline, lettrine O.
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Pendant l'époque carolingienne, l'écriture évolue. A côté de la capitale rustique, dérivée de la capitale romaine, l'on voit apparaître une capitale dont certaines lettres comme le M, le A et le E sont arrondies : c'est l'onciale. Ces capitales sont des écritures de luxe ; elles servent à recopier les premières lignes et les prologues des textes sacrés. Vers la fin du VIIIème siècle, les moines de l'abbaye de Corbie mettent au point une nouvelle écriture d'une grande lisibilité (les mots sont bien détachés), la minuscule caroline. Petite et cursive, elle économise à la fois le parchemin et le travail du copiste, elle est à l'origine de notre écriture actuelle. Le livre est alors un objet précieux que seuls les riches peuvent acheter, il est très souvent une oeuvre d'art, écrit en lettres d'or et d'argent, décoré d'illustrations en couleurs appelées enluminures (de "illuminer", briller par les couleurs) ou miniatures, il est toujours écrit en latin alors que la majorité de la population parle un dialecte qui s'en éloigne de plus en plus. Les enluminures ornent les bordures de la page ou la première lettre du texte appelée "lettrine" ou la page entière.

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Evangéliaire sur parchemin pourpre : scènes chrétiennes avec les symboles des 4 évangélistes (scriptorium d'Augsbourg, début IXème siècle)
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Le parchemin est parfois teint en pourpre, pour être digne de la Parole de Dieu qu'il renferme, on le porte même en procession dans l'église lors des célébrations. Le copiste trace d'abord à la pointe sèche, à l'encre ou à la mine de plomb la réglure qui définit le cadre de la mise en page, illustrations comprises. Puis il copie son texte, réservant un espace vide pour les titres, les initiales ornées, les miniatures. Le rubricateur copie les titres à l'encre rouge. Le filigraneur dessine la lettre ornée et y pose les couleurs en commençant par l'or. L'enlumineur esquisse le dessin de la miniature, puis pose les couleurs qu'il retravaille pour les ombres et les lumières.


On voit bien ici le tracé de la réglure, toutefois ce manuscrit, s'il relate bien des faits carolingiens, est beaucoup plus tardif et date du XIVème siècle.

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St Jérôme, installé dans une belle initiale de la lettre U est représenté dans l'attitude du clerc copiste. Son parchemin est posé sur le pupitre, il écrit de la main droite avec une plume. Dans la main gauche, il tient un canif qui lui sert à tailler la plume, à gratter les erreurs et à maintenir le parchemin bien immobile. Sur le pupitre, on distingue l'encrier, une corne remplie d'encre. St Jérôme a passé vingt-deux ans de sa vie à traduire la bible en latin (la vulgate : version officielle de la bible pendant des siècles en occident). A droite de l'initiale, les réglures sont soigneusement tracées. (Bible du XII°, Prologue de St Jérôme, sur le Livre des Rois).

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Bible de Charles le Chauve, l'Arche d'Alliance (870-875)

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Reliure du codex Aureus de St Emmeran. Époque Ch le Chauve. 42 cm x 33 cm

Il ne faut pas oublier, dans la Renaissance carolingienne, les progrès de la sculpture de l'ivoire (plaques d'ivoire qui ornent les plats des reliures, tel le psautier de Dagulf visible au Louvre) et l'orfèvrerie, on en a un témoignage ici avec cette superbe reliure en or repoussé parsemée de pierres précieuses richement colorées. 
Les livres sont rangés soit à plat, les uns sur les autres, soit adossés sur un pupitre.

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En haut, écriture mérovingienne, en bas écriture caroline qui se distingue par sa lisibilité.

Conclusion : le développement de la copie des manuscrits, l'invention d'une nouvelle écriture (la caroline), la construction d'églises et palais, l'effort mené pour éduquer les élites politiques et religieuses, la mise en place d'une administration unifiée et plus efficace (Charlemagne avait compris que l'unification passait par la rénovation culturelle) sont des faits qui témoignent d'un véritable renouveau carolingien. Toutefois, il faut en souligner le caractère utilitaire et limité, Charlemagne lui-même ne sut sans doute jamais écrire et les moines qui copiaient et illustraient inlassablement les manuscrits n'étaient pas toujours destinés à être lus mais à grossir les trésors des églises et à valoir aux copistes des indulgences divines. De plus, ils n'hésiteront pas à gratter d'anciens manuscrits dont les textes, sans ornementation, véhiculaient pourtant la pensée des Anciens (ces manuscrits sont appelés palimpsestes, du grec "palin" : nouveau et "pséstos" : raclé).

 A retenir pour les 5èmes :
- Le savoir, à l'époque de Charlemagne, se diffuse par les manuscrits : livres écrits à la main sur des peaux tannées : le parchemin. Ce sont les clercs, les moines qui recopient les textes en les décorant de belles enluminures. Charlemagne encourage la recopie de manuscrits, une nouvelle écriture, plus lisible est inventée : la caroline. La recopie concerne surtout les textes religieux, évangéliaires (livres des évangiles), livres de prières... La fabrication d'un manuscrit est longue et délicate, le livre reste donc cher et un luxe, seuls les plus riches peuvent se le procurer. Par ce fait, la renaissance carolingienne est forcément limitée.
-Vocabulaire : manuscrit, parchemin, scriptorium, caroline, miniature, enluminure.

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