I) LA LÉGENDE

Les Anciens pensaient que la terre avait la forme d’un disque. Zeus voulut en connaître le centre ; pour cela, il envoya deux de ses animaux favoris, deux aigles, l’un à l’est, l’autre à l’ouest pour qu’en se rencontrant, ils déterminent le centre de la terre. Ils se rejoignirent près du mont Parnasse et y repérèrent une pierre très particulière : l’omphalos (ombilic). Une autre version de la légende dit que cette pierre était celle que Rhéa avait fait avaler à son mari Cronos au lieu de Zeus. Lorsque celui–ci, devenu adulte, avait fait avaler à son père une potion qui l’avait obligé à restituer tous les enfants qu’il avait avalés de peur que l’un d’entre eux ne le détrônât, la pierre avait roulé jusqu’à Delphes. C’est pourquoi elle est représentée entourée de bandelettes qui figurent des langes. C’est à la suite de cet épisode que Delphes devint le centre ( ou le nombril ) du monde.

II) L’ORACLE

Depuis l’aube des temps se trouve à Delphes un sanctuaire consacré à la déesse Terre, mère de l’Univers, Gê. Son fils Python, un serpent, vivait à Delphes : c’était le gardien des lieux. Le dieu Apollon, peu après sa naissance à Délos, tua Python à coups de flèches. Il dut s’exiler pendant huit ans pour expier son crime et se purifier, selon la loi de Zeus. A son retour il remplaça Python.

Il est couronné de lauriers et rend des oracles par l’intermédiaire de la Pythie. Au culte d’Apollon s’ajoutent ceux de Dionysos ( d’où la présence d’un théâtre dans le sanctuaire) et d’Athéna ( voir le temple rond, la tholos, d’Athéna Pronaïa).

Quand les Athéniens exercèrent leur domination sur la Grèce centrale, au début du VI° siècle avant J.C., ils instituèrent les Jeux Pythiques tous les quatre ans, avec des épreuves sportives. Malgré des tremblements de terre et les guerres, le sanctuaire persista jusqu’en 381 après J.C. , sous l’empereur byzantin Théodose le Grand. . Quelques années auparavant il avait rendu son ultime oracle : « Allez dire au roi que le bel édifice est à terre , Apollon n’a plus de cabane ni de laurier prophétique, la source est tarie et l’eau qui parlait s’est tue. »

L'oracle à Crésus (d'après Hérodote).
Comme l'oracle ne doit pas se tromper, les réponses sont souvent ambiguës, ainsi, en 546 av JC, Crésus, roi de Lydie, demande à l'oracle s'il doit partir en guerre contre Cyrus le roi des Perses. L'oracle lui répond :
« Si tu fais la guerre aux Perses, tu détruiras un grand empire. » Crésus part en guerre, mais il est battu et
fait prisonnier, il revient donc à Delphes accuser le dieu de l'avoir trompé, la Pythie lui réplique :
« Tu aurais dû demander au dieu de quel empire il parlait, le tien ou celui de Cyrus ? ».

III) LA PYTHIE

C’est la prêtresse du sanctuaire. Elle doit mener une vie irréprochable. Elle est chargée d’apporter aux pèlerins la réponse du dieu Apollon à leurs questions. Elle est assise au-dessus d’une sorte de chaudron à trépied, elle mâche des feuilles de laurier, dans une grotte envahie par la fumée produite par la combustion du laurier ( arbre d’Apollon), près de l’omphalos. Les pèlerins attendent dans une salle voisine. Ce sont les prêtres qui transmettent les questions à la Pythie. Elle entre en transes et les prêtres interprètent ses gestes et les sons qu’elle produits sous l’influence du dieu.

IV) LA FONCTION DU SANCTUAIRE

Il a eu un triple rôle :

- un rôle religieux, bien sûr, et moral. On voit cet aspect à travers les devises gravées autour de la porte du temple d’Apollon : « Connais-toi toi-même », « Rien de trop » etc…

- un rôle politique : les États qui veulent faire la guerre consultent l’oracle et les prêtres donnent parfois des réponses partiales, en accord avec leurs propres choix ou leurs intérêts. Delphes est le centre d’une confédération, celle des Amphictions. De plus, le sanctuaire est très riche : les pèlerins font des offrandes, des sacrifices. Les offrandes sont réunies dans des trésors ( bâtiments en forme de petits temples) : par exemple le trésor des Athéniens.

- un rôle artistique : du fait de l’importance du sanctuaire, qui attire tous les peuples grecs et aussi des étrangers, grâce à sa position géographique centrale au croisement des civilisations de l’est et de l’ouest, le site s’enrichit de bâtiments, statues, temples, un théâtre et un stade. Le musée de Delphes est de ce fait un concentré de l’art grec.

Isabelle Didierjean, professeur de lettres classiques au collège public Jeanne d'Arc - Orléans.