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Le poème de Théodulf |
Pourquoi les cicatrices que le seigneur a gardées de sa passion n'ont pas été effacées à sa résurrection?
C'est que les cicatrices reçues pour le nom du Seigneur
Par les saints martyrs, seront pour eux une cause d'honneur à la résurrection.
C'est ainsi qu'il revient des ombres du Phlégéton comme Sauveur;
Son pied, son côté, sa main portent des traces.
Ce n'est pas qu'il ne pouvait effacer toutes ses plaies,
Comme l'imagine souvent l'erreur stupide des païens,
Celui qui a pu vaincre tous les maux de la mort,
Mais parce que son histoire est remplie d'actes de bonté.
Les quatre mystères que voici apportent les causes patentes
Du fait que l'Auteur de la vie porte les stigmates de la mort.
D'abord il fallait que les disciples sachent bien et se mettent en tête
Qu'ils avaient vu un corps, non un souffle aérien.
Ainsi seraient-ils pourvus d'une foi solide au Seigneur ressuscité,
Et ils chanteraient l'espérance de la résurrection au long des siècles.
Ensuite il fallait que, priant pour nous en tant qu'homme,
Il montre à son Père nos blessures en son propre corps,
Et que les tourments subis par lui pour le genre humain
Soient offerts à la vue par sa clémence en un continuel hommage.
Ainsi Celui que l'oubli n'atteint jamais se souviendrait
Et le saint qui ne cesse d'agir ainsi obtiendrait la miséricorde.
Il l'avertit instamment de bien vouloir se souvenir des hommes à travers les siècles
Et de les prendre en pitié sans cesse dans son saint amour,
Eux dont son Fils unique partage la nature
Et pour lesquels il a voulu subir de telles blessures.
En troisième lieu, il fallait que les élus ne cessent jamais
de faire monter leur louanges, à la vue des marques laissées par toi, ô Passion,
Car ils voient que les sombres coups reçus par lui sont leur salut,
Que sa marche vers le Styx est leur propre marche vers les astres,
Que sa mort leur apporte en tout la vie,
Et que ses épines leur valent des couronnes d'or.
Quatrième raison: pour que, à la fin des temps, la bande des réprouvés
S'attriste à sa vue et soit prise d'une douleur aiguë.
Comme le chante l'Écriture: "Ils verront celui qu'ils ont crucifié,"
et un autre passage dit encore:
"Tout oeil le verra, celui qu'annonce aussi la trompette,
Et toute tribu à travers le monde se lamentera à son sujet."
Et ils sauront qu'ils seront condamnés en toute justice,
Et qu'ils ont bien mérité de subir les morsures du feu.
Elle ne sera pas sauvée, la foule qui a porté ses mains cruelles
Sur le Seigneur, ou qui aspire à rejeter ses ordres,
Soit en faisant fi de ceux qu'elle a reçus, soit en refusant de les recevoir,
Soit en s'emportant contre ceux qu'elle voit les garder.
Ô cruelle méchanceté des hommes, Ô folie furieuse,
Ô rage énorme, Ô mal satanique!
Que Dieu ne soit pas honoré, ou même qu'on l'honore
En commettant un grand crime, cela ne reste pas impuni.
[Traduction française due à l’obligeance du Père Adalbert de l’abbaye de la Pierre-Qui-Vire]
Nouvelle découverte : C'est encore une fois Bède qui a inspiré Théodulf. Ce poème est basé sur un sermon de Bède, sermon choisi par Paul Diacre pour le mardi de Pâques dans l'homéliaire qu'il prépara vers 780 à la demande de Charlemagne : voir "Théodulf et Bède, au sujet des blessures du Christ" par Paul Meyvaert (avec traduction française par Fr. Anselme Davril), à paraître dans la Revue Bénédictine 113 ( 2003)..