La momification dans l’Egypte ancienne : le bitume et les
autres ingrédients organiques des baumes de momies
Conclusion
Au terme de cette étude qui
s’est voulue un peu plus large que le strict cadre de la fabrication des
mélanges pour embaumer les morts chez les anciens égyptiens, il apparaît que le
savoir-faire des taricheutes qui a culminé à l’Epoque Romaine s’est probablement
largement appuyé sur d’autres domaines où la mise au point de recettes et de
mélanges de produits naturels était monnaie courante. Créer des onguents
médicaux, des fards et cosmétiques relève d’une alchimie très comparable qui se
différencie surtout par les objectifs mais il est vraisemblable aussi qu’en
traitant les momies les taricheutes ont recherché à se débarrasser des odeurs
cadavériques, rejoignant ainsi l’univers des parfumeurs. Dans tous les cas les
Egyptiens ont tout d’abord tiré parti des produits naturels qui étaient faciles
d’accès et d’un prix abordable: les graisses animales et les huiles végétales,
la cire d’abeille, les vins, les extraits de plantes indigènes à l’Egypte. Puis
ils ont eu recours aux produits importés, plus rares et plus chers, en
particulier ceux de Chypre, de Palestine, du Liban et de Syrie. Dans ce registre
on trouve la résine de térébinthe, les résines de conifères et la poix, le
bitume en provenance du Sinaï, d’Irak, d’Egypte et surtout de la Mer Morte. Pour
la momification d’un corps les quantités de mélanges à préparer sont assez
volumineuses et il est vraisemblable que le prix des ingrédients ait été un
élément d’appréciation. Afin de cadrer au mieux avec ces exigences économiques
et les disponibilités du plus grand nombre, il semble que les embaumeurs aient
recherchés des solutions empiriques économiquement acceptables, basées sur le
mélange de graisses animales et d’huiles végétales, de cire d’abeille, de
résines de conifères et de poix, de vin de palme ou de dattes, le tout étant
agrémenté d’extraits de plantes. A cet ensemble de produits naturels du règne
animal et végétal s’ajoute du pétrole, ce bitume destinée au noircissement de la
momie et réservé au domaine des morts que ce soit pour les baumes de momies ou
le matériel funéraire. La cire d’abeille est peu présente dans les remèdes
thérapeutiques mais a été trouvée comme la résine de conifère dans les fards et
cosmétiques. Pour la momification, son point de fusion bas lui confère un atout
appréciable car son incorporation facilite la fusion du mélange à basse
température et permet en chauffant modérément son application à l’intérieur du
corps ou sur les bandelettes.
A coté de ces ingrédients de
prix modéré, on trouve de temps à autre de la résine de térébinthe. Dans le cas
que nous avons examiné elle intervient avec les autres constituants et en aucun
cas ne constitue un composant dominant.
Il est prématuré de tirer des
conclusions sur l’évolution des
recettes en fonction du temps car les données disponibles ne sont pas
comparables et homogènes. Nous n’avons pas vu de véritable évolution mais plutôt
des récurrences de recettes. C’est ainsi que des recettes de la XIIe
dynastie principalement à base de graisse se retrouvent à l’époque romaine. En
pratique il ne semble pas y avoir de recettes codifiées immuables et les
embaumeurs gardent beaucoup de latitude pour pratiquer leur art qui est
raisonnablement tributaire des approvisionnements du moment et des coûts
négociés avec les familles. Les empreintes chimiques des baumes sont extrêmement
variables et témoignent par là de la grande liberté qui régnait dans les
ateliers d’embaumeurs. Si l’on ne peut plus nier l’existence de bitume dans les
baumes de momies égyptiennes, la date de son apparition dans les premiers baumes
est encore incertaine. A l’heure actuelle on peut admettre qu’il est présent dès
la XIXe dynastie et qu’il perdurera jusqu’à la fin de la
momification, à l’époque romaine.