CRAPOUILLOT juillet 1933 |
P 48-52 |
DEFENSE DU NATIONALISME ALLEMAND |
" Etre
Allemand cest accepter une destinée douloureuse. Le dénouement de la guerre
mondiale et notre déclin nous lont appris. Nous devions toujours porté en nous le
tragique inhérent à ce destin, mais la débâcle nous révéla leffet que notre
caractère produisait sur le monde. Chacun, nous voyant à terre, se hâta de nous
allonger le coup de pied que, selon lopinion générale, nous avions de tout temps
mérité. Quinze années damères humiliations et leffroyable lâcheté du
monde nous permirent de nous former une image de nous-mêmes. On nous craint. Les regards
du monde convergent vers nous comme tes canons de fusil sur la poitrine dun
condamné ou les jumelles sur un horizon assombri... Nous inspirons la curiosité
effrayée que lon éprouve devant un obus retrouvé clans un champ et dont on ne
sait sil est devenu inoffensif ou peut encore exploser dun instant à
lautre." Cest ainsi que Sieburg dépeint la situation de
lAllemand après la guerre dans sa Défense du Nationalisme allemand, ouvrage fort
intéressant mais aussi lourd et indigeste quétait spirituel et ailé son ironique Dieu
est-il français ? De même que Günther-Gründel, Sieburg estime quune des
caractéristiques les plus remarquables de lAllemagne actuelle est en particulier
parmi les jeunes - le profond discrédit de largent. Depuis linflation la
considération bourgeoise de largent est complètement ébranlée ainsi quelle
le fut en Russie après la Révolution. Lécrivain allemand explique ainsi cette
curieuse évolution des moeurs . " lorsque les conditions économiques ont rendu
l'épargne impossible, lorsque limpuissance des individus à gagner leur vie a pris
de telles proportions qu'elle a fini pour devenir une rentable institution, l'Etat est à
peu près amené à se substituer, non pas seulement pratiquement, mais moralement aux
mesures dassurances privées: cest alors que lidéal de la propriété
commence à perdre la signification organique quil avait dans la société
bourgeoise à létat normal. La manière radicale avec laquelle lAllemand a
tiré dune pareille situation les conséquences idéologiques, ou plutôt dont il a
laissé libre cours au doute quil éprouve naturellement à l'égard de la
propriété, est fait pour effrayer tous les peuples dont les bases bourgeoises sont
demeurées inébranlées. En Allemagne, les faibles chances de succès offertes à
lactivité et au talent déterminent nécessairement une conception héroïque de
la. vie (1)." Si bien que les jeunes conclut Sieburg, " ont appris à donner
une valeur positive à la non possession et à lélever au rang dun
idéal parce qu'elle leur assure une liberté daction et les préserve de la
corruption ". Cette condamnation sans appel de la richesse, ce mépris pour le
confortable idéal bourgeois, énoncé au XIXé siècle par le fameux de "enrichissez-vous"
de Guizot, ne laisseront pas de surprendre les Français qui vivent dans le rêve de la
petite propriété de campagne close de murs, sinon sous le signe de la Citroën. (1) Sieburg Défense du nationalisme allemand. Sil nest pas sans parenté avec le christianisme primitif et avec la sagesse orientale, ce voeu de pauvreté, qui assure la liberté du jeune Allemand, est en contradiction absolue avec la mentalité du Français moyen pour lequel la petite propriété représente au contraire la meilleure garantie dindépendance. Il est bien évident que les deux peuples ne sentendent pas sur la signification du mot " liberté " Ce que nous intitulons "liberté" paraît aux esprits allemands de nouvelle formation un pur non - sens. En France, par exemple, nous nous montrons très fiers de notre "liberté de la presse". Or, à part quelques honorables exceptions, la fameuse " liberté de la presse " nest-ce pas assez exactement la liberté pour les journaux de se faire payer le plus cher possible pour défendre nimporte quelle opinion ou lancer nimporte quelle campagne ? La presse qui jadis fut libre, la presse didées, la presse défendant les intérêts du peuple na-t-elle pas presque entièrement disparu ? La " grande " presse nest-elle pas uniquement au service dintérêts particuliers et souvent même dintérêts étrangers ? La politique économique dun grand journal nest-elle point orientée par le groupe financier qui le contrôle de même que sa politique étrangère est le simple reflet des subventions accordées par les diverses ambassades ? Dans ces conditions, à quoi rime en vérité cette "Liberté" qui permet uniquement de monnayer la puissance dun journal au plus offrant et dernier enchérisseur? Le militarisme allemand Si étrange que cela puisse nous paraître, la liberté à la nouvelle mode allemande cadre fort bien avec la discipline militaire. Sieburg explique en effet que pour lAllemand le militarisme est une éthique nationale, une discipline spirituelle fort compatible avec la paix ; il soppose aux nationalismes étrangers qui naccordent au militarisme quun but utilitaire ; la guerre alors quil faut voir en lui "un état humain " une " manière dêtre " un " milieu" favorable à lépanouissement des plus nobles qualités de lAllemand, naturellement soldat et moutonnier. Ce militarisme, tout comme lautre, sexprime évidemment par le service militaire, non pas le service des mercenaires apothéose de la caserne mais le service militaire universel qui livre tous les individus à lEtat, à la collectivité allemande dont ils prennent conscience en s y intégrant passivement : acceptation dautant plus facile aujourdhui quil ne sagit plus de servir une aristocratie féodale et une monarchie, mais la Patrie. Peut-on dire que la France, avec la plus forte armée du monde les dépenses darmements les plus élevées, soit militariste ? questionne avec beaucoup dastuce Sieburg ? Non, nest-ce pas ?Elle conçoit larmée comme une branche sociale pratique, un organe de défense, une bonne précaution sans aimer le militarisme. Inversement, un peuple, même sil est désarmé, peut très bien aimer le militarisme en soi et lAllemagne réclame le rétablissement du service militaire et légalité des droits dans la question des armements uniquement par amour de la vie militaire qui renferme pour ses nationaux un idéal, les notions positives de leur existence sociale et aussi le moyen de donner une forme à la liberté individuelle dans un cadre collectif : une armée sans la guerre, une simple école de civisme allemand... En " démilitarisant " lAllemagne, le Traité de Versailles contrarie son développement naturel, lui enlève le support de sa foi sociale, la contraint de renoncer au seuil système qui convienne à une vie nationale que les étrangers ne comprennent pas. LAllemagne nexigerait point la force armée pour sen servir méchamment contre les voisins, mais bien pour " cultiver son jardin "... On ne la croit pas. Ses voisins ne veulent pas admettre que léducation militaire de tout un peuple puisse tendre à autre chose quà la guerre meurtrière et que le maniement des armes soit indispensable à la culture des âmes surtout dans une Allemagne désaxée, effervescente, dont lavenir |
est voilé. Mais
précisément, et nous tournons dans un cercle vicieux, Ces équivoques, Ce trouble
allemand, cette fièvre disparaîtraient si lAllemagne atteignait son unité son
équilibre, sa pleine maturité politique et elle ny peut parvenir déclare Sieburg,
quen recouvrant la Condition première et essentielle de son harmonieuse et paisible
élévation : la liberté de façonner son peuple, comme elle lentend, aux
discipline s militaires.. . Lopinion d'un Français Voilà qui paraît assez subtil. Mais un des plus lucides écrivains français contemporains, qui a vécu en Allemagne et connaît bien lâme allemande, arrive sensiblement aux mêmes conclusions : Jean Giraudoux. Lauteur de Siegfried écrit, en effet, dans la préface de Catherine soldat ces lignes dénuées de conformisme sur le "bonheur allemand ", qui firent quelque peu scandale lorsquun hebdomadaire littéraire les publia par mégarde : "Ce bonheur dordre unanime exige donc plus que tous les autres le décor, de la rue, de la place, le théâtre, le paysage, le sapin en costume de Noël, le fonctionnaire superbe et toutes les parades. Bref, on peut dire de lui quil va directement aux uni/ormes, à toutes les joies intimes dévolues à ces hommes costumés appelés soldats et â leurs fiancées, aux adieux romanesques, à la victoire, aux entrées dans les villes, à la rêverie du vainqueur sur la terre étrangère- cest-à-dire à la fausse guerre. Il se fracasse au contraire contre la vraie guerre, cest-à-dire contre la famine, le réserviste, la défaite. De là vient lenthousiasme de la masse du peuple allemand, de ce peuple à murs pacifiques, quand sannonce la guerre, et la panique et la résistance qui se manifestent alors chez ses dirigeants, les belliqueux. Cest cette fausse guerre, ce charmant animal dintimité à douce fourrure et a beaux yeux que lAllemagne, entre 1914 et 1920, a cru pouvoir nourrir impunément dans son organisme de paix et auquel elle a prodigué ses caresses, sans vouloir reconnaître que cétait un monstre. La guerre qu'elle mena alors est le plus grand combat que l'imagination ait livré à la réalité. Elle sefforça de lui conserver aussi longtemps quelle put son caractère d'idylle. De là lhéroïsme des Allemands dans lattente et dans la disette ; de là aussi la terreur quils avaient de linvasion, les sacrifices que firent leurs chefs pour la lui épargner : La paix était déjà donnée au monde lors que le premier soldat étranger qui entra sur leur territoire, avec ses armes désormais inoffensives, sa face heureuse et placide, leur montra ce visage de la guerre quils navaient pas vu sur leurs blessés et sur leurs mourants . C est par un processus analogue que parfois lesprit allemand, si bourgeois, si exact, est allé au désordre, attiré plus par le décor du désordre que par un appel ou une pente. Pour son malheur il a fallu quen ces tristes années il touchât à la fois à la vraie guerre et au vrai désordre." Rôle du Nationalisme-Socialisme A la fin de lannée 1918, lespoir dune paix libérale, les promesses dhabiles rhéteurs qui prêchaient le rapprochement des peuples et la fraternité internationale bernèrent la jeunesse allemande qui ne prit conscience quà la lecture du Traité de Versailles des dures réalités de la défaite : après avoir juré quils faisaient la guerre au Kaiser et non au peuple allemand, les vainqueurs imposèrent à la république allemande une véritable capitulation. Sans la moindre allusion aux réconciliations futures, ils laissèrent aux vaincus la mince consolation de la victoire intérieure de la Révolution, qui fut bientôt accusée de toutes les misères du peuple. Repliés sur eux-mêmes, les Allemands ressentirent intensément la déception la plus cruelle : dune réaction spontanée dans toutes les classes de la société, naquit le très ardent sentiment de nationalisme farouche, habituel aux nations vaincues. Mais dans le même temps se développait au sein de la jeunesse allemande une sorte de foi mystique dans un socialisme très pur, en haine de la corruption et de 1esclavage de largent. Quelle que puisse être la valeur personnelle dun Hitler ou la sincérité de ses lieutenants, le prodigieux succès du nazisme sexplique uniquement par le fait que le parti nouveau, dès son origine, sut refléter les tendances et symboliser les aspirations dapparence contradictoires de la jeunesse dun grand peuple. La jeune Allemagne sadmire et s'applaudit en Adolf Hitler, comme la jeune Russie s'admirait en Lénine et la jeune Italie sapplaudit en Mussolini. La " mission historique de lhitlérisme fut dopérer la synthèse assez paradoxale entre un nouveau patriotisme allemand né des dures épreuves de laprès-guerre, et un nouveau socialisme élaboré par la jeunesse bourgeoise prolétarisée HINDENBURG
MACKENSEN |
LA FANFARE DES CENT-KILOS