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CRAPOUILLOT juillet 1933

P52-56

 LES MEMOIRES D’HITLER

 La jeunesse d’Adolf

Les Mémoires où Hitler entremêla ses aventures personnelles, la vie du parti dont il devint le chef et ses idées sur tous les problèmes politiques et économiques contemporains ont paru en 1923 sous le titre de Mein Kampf (Mon Combat) (1). C’est la Bible de tout National-Socialiste. Le père d’Hitler était douanier en Autriche. Les hasards de sa profession conduisirent l’humble fonctionnaire à Braunau sur la frontière allemande où naquît le jeune Adolf, en 1889, aux bords de l’Inn, fleuve-frontière séparant la Bavière de l’Autriche et sur les rives duquel se parlait la même langue, ce qui ne laissa pas d’étonner l’enfant grandissant. Il semble que le petit écolier raisonnait plus haut que son âge, et d’ailleurs, il était intelligent, sensible doué pour les arts — ou du moins le croyait. Lorsqu’il voulut, à Vienne, orphelin de quinze ans, entrer à 1’Ecole de Peinture, il subit un échec à l’examen d’admission et se trouva seul, sans ressources, sur le pavé d’une grande ville où la chasse au pain quotidien, la faim, les besognes obscures et la misère l’attendaient. Pendant plusieurs années il connut l’existence sordide des classes misérables de Vienne.

(1) Mein Kampf n’a pas encore été. traduit en français intégralement, mais M.O. Schied en a donné, une analyse très substantielle
(Les Mémoires d’Hitler, Perrin, éd.).

Mais, dès 1910, sa situation s’améliorait, il dessinait, vendait des aquarelles ; l’observation, la réflexion, quelques lectures augmentaient son court bagage intellectuel. Sans songer encore a une action politique personnelle, il remuait dans sa tête les problèmes sociaux dans sa vie ordinaire et celle de ses voisins composaient les cruelles données et il construisait patiemment son propre système empirique en dehors des écoles et les théories acceptées. Le socialisme et. la social-démocratie allemande lui apparaissaient comme le fruit du judaïsme, sans plus et il méprisait la faiblesse, l’impuissance des politiciens d’Autriche tout autant que la mollesse du vieil Empereur qui subissait l’Allemagne sans l’aimer et laissait les Slaves submerger lentement l’Empire. Hitler n’avait qu’un culte : celui de la race allemande. Il abandonna donc Vienne pour Munich rejoignant en 1912, 70 millions d’Allemands lancés à la conquête économique et pacifique du monde, en plein essor industriel et commercial - mais, sans les suivre. Dans le goût des affaires et l’amour de l'argent, il ne vit qu’une atrophie du sens national allemand : "Car dit-il, on ne meurt pas pour les affaires." " Et la race? ", se demandait-il. La terre appartenait au plus fort, à qui la prenait sans souci des frontières et il fallait à la race allemande pour vivre des territoires nouveaux et une politique agraire, " l'épée précédant la charrue", tout le reste, conquêtes économiques, alliances diplomatiques et politique mondiale n étant que billevesées...

Hitler au front

Là-dessus, François-Ferdinand mourut assassiné à Sarajevo et la guerre éclata parce que l’Allemagne avait eut le tort de ne pas dénoncer son traité avec l’Autriche moribonde et guettée par un monde d’ennemis. Hitler s’engagea dans un régiment bavarois et vint combattre dans les Flandres, tandis qu’à l’arrière Guillaume Il décrétait à sa manière l’Union Sacrée : " Je ne connais plus de partis! ", disait-il. " Et le marxisme, se demandait encore Hitler est-ce un parti ou une doctrine? " — "C’est une doctrine de mort, de destruction, enseignée par des Juifs", se répondait-il à lui-même. Il fallait exterminer ses chefs. Mais la force ne pouvait rien contre l’idée, sinon se mettre au service d’un mouvement d’idées contraires : il suffisait d’un idéal. Dès ce jour, Hitler décidait de se lancer dans la politique quand la maturité du jugement lui serait acquise avec l’âge et il commençait ses premières études de la psychologie des foules dans sa tranchée des Flandres en mesurant les moyens et les conséquences de la propagande de guerre. La foule allemande ne demandait qu'à croire, mais elle exigeait des affirmations catégoriques, telles qu’en arboraient les affiches de publicité commerciales : enfoncer quelques idées simples dans les têtes crédules, persévérer et s’imposer, telle était la bonne méthode ; ainsi les premiers tracts de propagande ennemie ne visaient à rien d’autre que d’ébranler le moral des combattants par la répétition lancinante d’un même thème invariable : "Guerre à l’Empereur, Paix au Peuple", et réussissait dès 1916 à émouvoir les troupes allemandes et surtout les civils de l’arrière, la foule des non-combattants dont Hitler, blessé aux attaques de la Somme et évacué, découvrait avec stupeur la bassesse et l’ignominie — foule affamée, mécontente, ricaneuse, tolérant , approuvant, admirant presque l’habileté de nombreux embusqués - des Juifs pour la plupart, déclare le futur "Führer" En 1918, l’esprit de l’arrière dressé contre la monarchie et le capitalisme gagnait le front, les futurs "républicains" s'agitaient. C’est à l’hôpital, les yeux brûlés par les gaz, que Hitler apprenait à la fois la proclamation de la République et la capitulation de l’armée. Ces terribles événements fortifiaient sa résolution de prendre part aux luttes politiques.

Hitler réfléchit

Quelles étaient, se demandait-il, les causes profondes de la décadence de l’Allemagne, dès avant la guerre ? L’hypertrophie de l’industrie et son internationalisation, l’agonie de l’agriculture, la lutte des classes et l’oppression du prolétariat, dispersion des capitaux et des biens dans les sociétés anonymes, le triomphe de la spéculation, bref un régime économique désastreux prenant le pas sur une politique amorphe qui laissait le champ libre aux individus médiocres, à de mauvais éducateurs, à de mauvais conseillers (la presse libérale et marxiste) et qui ne savait même point protéger les individus contre les maux physiques : syphilis et tuberculose.

 

De là, chez Hitler, élaboration d’un programme de redressement sommaire et direct, étroit mais précis : lutte contre la prostitution (qu’elle s’appelle mariage d’argent ou rétribution de l’amour commercial) ; interdiction de procréer aux individus atteints de maladie incurables ; réforme de l’enseignement par le sport ("esprit sain dans un corps sain ") ; guerre à l’art moderne, opprobre de l’intelligence moyenne; rétablissement d’une religion, toujours utile en politique ; enfin remplacement des somptueux magasins juifs, des immeubles de sociétés commerciales par des monuments publics de grande beauté analogues à ceux que nous léguèrent Rome et Athènes... (Ici, reparaît l’ancien " artiste " peintre.) Mais au delà de ces conceptions élémentaires d’une société nouvelle uniquement fondée sur les réactions brutales d’un esprit simple, Hitler posait cette perpétuelle question de la Race : Pourquoi les excellentes institutions de l’ancien régime, la monarchie, l’armée, l’administration, n’empêchèrent-elles point la chute de l’Empire ? Parce que le gouvernement méconnut le problème de la race. Les antiques civilisations disparurent quand les races se mélangèrent. Or, on laissa les Juifs incultes, jouisseurs, parasites et menteurs s‘installer en Germanie et y prendre les places les plus importantes. Leur but secret ? — La ruine de la nation par le règne des incapables, la dictature du prolétariat et la dictature internationale — la leur —couronnement de leur invention, le marxisme, promoteur d’une lutte des classes à laquelle ils ne participent point. Ils parlent de laïcité et d’internationalisme ? — Aucune race ne s’isole plus que la leur, aucune religion n’est plus jalousement défendue que la leur. Que veulent-ils ? Satisfaire la "race élue" au détriment des "gentils". …Les Juifs sont la contre-race qui, par l’intermédiaire de la presse, des arts, du théâtre, du cinéma opère la dissolution du moral Aryen ; le bolchevisme, d’après Hitler, est "une gigantesque entreprise de la juiverie pour s'emparer de la direction du monde par la violence". Marxisme juif et finance internationale qui marchent de pair sont les deux ennemis d’un peuple sain. Hitler opposera à l’internationale juive l’idéalisme de la race aryenne et l’Etat germanique de nation allemande ; il remplacera la politique mondiale (Weltpolitik) de Guillaume II — commerciale et industrielle et coloniale — par une politique agraire d’une plus grande Allemagne.

Fondation du parti nazi

Le voici, en mars 1919, après la libération de Munich, toujours affecté au 2e régiment d’infanterie comme membre d’une Commission chargée d ‘étudier les événements révolutionnaires. Bientôt, il est nommé "officier instructeur" avec mission de faire l’éducation patriotique de la troupe. A cette époque, de nouveaux partis politiques naissent au hasard, et Hitler apprend un jour qu’il est inscrit d’office au " parti ouvrier allemand ". On l’invite à une séance du Comité : quatre hommes de bonne volonté, sans argent, sans programme. sans disciples. Sa carte d’adhérent porte le n0 7, et sept hommes représentent Le parti tout entier, avec Harrer, journaliste de grande culture pour Président, et Anton Drexler, simple ouvrier, à la tête de la section munichoise. Aux réunions publiques ils se retrouvent tous les sept dans une salle vide ; enfin viennent quelques auditeurs — jusqu’à trente-quatre, un soir de succès. Un jour Hitler prend la parole devant cent onze personnes qu’il "électrise". C’est la révélation de son don d’orateur populaire. Peu à peu le nombre des assistants s’élève, de quinzaine en quinzaine, et atteint quatre cents à la fin de l’année. Le parti prend alors son appellation définitive : Parti ouvrier allemand national-socialiste, s‘insère entre les intellectuels conservateurs et les ouvriers marxistes. En février 1920, manifestation monstre dans là salle des Fêtes du Hofbräuhaus : deux mille personnes. Ce sont des adversaires communistes et socialistes indépendants qui occupent les places : Ils couvrent de huées et d’injures l’orateur débutant, qui toutefois réussit à enthousiasmer son auditoire au milieu de la bagarre et parvient à donner lecture du programme national-socialiste. Le mouvement hitlérien commence. Hitler fait son apprentissage de tribun et acquiert l’expérience et l’habileté (1). Aux conférences et réunions bourgeoises, plus savantes, tout le monde somnole dans l’ennui et la banalité d’une rhétorique désuète, tandis que chez Hitler, on vit, on crie, on se bat. C’est un "spectacle" qui attire un public toujours plus nombreux. Les nationaux socialistes font leur police eux-mêmes : partout ailleurs les marxistes et socialistes-démocrates font irruption au milieu de conférences politiques et vident les salles à coups de poing. Avec Hitler et ses jeunes gardes d’anciens copains du front —autre chanson les perturbateurs sont assommés proprement et jetés dehors.

(1) Hitler donne, en technicien, de précis et judicieux conseils pour créer " l’atmosphère " des réunions publiques.

A Munich, en 1920, la foule acclame le drapeau dessiné par Hitler; fond rouge, disque blanc et croix gammée noire les couleurs du passé. Au cirque Krone, l’année suivante 6.500 personnes se pressent ; une deuxième réunion au même endroit huit jours après, puis une troisième, obtiennent un même succès. Hitler parle pendant des heures Chargé jusqu’alors du service de la propagande, il est élu chef du mouvement. Désormais, sa réputation grandit ; les sympathies, les adhésions affluent. Le gouvernement républicain bannissait les uniformes et les défilés que les Allemands adorent : Hitler conquiert la rue en traversant au pas cadencé la ville avec six centuries, deux fanfares, quinze drapeaux et sa tournée triomphale se continue à travers le pays. En janvier 1923, le Congrès du parti assemble 6.000 personnes et l’on voit apparaître le premier uniforme des "troupes d'assaut ". Elles sont prêtes à jouer un rôle militaire au moment de l'occupation de la Ruhr, mais le gouvernement feint de ne pas comprendre. En quatre années, le parti Nazi s’est développé avec une rapidité surprenante. Pour Hitler tous les espoirs sont autorisés.

 

LE GENERAL HAERINGEN A LA MANIFESTATION DE HALL

LE MARECHAL HINDENBURG PASSANT UNE REVUE

MANIFESTATION PATRIOTIQUE DES ETUDIANTS ALLEMANDS AU STADION

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