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                                                 CRAPOUILLOT juillet 1933

DEUXIEME  PARTIE

P45-48

 

MYSTIQUE

HITLÉRIENNE

par

Jean GALTIER-BOISSIERE

 J’ai tenu à publier, sans aucune coupure ni commentaire, le réquisitoire passionné qu’un écrivain allemand, d’esprit   "européen", a dressé contre Hitler, au lendemain de sa prise du pouvoir dictatorial et des brutales persécutions qui soulevèrent 1’indignation du monde civilisé. Il m’a paru intéressant de compléter ce remarquable exposé que seul un Allemand pouvait écrire par l’analyse des principaux textes du programme national socialiste et l’indication des alliés d’Hitler, par quelques observations aussi sur les réactions que provoquèrent les premières applications de la doctrine hitlérienne, et ses possibilités d’avenir. J.G.-B.

LA MISSION DE LA JEUNE GENERATION

Le peuple allemand est le seul qui soit capable d’aller consciemment, en pleine connaissance de cause, à l’encontre de ses propres intérêts matériels.

SIERURG ( Défense du nationalisme allemand)

La jeune bourgeoisie prolétarisée

Un copieux ouvrage, paru avant la prise du pouvoir par Hitler et qui eut un grand retentissement en Allemagne : La Mission de la jeune génération (1), donne un exposé instructif et révélateur des courants d’idées et des aspirations actuelles de la jeunesse allemande. L’auteur, M. Günther-Gründel, rattache la mentalité de la Jeunesse d’après-guerre allemande au très curieux mouvement des " Wandervögel ", qui s'organisa de 1890 à 1900 et atteignit son apogée lors de la manifestation du Haut-Meissner, près de Cassel en 1913. Plusieurs centaines de milliers de jeunes gens de classes différentes avaient pris l’habitude de se retremper en commun dans la nature au cours de voyages à pied à travers l’Allemagne. Ce mouvement était dirigé par de jeunes bourgeois désintéressés et animés d’un haut idéal qui, dégoûtés du brutal matérialisme du régime capitaliste, avaient décidé d’instaurer, "avec une abnégation totale, un socialisme très pur ". Le bouleversement de la guerre arrêta cet extraordinaire mouvement de la jeunesse, dont on pourrait d’ailleurs trouver un équivalent vers la même époque en France, lorsque (les normaliens entreprirent " d’aller vers le peuple " Günther-Gründel distingue trois générations de jeunes : la jeune génération du front (à partir des hommes qui avaient au plus vingt-quatre ans en 1914) ; la jeune génération de la guerre, qui n’alla pas au feu, mais dont la jeunesse se déroula pendant la tourmente ; et la génération de l’après guerre qui ne connut que la révolution, l’inflation et la vie dure après ]a défaite. Toute la jeunesse allemande a cruellement pâti de la guerre, mais les jeunes bourgeois, non seulement souffrirent de privations alimentaires comme les autres, mais encore virent leur classe, ruinée par l’inflation, s’effondrer, se prolétariser, et toutes les carrières habituelles se fermer devant, eux à leur sortie des écoles. " Des centaines de milliers de jeunes gens appartenant à notre classe et qui eussent jadis poursuivi leurs études à l’Université, fait une carrière dans l’armée, occupé de hauts postes dans l’administration, à moins qu’ils se fussent bornés à recueillir la fortune de leurs parents, tous ceux-là se virent brusquement dépossédés, rejetés au rang de ces prolétaires dont autrefois ils soupçonnaient à peine l’existence. Les ponts établis depuis des générations étaient rompus; il fallait se jeter à l’eau pour se tirer d’affaire. Nous étions refoulés vers des couches sociales que nos parents ne se représentaient même pas (1)."

(1) A paru en traduction française chez Plon.

La jeunesse intellectuelle allait par nécessité recommencer l’expérience des " Wandervögel "d’avant-guerre et se trouver intimement mêlée à la vie et aux souffrances du peuple. " Pour nos jeunes hommes, notre monde s’en trouve élargi, enrichi comme il n’avait jamais pu l’être; toute une partie de notre jeunesse fut ainsi soumise en pleine formation à des épreuves bien faites pour la préparer aux vastes entreprises qui l’attendent (2)."

Le règne des vieillards

Le mouvement des jeunes s’éleva d’abord contre le règne des vieillards qui, dans la politique comme dans l’économie, se cramponnaient à tous les leviers de commande. Les statistiques de 1929-1930 révèlent que les deux cents personnalités dirigeants de l’économie allemande ont un âgé moyen de plus de soixante ans ; la moyenne des membres du Reichstag est de cinquante-sept ans; dans le trust de l’acier, l’âge moyen des membres du Conseil d’administration est de soixante et un ans; du comité directeur, de soixante-sept ans ; et ainsi de suite... Les jeunes Allemands, qui voient leurs pareils entreprendre de grandes tâches en Russie et en Italie, sont décidés à accélérer la mis à la retraite des vieillards : leur mission consistera clans le renouvellement total de l’époque. Plutôt que dans les arts c’est dans le sport qu’un nouveau sentiment de la vie commença à se manifester et à s’épanouir. Mais le sport pouvait n’être qu’un narcotique ; la jeunesse a voulu regarder plus loin et s’est passionnée aux grands problèmes de la vie contemporaine.

Critique du capitalisme

D’abord le problème économique. Nous assistons à une crise du capitalisme conséquence de la guerre mondiale qui n’arrive plus à équilibrer la production des marchandises et la capacité de consommation. La vraie raison de la crise, c’est que l’argent a outrepassé son pouvoir. " Sous le système capitaliste, la machine ne sert pas tant à alléger la peine des ho mes qu’à leur enlever leur capacité d’achat et à la réduire à la famine. N’importe quel capitaliste peut disposer des moyens de production dont il a le contrôle, selon ce qu’il croit être son intérêt privé. De là, cette anomalie que nous voyons à l’heure présente : d'une part, des monceaux de marchandises invendables; de l’autre, des millions de gens qui manquent du strict nécessaire. Entre ceux-ci et celles-là se dresse une barrière infranchissable: l’argent. Le devoir principal de toute économie, qui consiste à procurer à la société humaine le plus de bien-être possible, ne nous met plus en face d’un problème de production, mais de répartition. C’est donc une question de système. À la racine du mal dont souffre l’économie, il y a la conception moderne de l’argent, et la propriété privée illimitée. La propriété, lorsqu’elle se présente sous forme d’une exploitation paysanne, par exemple, sert le peuple : la propriété privée sous forme de compte en banque, le tyrannise. Il est donc nécessaire de procéder à une révision de la notion de la propriété, il s’agit d’y introduire l’idée d’investissement. La propriété obligation envers la société (1). La crise de la civilisation est arrivée à l’état aigu. " Le capitalisme moderne a mobilisé toutes les valeurs humaines au moyen de l’argent et a dégénéré en simple culte du veau d’or. La puissance de l’Etat a passé des mains de quelques maisons princières héréditaires entre celles des financiers qui mènent le monde ; leurs agissements anonymes sont d’autant plus dangereux que, malgré leur puissance quasi illimitée ils restant invisibles et presque invulnérables. Le capital, aussi précieux et nécessaire dans la corps économique que la sang dans le corps humain, n’a plus d autre fonction que de produire de l’argent , il abusa de sa puissance universelle pour des fins inhumaines : réaliser dés gains monstrueux, imposer sa tyrannie, ce que le système actuel, d’ailleurs, lui rend facile (2).

(1) La Mission de la jeune génération p. 34.

(2) Ibid., p. 35

Capitalisme et politique

Or la politique, déclare Günther-Gründel au lieu de soutenir l’intérêt des individus, s’associe à l'exploitation capitaliste du monde. Le XIXé siècle, grand siècle des inventions et du    "progrès" matériel, n’a pu aboutir qu’à une guerre inhumaine où " l’élément " purement matériel, la machinerie de guerre l’a emporté sur l’homme et sur les vertus propres où se ravalent son courage, sa valeur, son génie Le couronnement de la civilisation purement mécanique du XIXé siècle, ce fut l’organisation du massacre de l’homme par l’homme en grande série ; la guerre mondiale "a marqué la capitulation de l’homme devant la machine". La Social- Démocratie allemande qui garde le mérite d’avoir posé le problème social — s’est en fait désintéressée de la réforme sociale lorsque la défaite allemande l’eut porté au pouvoir. Elle s’est embourgeoisée, et une fois ses chefs copieusement nantis, s’est mis, ainsi que les autres vieux partis, à la solde des intérêts privés. La vieille bourgeoisie, dont le rôle historique fut de substituer la valeur sociale de l’individu au privilège de la naissance, n’est plus guidée par un idéal spirituel, niais uniquement par l’appât de l’argent. En fait, la lutte pour la liberté politique n a servi qu’à imposer " les formes modernes, bourgeoises, de la propriété et du gain, pour leur assurer la protection de l’Etat et les légitimer " (1). Finalement, tous les combats pour la liberté " n’ont abouti qu’à une nouvelle dépendance encore plus insupportable, celle imposée à des millions d’hommes par les richesses d’un très petit nombre " La société moderne vit sous l’esclavage de l’argent. —" Quelques hommes (l’affaires ou des groupes d’hommes d d’affaires délèguent leurs représentants auprès du Parlement et s’arrangent pour leur faire occuper dans le gouvernement et dans les principaux services de l'Etat le maximum de postes. Cette " démocratie " parlementaire n’est qu’une frime destinée à cacher au peuple ce qui se passe en réalité dans les coulisses. Sous ce régime, l’on ne gouverne pas pour le bien réel de la communauté, mais selon les directives de ceux qui, à l’arrière de la scène publique, actionnent les leviers de commande et aux désirs desquels tout, jusqu’aux besoins les plus essentiels de la nation, doit se plier. Les groupements d’affaires les plus puissants se livrent entre eux à des marchandages pour faire concorder leurs intérêts et c’est ce trafic que l’on dénomme " politique ". La jeunesse allemande, qui cherchait dans le sport un dérivatif à ses inquiétudes journalières, parut pendant de longues années de l’après-guerre se désintéresser de la politique. C’est brusquement, aux élections de septembre 1930, que les jeunes décidèrent de participer à la consultation nationale et, à la stupeur de la vieille bourgeoisie, se prononcèrent pour le communisme ou pour l’hitlérisme, c’est-à-dire pour les partis extrêmes de droite et de gauche, " MAIS QUI TOUS DEUX ONT DECLARE LA GUERRE AU CAPITALISME . " La jeune génération toute entière insiste " Günther-Gründel, s’est déclarée spontanément et indépendamment contre le capitalisme libéral et pour un socialisme authentique. On peut même dire qu’à l’heure actuelle, l’aile extrême de la jeune droite est encore plus socialiste que la gauche elle-même. " C’est la jeune bourgeoisie dépossédée, mais qui s’est retrempée dans le peuple c’est cette jeunesse ardente qui insiste le plus visiblement sur son socialisme, " qui se sépare le plus nettement de la bourgeoisie possédante dont les intérêts mesquins lui répugnent " (1) La Mission de la jeune génération, P 124.

Faillite du communisme

Le communisme a proposé une solution au malaise économique. Que proclame la théorie marxiste de l’économie ? Le capitalisme ne verse à l’ouvrier qu’un salaire minimum, l’écart entre le prix de revient et le prix de vente de la marchandise constituant son bénéfice. Donc, le capitalisme s’enrichit " en s’appropriant le fruit d’un travail partiellement rémunéré, c’est-à-dire par l’exploitation ". Grâce à la machine, l’industriel arrivera à produire en employant un nombre toujours plus réduit d’ouvriers, d’où chômage. L’accumulation des capitaux produisant une accumulation de misères, il est fatal qu’une révolte éclate un jour : Le capital sera exproprié et la dictature du prolétariat pro clamée... (1) La Mission de la jeune génération, p. 160. En fait, la prophétie de Karl-Marx ne se réalisa pas avant la guerre en Allemagne, parce que la Social-Démocratie, de jour en jour plus puissante, réussit à organiser le bien-être de l’ouvrier au sein du régime capitaliste, c’est-à-dire obtint des " patrons " de successives concessions en échange de l’abandon par le prolétariat de ses revendications révolutionnaires. En Russie par contre, par suite de la tension extrême de la guerre, le monde capitaliste a été balayé et la première grande expérience de socialisme intégral fut tentée. Mais, tout en reconnaissant l’intérêt dé l’expérience soviétique, Günther-Gründel reproche au communisme russe d’avoir créé un capitalisme d’Etat, plus tyrannique encore que l’autre, et d’affermir les fausses valeurs matérielles du XIXe siècle qu’il convient au contraire de jeter bas. Aux yeux d’un jeune Allemand le crime inexpiable du marxisme c’est de déraciner le paysan et d’en faire un prolétaire nomade au. lieu de l’attacher à la glèbe ; c’est aussi de niveler par en bas l’humanité. " Pour le capitaliste, l’Etat était une sorte de gigantesque préfecture de police; pour les marxistes, il est une société d’assurance. Sous le régime capitaliste, il doit assurer au plus fort la jouissance de sa proie; pour le régime communiste il doit assurer a chaque membre du parti un petit poste public et faire profiter les paresseux, les incapables et les insouciants de l’effort des gens économes, capables et prévoyants (1)." Alors que la personnalité devrait être délivrée de l’esclavage imposé dans le monde capitaliste le marxisme, loin de l’affranchir, l’étouffe sous la domination d’une massé qui n’admet rien au-dessus d’elle que l’organisme collectif d’un parti. En fait le marxisme est le triomphe non du peuple mais d’une classe, par la suppression totale des autres alors que, d’après l’écrivain allemand, le socialisme authentique doit réaliser l’union du peuple tout entier. En fait, le marxisme " ressemble au capitalisme le négatif d’une photographie ressemble au positif " (2). Si donc le communisme a échoué dans sa tâche de rénover le monde, quelle autre théorie adopter?

(1) La Mission de la jeune génération, p. 214 (2) lbid., p. 218.

 

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