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 CRAPOUILLOT juillet 1933

P20-21

LE PREMIER PUTSCH D'HITLER

Le mouvement de la croix gammée était, à ses débuts, très faible et pour ainsi dire inexistant. Mais il ne serait pas sorti de ses balbutiements s’il n’avait eu à son berceau même deux puissants parrains : le premier était la Reichswehr de Bavière. La Reichswehr se considérait jusque dans son organisation comme un Etat dans l'Etat, absolument dégagé des forces de la République Noire-Rouge-et-Or, démocratique et pacifique. Comme elle était en quête d’un groupe politique qui se chargeât de la défense de ses intérêts, c’est-à-dire : de répandre, dans un peuple rendu indifférent par la perte de la guerre. les idées de défense armée et de nécessité des armements, elle trouva très commode le fanatique hypernationalisme d’Hitler. Elle n’hésita donc pas à mettre la main à la poche. Ce fut le général von Epp qui, en décembre 1920, recueillit les fonds nécessaires à l’achat du " Voclkischer Beobachter ", mettant ainsi un journal à la disposition d’Hitler. Et par la suite encore, c’est-à-dire au moins jusqu’au "Putsch" de 1923, les Eminences grises du National-Socialismne se recrutaient dans l’Etat-Major du Commando Mu-nichois de la Reichswehr. La grosse indu st rie dispose de moyens financiers encore plus élevés que la Reichswehr. les sources de ce Pactole ne tardèrent pas non plus à couler pour l’Hitlérisme. Les représentants du grand capitalisme ne s’inquiétèrent t-ils donc pas des mots "socialisme " et "Parti ouvrier" que le nouveau mouvement avait inscrits sur ses bannières ?... En aucune façon! leur instinct leur disait avec une force suffisante que le fascisme allemand qui se manifestait ainsi ferait les affaires des industriels en démolissant les " syndicats marxistes " Bientôt les membres de l’Association des Industriels Bavarois s’inscrivirent pour des sommes rondelettes les bulletins du parti. Le fabricant de locomotives berlinois von Borsig était également parmi les premiers souscripteurs et les choses prirent — tout au moins au point de vue financier — une tournure décisive lorsque Hitler, en été 1926, commença à développer d’une manière "strictement confidentielle" et, par prudence dans des réunions très fermées, ses buts devant les industriels de la Ruhr. Les listes de souscriptions qui circulaient à la lin de ces réunions se couvraient rapidement de sommes à quatre ou même à cinq chiffres, car, comme les Maîtres du charbon et du fer allemands se prenaient souvent pour des "surhommes" dans le sens nietzschéen ils se sentaient flattés quand le prophète de la Croix gammée exposait : "Nous voulons une. sélection de la nouvelle classe dominante dont les mobiles ne soient pas une quelconque morale de pitié, mais qui soit consciente de ce fait qu’en vertu de sa supériorité raciale, elle a le droit de régner et d’assurer sans aucun égard sa domination sur la race. Outre ces tirades hypernationalistes pseudo-socialistes et antisémitiques, et outre l’appui financier de la Reichswehr et de l'Industrie lourde, un autre fait contribua à renforcer l’Hitlérisme : C’est sa décision d’organiser militairement les formations des jeunes du parti. Quand les " sections d’assaut " qui, au début et devant les tribunaux, se donnaient pudiquement pour des associations sportives, défilaient au pas par les rues, au son des fifres et des tambours, derrière la bannière flottante à la Croix gammée, cela ne manquait jamais d’exercer une attirance marquée sur tous les esprits cocardiers. Et combien d’esprits cocardiers ne possède pas l’Allemagne grâce à des siècles de tradition et d’éducation!Ces sections d’assaut furent méthodiquement entraînées en vue de leur utilisation pour le sabotage des réunions d’adversaires politiques ou pour des attaques contre des groupes qui se permettaient d’être d’un avis contraire à celui du parti. Elles devinrent donc le réceptacle de tous lestes éléments batailleurs ou exaltés. Hitler a sans conteste le triste mérite te d’avoir substitué le terrorisme sanglant à la politique des débats pacifiques La matraque, la badine d'acier, le revolver, sont devenus grâce au National-Socialisme, les instruments quotidiens des explications politiques. Et pourtant, le peuple allemand, aussi peu avancée que soit son éducation politique, n’est pas tombé aussi bas que, dans des circonstances tant soit peu normales, la propagande hitlérienne ait pu attirer ainsi des millions d’individus. Non : Pour porter Hitler au pouvoir, une seule vague pouvait s’avérer assez forte : l’immense et désespérante crise économique. Hitler, — qui ne peut trouver de mots assez violents pour stigmatiser les profiteurs de la guerre et de la révolution, — Hitler lui-même est le plus grand exploiteur et profiteur de la défaite et de la misère allemandes. Les premiers succès réels que connut son mouvement furent provoqués par l’inflation, aux jours où le mark se volatilisait en atomes et où la fortune des petits épargnants s’évanouissait en fumée. Le parti comptait quinze mille membres inscrits. Hitler se crut assez fort pour tenter le grand saut. Mais le "Putsch", parti le 8 novembre des caves du  "Bürgerbräu" à Munich s‘enlisa lamentablement. - " Si demain après-midi je ne suis pas vainqueur", avait déclaré le Führer en appuyant dans un grand geste pathétique sur sa tempe le canon de son revolver, " c’est que je serai mort ". Mais, l’après-midi du lendemain vint, et Hitler n’était ni vainqueur ni mort, mais bien en fuite et, bientôt, condamné à cinq ans de forteresse, il se retrouvait à l'ombre.

 

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GENERAL VON EPP

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STRESEMANN

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