CRAPOUILLOT juillet 1933 |
P 71-72 |
HITLER SASSAGIT? |
DEFILE DE JEUNES FILLES HITLERIENNES DANS LES RUES DE BERLIN
Machine en arrière Devant la réprobation du monde entier, le "Führer" fit machine en arrière. Sous la pression de Roosevelt et de Mussolini, son grand discours du Reichstag fut., à lintention des Anglo-Saxons, dune modération inusitée, de même que linterview accordée par Von Papen à une agence américaine, où le vice-chancelier déclara : "La question dAlsace-Lorraine est réglée et nous ne nourrissons aucun désir de la soulever à nouveau. Nous ne nourrissons aucun dessein agressif à l'égard de la Pologne et nous respectons les cadres des traités existants (1)." En dépit des campagnes de panique, il est évident. que Hitler ne peut ni ne veut faire la guerre. Cest une grave erreur que de considérer lhitlérisme sous langle unique des revendications revanchardes : Le mouvement hitlérien est fondamentalement une sorte de croisade anticapitaliste à base nationaliste et, avant de songer à se lancer dans des aventures extérieures Hitler doit faire triompher sa Réforme intérieure, pour laquelle il a demande un délai de quatre... et ensuite de cent ans. (1) Cette interview a paru dans les Annales, Premières difficultés Mais déjà le gouvernement hitlérien est en proie à de sérieuses difficultés financières. Dabord au boycottage du commerce juif a répondu automatiquement le boycottage des produits allemands, particulièrement en Pologne, en Angleterre, en Amérique, en France. Puis lorganisation de l'autarcie ou de "1économie fermée" qui, daprès le dogme hitlérien, levait permettre à lAllemagne de vivre sur elle-même, a eu naturellement pour réplique lannulation par ses clients habituels des commandes de produits allemands. Le solde excédentaire des exportations allemandes a fléchi de 51% avec la Suède, de 53% avec lAngleterre, de 32% avec la Suisse, de 28% avec la France, de 20% avec la Hollande. Le Danemark, chez qui lAllemagne n achète plus, passe désormais ses commandes de charbon à lAngleterre ; la Hongrie abandonne le IIIe Reich pour la Tchécoslovaquie... Cette régression considérable du commerce extérieur depuis le début de lannée 1933 met dans une situation critique les finances de lEtat hitlérien, et le Dr Schacht se voit obligé dannoncer, au grand désarroi des prêteurs anglo-américains, un moratoire pour les emprunts du Reich. Hitler appliquera-t-il son programme anticapitaliste? Hitler dictateur va-t-il appliquer le formidable programme anticapitaliste quil a entériné alors quil nétait quun prétendant ? Depuis plus de dix ans, Hitler est le porte-voix de toute cette ardente jeunesse de la petite bourgeoisie ruinée, aux aspirations socialistes très accusées, que nous a présenté Günther-Gründel, et il essaie présentement de rallier à son système limmense et si disciplinée clientèle de la Social-Démocratie et même les communistes repentis. |
Mais, dautre
part, le mouvement hitlérien a été notoirement financé par les magnats de
lIndustrie lourde et les gros propriétaires est-Elbiens auxquels les idées de la
Jeune Allemagne sur la malfaisance du Capitalisme ne plaisent aucunement. Le richissime M.
Hugenberg, ancien directeur général des usines krupp, président dinnombrables
conseils dadministration, chef des nationaux-allemands partisans dune
restauration des Hohenzollern, ont pensé utiliser Hitler et sa surenchère démagogique
pour grignoter les partis de gauche (quun programme foncièrement réactionnaire
comme. celui du parti national allemand ne pouvait séduire) et pour battre en brèche le
communisme auquel beaucoup délecteurs reprochaient non ses théories, mais son
internationalisme. "Hitler ?", me confiait, il y a deux ans à Berlin, le
très fin directeur de la "Scherl", le plus puissant trust de presse
dHugenberg, " pour nous, cest un abcès de fixation". Mais Voici que cet abcès de fixation a envahi aujourdhui tout 1organisme ! Le prodigieux succès de lancien " badigeonneur " na pas laissé de déconcerter les puissants réactionnaires qui lui avaient procuré les moyens matériels de son ascension... sans penser quun jour cet "homme de paille" deviendrait plus puissant queux. Or, si Hitler applique son programme anticapitaliste, même par étapes successives, nationalise les banques, étatise les trusts, supprime les dividendes et les jetons de présence, fait le partage des terres il est évident quil tournera contre lui tous les vieux-bourgeois les conservateurs, les représentants de la Haute Industrie et les grands propriétaires. Lorsque le Dr Brüning lorsque, plus récemment, le général Von Schleicher maître absolu de la Reichswchr, esquissérent un bien anodin programme de réformes sociales lun et l'autre furent immédiatement brisés Hitler au faîte de sa puissance, aura-t-il l'audace de rompre délibérément avec ses anciens commanditaires au risque de coaliser contre lui de formidables intérêts (1) ? Sil nose pas, ne sera-t-il pas abandonné par ses troupes? Ne risque-t-il pas de provoquer dans le parti "Nazi", base de son système , la tragique scission qui faillit se produire déjà lorsque le " Führer " fut soupçonné de tiédeur dans lapplication de son programme anticapitaliste. Sil recule devant le mur dargent le chef perd son auréole, la mystique hitlérienne qui est une foi comme la foi chrétienne, s écroule Comment Hitler qui, jusquici a maintes fois montré son habileté manuvrière, réussira-t-il à louvoyer entre ces deux écueils ? Comment le chef du national-socialisme contentera-t-il les socialistes sans mécontenter les nationalistes : Cest lénigme de demain. (1) on a remarqué que lors du boycottage antisémite Hitler a laissé parfaitement tranquilles les banquiers juifs et, en particulier M. Mendelsohn. |