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 CRAPOUILLOT juillet 1933

P19

L'ANTISEMITISME HITLERIEN

Mais le plat de résistance de la propagande hitlérienne était un antisémitisme qui, d’après le modèle russe, cherchait à créer une atmosphère de pogromes. Pour autant que l’on puisse même parler d’une méthode psychologique dans l’agitation du National-Socialisme, elle tendait à imprimer à chacun des auditeurs la foi dans sa propre supériorité raciale. Quand une foule apprenait de la bouche de l’orateur que chacun des auditeurs pris à part représentait le produit le plus parfait de la création, il était inévitable qu’elle le suivît sans hésitation. Comme, d’autre part, cette foule se composait de petites gens qui ne possédaient rien qui les distinguât plus particulièrement, ni situation sociale, ni rang, fortune, nom, esprit ou intelligence, c’était un coup de maître d’une habileté diabolique que de lui suggérer qu’une chose l’élevait au-dessus de ceux qui souvent jouissaient de ce qui précisément lui manquait rang social, fortune, esprit ou intelligence. Cette chose, c’était la race. Quand les phrases hitlériennes venaient bourdonner à ses oreilles, le plus obscur des philistins gavé de bière se sentait infiniment supérieur à des hommes comme Einstein ou Liebermanu, à condition toutefois qu’il eût jamais entendu prononcer même leurs noms. Ceux-là n’étaient-ils pas des Juifs, c’est-à-dire appartenant à une race inférieure, alors que lui, il était un " Aryen " un Germain. La théorie du professeur viennois Freud traite des différentes méthodes pour surmonter un sentiment d’infériorité, ou, si l’on veut employer le terme technique, pour le " refouler " Hitler a inventé un nouveau procédé, ou mieux, puisque le procédé n’est pas nouveau dans l’histoire, il l’a adapté aux besoins présents : le refoulement par la folie et la haine raciales. Il s’ajoute à cela que l’antisémitisme simplifie merveilleusement les faits parfois assez compliqués de l’histoire et de la politique. Lorsqu’une affaire quelconque prenait mauvaise tournure pour la "noble race germanique " la faute en incombait inévitablement aux Juifs. Le plus obscur crétin comprenait à merveille la haineuse maxime : "C’est la faute des Juifs". Pour aller répétant : "Der Jude ist schuld " inutile de réfléchir, de posséder le moindre bon sens ou un minimum de connaissances. Tous les problèmes mondiaux s’éclairaient brusquement pour le pauvre d’esprit dont l’acquis politique se borne à cette formule : "C’est la faute des Juifs."

 

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