Le sanctuaire grec

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Le sanctuaire (Isabelle Didierjean, professeur de Lettres classiques)
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De très nombreux lieux sont susceptibles d’accueillir le divin : les Grecs sentent la présence divine tout particulièrement dans les sources, les grottes, les lieux élevés, les bois, les endroits frappés par la foudre ou distingués par un oracle ou un signe des dieux. Tout lieu chargé de puissance sacrée s’appelle  hiéron (tÕ ƒerÒn ) et peut devenir lieu de culte.

Peu à peu (surtout à partir de la fin du VIII° siècle av. J.C.), espace sacré et espace profane sont distingués, dès la fondation de la ville. Le terrain délimité et consacré aux dieux est appelé téménos (tšmeno$ : « coupé », c’est-à-dire séparé de la partie non sacrée). Quand le téménos sert au culte, il constitue un sanctuaire. Dans ce cas, il comporte au minimum un autel (bwmÒ$ : bômos) et parfois un temple (naÒ$ : naos).

Texte : « Ce lieu-ci, j'en suis certaine, dit Antigone à son père Oedipe à l'entrée de Colone, est un lieu sacré, car il est couvert de lauriers, d'oliviers, de vignes, et à l'intérieur, sous le feuillage, nombreux chantent les rossignols. »         Sophocle, Oedipe à Colone, v.16-18

 1/ L’AUTEL (bômos)

     Généralement situé en plein air, souvent placé devant le temple, il est l’élément cultuel indispensable. Il permet d’entrer en contact avec la divinité grâce au rituel du sacrifice. Il est rectangulaire, orienté, en pierre ou en marbre et comporte des marches permettant l’accès à une plate-forme qui constitue un foyer sur lequel on brûle la partie destinée aux dieux et où on rôtit la partie qui revient aux hommes. Pausanias raconte qu’à Olympie l’autel de Zeus était constitué par l’accumulation des cendres des victimes consacrées au dieu, et que celui d’Apollon à Délos était formé de cornes de chèvres.

Les sacrifices destinés aux divinités infernales se font principalement sous forme de libations.

Il existe également des autels sur lesquels on ne brûle que de l’encens.

2/ LE TEMPLE (naos ; il est aussi appelé hiéron, c’est-à-dire « ce qui est sacré)

     Le temple n’est pas un lieu de culte : orienté généralement à l'est, comme les autels, il n’a pas pour vocation d’accueillir les fidèles ni les cérémonies religieuses. C’est la demeure du dieu, le lieu de résidence de sa statue : cela explique pourquoi le plan primitif est celui d’une maison, avec une grande pièce (appelée « naos », mot qui désigne également l’ensemble du temple) qui abrite la statue du culte, posée sur un piédestal, face à la porte.

     Les premiers temples étaient en bois et en briques. C’est seulement au VII° siècle av. J.C. qu’apparaissent les premiers temples en pierre, au moment où l’on commence à bâtir des temples aux dimensions imposantes.

     D’abord rudimentaire, le temple comporte par la suite également un vestibule (pronaos) et une pièce à l’arrière (opisthodome) où sont entreposées les offrandes faites au dieu. Les plus grands temples possèdent d’autres pièces. Pour les besoins du culte, certains temples ont une pièce sacrée, l’adyton (¥duton : lieu impénétrable), dans laquelle se tenait par exemple la Pythie à Delphes, dans le temple d’Apollon.

     Seuls les prêtres entrent dans le temple, notamment pour la toilette rituelle de la statue. Tous les autres rites ont lieu à l’extérieur du temple. Les fidèles ne voient donc la statue du dieu que par les portes entrouvertes, lors de certaines cérémonies.

     Il existe toutefois des exceptions : à Delphes, des cérémonies se déroulent dans le temple d’Apollon ; à Eleusis, les Mystères (cérémonies d’initiation) ont lieu dans le temple de Déméter.

     Le temple abrite également les dons effectués en faveur du dieu et le trésor de l’Etat. Il est fermé une grande partie de l’année.

     Son caractère sacré et donc inviolable explique qu’il soit un lieu d’asile pour les exilés et les fugitifs. Tout homme qui y vient en suppliant et qui adopte la posture rituelle ( assis près de l’autel ou de la statue du dieu, tenant à la main une branche d’olivier entourée de bandelettes) est sous la protection du dieu : le laisser mourir de faim ou porter la main sur lui constituerait une souillure (m…asma : miasma) qui apporterait le malheur à toute la cité. Il convient d’accueillir le suppliant et de le laisser s’installer dans le pays afin de ne pas commettre une faute religieuse (cf. l’accueil réservé à Œdipe par Thésée, roi d’Athènes, lorsque le héros thébain se réfugie dans la banlieue d’Athènes, Colone, in Œdipe à Colone de Sophocle).

Textes : Danaos conseille ainsi ses filles à leur arrivée à Argos : « Mieux vaut, pour tout prévoir, mes filles, vous asseoir sur ce tertre consacré aux dieux : encore mieux qu'un rempart, un autel est un infrangible bouclier. Allons, hâtez-vous, et, vos rameaux aux blanches guirlandes, attributs de Zeus Suppliant, pieusement tenus sur le bras gauche, répondez aux étrangers en termes suppliants. » Eschyle, Les Suppliantes, v. 188-195

     Violation du droit sacré d'asylie et bannissement des Alcméonides : « La souillure cylonienne, depuis longtemps, jetait le trouble dans la ville, depuis l'époque où ceux qui avaient participé au complot de Cylon s'étaient mis par la supplication sous la protection d'Athéna et que l'archonte Mégaklès les avaient persuadés de descendre de l'Acropole pour se présenter devant le tribunal.

Ils avaient attachés à la statue un fil qu'ils tenaient en main. Comme ils arrivaient près du sanctuaire des déesses vénérables, le fil se rompit de lui-même. Alors Mégaklès et les autres archontes se jetèrent sur eux en alléguant que la déesse repoussait leur supplication. On lapida ceux qui se trouvaient en dehors du sanctuaire ; ceux qui avaient cherché refuge auprès des autels furent égorgés [...] Les responsables du massacre furent tenus pour sacrilèges et honnis [...]

Solon, pour ramener la paix, les persuada de se soumettre à un jugement prononcé par un jury de trois cents notables... Les sacrilèges furent condamnés : ceux qui vivaient encore furent bannis ;  quant aux morts, on déterra leurs os et on les jeta hors des frontières. »          Plutarque, Solon, 12, trad. R. Crahay

 3/ LE SANCTUAIRE (téménos)

 C’est l’espace défini à l’intérieur duquel peuvent être pratiqués les rites religieux. Juridiquement, il appartient au dieu auquel il est consacré. En effet, un dieu peut être propriétaire de maisons et de domaines : il perçoit les revenus des parties cultivées. Il est le destinataire de présents et de dons. Par exemple à Athènes, Athéna reçoit l’huile des oliviers sacrés du parc de l’Akadémos. Les amendes prononcées par les tribunaux athéniens lui reviennent, ainsi que la dîme (10%) du butin en cas de victoire. Déméter, pour sa part, touche la dîme de l’orge et du blé. Cela explique pourquoi les grands sanctuaires sont très riches et ont des activités bancaires : ils prêtent de l’argent aux particuliers à des taux avantageux.

Lieu sacré, le sanctuaire doit être protégé de toute souillure, de tout sacrilège. Une réglementation stricte définit les obligations à respecter pour être pur et pouvoir ainsi pénétrer dans la sanctuaire sans commettre de sacrilège. La première obligation est celle de la purification : le fidèle se trempe les mains dans l’eau lustrale ou s’en asperge avec un rameau de laurier afin de se laver de ses impuretés. D’autre part, toute personne ayant été contact avec la mort ou la naissance doit suivre des rituels de purification particuliers, effectués à la maison,  avant de pouvoir être à nouveau pur (Ósio$, , hosios). En outre, chaque sanctuaire a des exigences propres : par exemple l’interdiction du port d’armes, de bijoux, ou de certains vêtements, de l’introduction de certains animaux etc…

Le sanctuaire est entouré d’une enceinte (péribole) qui délimite nettement le domaine du dieu et empêche que quiconque empiète sur lui (ce qui serait un sacrilège, puni sévèrement). Il peut être situé dans la ville (par exemple l’Acropole ou l’agora à Athènes), en périphérie de la ville (par exemple le sanctuaire d’Athéna Pronaia à Delphes) ou à l’écart de la ville, sur le territoire ( cèra : chora) de la cité (par exemple le sanctuaire d’Olympie). Le sanctuaire est lieu de rassemblement des citoyens ; ainsi les grands sanctuaires panhelléniques (qui concernent tous les Grecs) sont des lieux où les Grecs ont le sentiment de former une communauté soudée et  un même peuple, par delà leurs querelles.

 Textes :  Hector s'adresse à sa mère Hécube : « Et, quant à faire à Zeus libation d'un vin aux sombres feux avec des mains impures, je n'ose : il n'est jamais permis d'adresser des prières au Cronide à la nuée noire, quand on est souillé de sang et de boue.»     Homère, Iliade, VI, v. 266-269

     Oedipe à propos du meurtrier de Laios dont il ne sait pas encore l'identité, ordonne: « J'interdis à tous, dans ce pays où j'ai le trône et le pouvoir, qu'on le reçoive, qu'on lui parle, qu'on l'associe aux prières et aux sacrifices, qu'on lui accorde la moindre goutte d'eau lustrale. Je veux que tous, au contraire, le jettent hors de leurs maisons, comme la souillure de notre pays. »       Sophocle, Oedipe Roi, v. 236-241

Isabelle Didierjean, professeur agrégé de lettres classiques au collège public Jeanne d'Arc - Orléans.
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