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    De très nombreux lieux sont susceptibles 
    d’accueillir le divin : les Grecs sentent la présence divine tout 
    particulièrement dans les sources, les grottes, les lieux élevés, les bois, 
    les endroits frappés par la foudre ou distingués par un oracle ou un signe 
    des dieux. Tout lieu chargé de puissance sacrée s’appelle  hiéron (tÕ 
    ƒerÒn )
    et peut 
    devenir lieu de culte. 
    Peu à peu (surtout 
    à partir de la fin du VIII° siècle av. J.C.), espace sacré et espace profane 
    sont distingués, dès la fondation de la ville. Le terrain délimité et 
    consacré aux dieux est appelé téménos (tšmeno$
    : « coupé », 
    c’est-à-dire séparé de la partie non sacrée). Quand le téménos sert au 
    culte, il constitue un sanctuaire. Dans ce cas, il comporte au minimum un 
    autel (bwmÒ$ :
    bômos) et parfois un temple (naÒ$
    :
    naos). 
    Texte : « Ce 
    lieu-ci, j'en suis certaine, dit Antigone à son père Oedipe à l'entrée de 
    Colone, est un lieu sacré, car il est couvert de lauriers, d'oliviers, de 
    vignes, et à l'intérieur, sous le feuillage, nombreux chantent les 
    rossignols. »         
    Sophocle, Oedipe à Colone, v.16-18
     
     1/ 
    L’AUTEL (bômos) 
        
    
    Généralement 
    situé en plein air, souvent placé devant le temple, il est l’élément cultuel 
    indispensable. Il permet d’entrer en contact avec la divinité grâce au 
    rituel du sacrifice. Il est rectangulaire, orienté, en pierre ou en marbre 
    et comporte des marches permettant l’accès à une plate-forme qui constitue 
    un foyer sur lequel on brûle la partie destinée aux dieux et où on rôtit la 
    partie qui revient aux hommes. Pausanias raconte qu’à Olympie l’autel de 
    Zeus était constitué par l’accumulation des cendres des victimes consacrées 
    au dieu, et que celui d’Apollon à Délos était formé de cornes de chèvres.
     
    Les 
    sacrifices destinés aux divinités infernales se font principalement sous 
    forme de libations. 
    Il existe 
    également des autels  sur lesquels on ne brûle que de 
    l’encens. 
    2/
    LE TEMPLE (naos ; il est aussi appelé hiéron, 
    c’est-à-dire « ce qui est sacré) 
         
    Le temple n’est pas un lieu de culte : orienté généralement à l'est, 
    comme les autels, il n’a pas pour vocation d’accueillir 
    les fidèles ni les cérémonies religieuses. C’est la demeure du dieu, le lieu 
    de résidence de sa statue : cela explique pourquoi le plan primitif est 
    celui d’une maison, avec une grande pièce (appelée « naos », mot qui désigne 
    également l’ensemble du temple) qui abrite la statue du culte, posée sur un 
    piédestal, face à la porte.  
         Les 
    premiers temples étaient en bois et en briques. C’est seulement au VII° 
    siècle av. J.C. qu’apparaissent les premiers temples en pierre, au moment où 
    l’on commence à bâtir des temples aux dimensions imposantes. 
         D’abord 
    rudimentaire, le temple comporte par la suite également un vestibule 
    (pronaos) et une pièce à l’arrière (opisthodome) où sont entreposées les 
    offrandes faites au dieu. Les plus grands temples possèdent d’autres pièces. 
    Pour les besoins du culte, certains temples ont une pièce sacrée, 
    l’adyton 
    (¥duton
    : lieu 
    impénétrable), dans laquelle se tenait par exemple la Pythie à Delphes, dans 
    le temple d’Apollon. 
     
         Seuls les 
    prêtres entrent dans le temple, notamment pour la toilette rituelle de la 
    statue. Tous les autres rites ont lieu à l’extérieur du temple. Les fidèles 
    ne voient donc la statue du dieu que par les portes entrouvertes, lors de 
    certaines cérémonies. 
         Il existe 
    toutefois des exceptions : à Delphes, des cérémonies se déroulent dans le 
    temple d’Apollon ; à Eleusis, les Mystères (cérémonies d’initiation) ont 
    lieu dans le temple de Déméter. 
         Le temple 
    abrite également les dons effectués en faveur du dieu et le trésor de 
    l’Etat. Il est fermé une grande partie de l’année. 
         Son caractère sacré et donc inviolable 
    explique qu’il soit un lieu d’asile pour les exilés et les fugitifs. Tout 
    homme qui y vient en suppliant et qui adopte la posture rituelle ( assis 
    près de l’autel ou de la statue du dieu, tenant à la main une branche 
    d’olivier entourée de bandelettes) est sous la protection du dieu : le 
    laisser mourir de faim ou porter la main sur lui constituerait une souillure 
    (m…asma
    
    : miasma) qui apporterait le malheur à toute 
    la cité. Il convient d’accueillir le suppliant et de le laisser s’installer 
    dans le pays afin de ne pas commettre une faute religieuse (cf. l’accueil 
    réservé à Œdipe par Thésée, roi d’Athènes, lorsque le héros thébain se 
    réfugie dans la banlieue d’Athènes, Colone, in Œdipe à Colone de 
    Sophocle). 
    Textes :
    Danaos conseille ainsi ses filles 
    à leur arrivée à Argos : « Mieux vaut, pour tout prévoir, 
    mes filles, vous asseoir sur ce tertre consacré aux dieux : encore mieux 
    qu'un rempart, un autel est un infrangible bouclier. Allons, hâtez-vous, et, 
    vos rameaux aux blanches guirlandes, attributs de Zeus Suppliant, pieusement 
    tenus sur le bras gauche, répondez aux étrangers en termes suppliants. » 
    Eschyle, Les Suppliantes, v. 188-195
     
    
        
    Violation du droit sacré d'asylie et bannissement des Alcméonides : « La 
    souillure cylonienne, depuis longtemps, jetait le trouble dans la ville, 
    depuis l'époque où ceux qui avaient participé au complot de Cylon s'étaient 
    mis par la supplication sous la protection d'Athéna et que l'archonte 
    Mégaklès les avaient persuadés de descendre de l'Acropole pour se présenter 
    devant le tribunal.
    
    
    Ils avaient 
    attachés à la statue un fil qu'ils tenaient en main. Comme ils arrivaient 
    près du sanctuaire des déesses vénérables, le fil se rompit de lui-même. 
    Alors Mégaklès et les autres archontes se jetèrent sur eux en alléguant que 
    la déesse repoussait leur supplication. On lapida ceux qui se trouvaient en 
    dehors du sanctuaire ; ceux qui avaient cherché refuge auprès des autels 
    furent égorgés [...] Les responsables du massacre furent tenus pour 
    sacrilèges et honnis [...]  
    
    Solon, pour 
    ramener la paix, les persuada de se soumettre à un jugement prononcé par un 
    jury de trois cents notables... Les sacrilèges furent condamnés : ceux qui 
    vivaient encore furent bannis ;  quant aux morts, on déterra leurs os et on 
    les jeta hors des frontières. »          
    Plutarque, 
    Solon, 12, trad. R. Crahay
     
     3/
    LE SANCTUAIRE (téménos) 
     C’est 
    l’espace défini à l’intérieur duquel peuvent être pratiqués les rites 
    religieux. Juridiquement, il appartient au dieu auquel il est consacré. En 
    effet, un dieu peut être propriétaire de maisons et de domaines : il perçoit 
    les revenus des parties cultivées. Il est le destinataire de présents et de 
    dons. Par exemple à Athènes, Athéna reçoit l’huile des oliviers sacrés du 
    parc de l’Akadémos. Les amendes prononcées par les tribunaux athéniens lui 
    reviennent, ainsi que la dîme (10%) du butin en cas de victoire. Déméter, 
    pour sa part, touche la dîme de l’orge et du blé. Cela explique pourquoi les 
    grands sanctuaires sont très riches et ont des activités bancaires : ils 
    prêtent de l’argent aux particuliers à des taux avantageux. 
    
    Lieu sacré, le sanctuaire doit être protégé de 
    toute souillure, de tout sacrilège. Une réglementation stricte définit les 
    obligations à respecter pour être pur et pouvoir ainsi pénétrer dans la 
    sanctuaire sans commettre de sacrilège. La première obligation est celle de 
    la purification : le fidèle se trempe les mains dans l’eau lustrale ou s’en 
    asperge avec un rameau de laurier afin de se laver de ses impuretés. D’autre 
    part, toute personne ayant été contact avec la mort ou la naissance doit 
    suivre des rituels de purification particuliers, effectués à la maison,  
    avant de pouvoir être à nouveau pur (Ósio$,
    , 
    hosios). En outre, chaque sanctuaire a des exigences propres : par exemple 
    l’interdiction du port d’armes, de bijoux, ou de certains vêtements, de 
    l’introduction de certains animaux etc… 
    
    Le sanctuaire est entouré d’une enceinte 
    (péribole) qui délimite nettement le domaine du dieu et empêche que 
    quiconque empiète sur lui (ce qui serait un sacrilège, puni sévèrement). Il 
    peut être situé dans la ville (par exemple l’Acropole ou l’agora à Athènes), 
    en périphérie de la ville (par exemple le sanctuaire d’Athéna Pronaia à 
    Delphes) ou à l’écart de la ville, sur le territoire ( cèra
    : chora) de 
    la cité (par exemple le sanctuaire d’Olympie). Le sanctuaire est lieu de 
    rassemblement des citoyens ; ainsi les grands sanctuaires panhelléniques 
    (qui concernent tous les Grecs) sont des lieux où les Grecs ont le sentiment 
    de former une communauté soudée et  un même peuple, par delà leurs 
    querelles. 
     Textes : 
    Hector s'adresse à sa mère Hécube :
    « Et, quant à faire à Zeus libation d'un vin aux sombres feux avec 
    des mains impures, je n'ose : il n'est jamais permis d'adresser des prières 
    au Cronide à la nuée noire, quand on est souillé de sang et de boue.»     
    Homère, Iliade, VI, v. 266-269 
    
        
    Oedipe à propos du meurtrier de Laios dont il ne sait pas encore l'identité, 
    ordonne: « J'interdis 
    à tous, dans ce pays où j'ai le trône et le pouvoir, qu'on le reçoive, qu'on 
    lui parle, qu'on l'associe aux prières et aux sacrifices, qu'on lui accorde 
    la moindre goutte d'eau lustrale. Je veux que tous, au contraire, le jettent 
    hors de leurs maisons, comme la souillure de notre pays. »       
    Sophocle, Oedipe Roi, 
    v. 236-241
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