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Iphigénie
Le
sacrifice d'Iphigénie
Photo et commentaires
extraits du dossier "Parcours
mythologique".
Cliquer
ici
pour voir la présentation du dossier, (ce
dernier
analyse le tableau de manière exhaustive et prévoit des activités pédagogiques pour les
élèves).
Auteurs du
livret : Christiane Lucotte, Christian Cals, Hervé
Finous, Christian Lucotte
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Huile sur toile
(1.42mx1.10m), ici détail, de Sébastien Bourdon (1616-1671)
(cliquer sur le tableau pour le voir dans sa totalité)
Un épisode de la guerre de Troie.
L’enlèvement d’Hélène, l’épouse
de Ménélas, roi de Sparte, par le prince troyen Pâris provoque une expédition
punitive des Achéens. Ceux-ci se rassemblent à Aulis, sur la côte de Béotie,
et confient le commandement à Agamemnon, roi d’Argos et de Mycènes, frère
de Ménélas (voir carte p. 71). Mais le départ des troupes est entravé
par l’absence de vent. Consulté, le prêtre Caîchas révèle
l’exigence d’Artémis seul le sacrifice d’Iphigénie, fille d’Agamemnon,
entraînera le souffle des vents. Alors qu’on s’apprête à immoler la
victime, la déesse substitue une biche à la jeune fille.
C’est ce moment même de la substitution que représente le peintre.
Agamemnon
+ Clytemnestre
IPHIGENIE
Electre Oreste
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Analyse
de l'œuvre (court extrait du livret pédagogique)
Analyse
littéraire
Le
sacrifice d’Iphigénie de
Sébastien Bourdon correspond à une version du mythe d’lphigénie qui, tel
qu’il ressort des textes anciens conservés, apparaît complexe et sujet à
variantes importantes. Il serait intéressant de savoir si le peintre a eu
connaissance des tragiques grecs qui ont traité d’Iphigénie. Il est fort
probable au demeurant que, en traitant un tel sujet, il se réfère à une «
vulgate »,
assez
proche des Métamnorphoses d’Ovide
(document 8), grand médiateur entre la mythologie et l’époque classique. Le
fait est qu’en choisissant de représenter la substitution de la biche à
Iphigénie et le saisissement des humains devant l’intervention divine, il
donne du mythe la lecture la plus douce, la plus décorative, la plus «
politiquement
correcte »
aussi.
Avec Artémis et Iphigénie, Agamemnon est en effet l’unique acteur
identifiable et valorisé pas de Clytemnestre, de Caîchas, d’ Achille ni de
chefs grecs et, par suite, le tableau fait silence sur les rapports de force
dans la famille ou les dissensions dans le camp grec. De même le peintre évacue-t-il
la violence du sacrifice humain et animal pas d’épée choquante ni de sang,
mais une biche bien vivante, irréellement dressée sur l’autel ardent.
Ainsi
ce sacrifice d’Iphigénie demande à être éclairé et enrichi à l’aide
des textes qui, à défaut d’être les sources du tableau, constituent les
sources littéraires d’un mythe interrogé et renouvelé par la postérité
Racine ou Goethe s’inscrivent ainsi dans la logique des tragiques grecs qui
varient dans leur lecture de cette histoire Eschyle ne rejoint pas Euripide qui,
lui-même, ne dit pas les mêmes choses dans ses deux Iphigénie.
Iphigénie
constantes et variations
Le
mythe d’lphigénie présente, d’une version à l’autre, deux données
constantes l’exigence d’Artémis qui met comme condition au départ de la
flotte grecque le sacrifice de la fille d’Agamemnon, et le départ effectif de
la flotte après le sacrifice.
Mais
au-delà de ces constantes, les auteurs varient.
Ainsi, quelle est la raison de
l’exigence divine? Tantôt la demande n’est pas justifiée (Euripide, Iphigénie
à Aulis) tantôt elle sanctionne une faute d’Agamemnon (Sophocle, Électre,
document n° 1 meurtre d’un cerf suivi d’acte de démesure,
hybris) ou une promesse imprudente de sa part
(Euripide, Iphigénie à Aulis, document
n° 2). Eschyle (Agamemnon, document
3) rattache l’exigence d’Artémis à un présage relatif à la guerre de
Troie.
Quant au
sacrifice, la différence ne porte sur rien moins que sur
la victime
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Iphigénie
est sacrifiée ces
versions font ressortir la cruauté des acteurs, déesse ou roi, sans pitié
pour une victime impuissante (Eschyle, A
gamemnon, document n0 4). La mort d’Iphigénie en appelle
d’autres, celles d’Agamemnon, de Clytemnestre et d’Egisthe, matière
d’autres tragédies athéniennes. Elle est utilisée pour illustrer des
analyses philosophiques ou morales dénonciation des maux de la religion par le
poète latin Lucrèce (De natura rerum, 1,
84-101) et de la folie humaine par Horace (Satires,
Il, 3 vers 199-200).
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Iphigénie
est
sauvée par Artémis qui lui substitue une biche. Pourquoi ce salut miraculeux
d' Euripide (Iphigénie à Aulis, documents n0 5 et 6) montre la déesse
touchée par la noblesse et la générosité de la princesse qui se dévoue pour
Triple dimension du mythe
Un mythe familial
Le projet d’Agamemnon dresse les uns contre les autres
les membres de sa famille il y a conflit entre les frères, Ménélas et
Agamemnon, entre la mère et le père — avec comme enjeu la contestation du pouvoir patriarcal —, entre Achille, le
fiancé malgré lui, et Agamemnon, entre Iphigénie et son père. D’où toute
une série d’affrontements et de revirements qui donnent à Iphigénie à Aulis sa tension. Racine amplifie cette dimension
psychologique et conflictuelle d’Euripide : il approfondit les sentiments
entre Iphigénie et son père ; suivant l’initiative de Rotrou, il met au cœur de la tragédie la passion
amoureuse (lui lie Achille et Iphigénie et qui pousse Eriphile à nuire à sa
rivale Iphigénie. L’introduction de ce personnage inédit permet à Racine de
donner de la cohérence à l’action dramatique et d’éviter les deux dénouements
habituels qu’il récuse dans sa préface.
D’autre part la violence de la
mort d’Iphigénie s’étend sur le reste de la famille Clytemnestre, aidée
d’Égisthe, tue Agamemnon à son retour de Troie, Oreste tue sa mère. Ainsi
la vengeance passe d’une génération à l’autre dans la famille des
Atrides, famille déchirée et accablée par le Destin dans laquelle Iphigénie
est bien un personnage central.
Un mythe religieux
Il s’articule autour de personnages ambigus Artémis,
lointaine et implacable, parfois salvatrice ; Agamemnon et la question d’une
éventuelle culpabilité, individuelle et ponctuelle (documents n° 1 et 2), ou
plus générale (document
n° 3); Iphigénie venue à Aulis vivre les rites d’un
mariage et non d’un sacrifice et qui de victime devient prêtresse d’Artémis,
associée aux sacrifices humains qu’elle réprouve (Iphigénie
en Tauride, document n° 7).
Dans son ouvrage La
violence et le sacré (1972), René Girard, étudiant le sacrifice dans les
sociétés primitives, a montré que grâce à lui le groupe fait violence à
quelqu’un de secondaire pour assurer le bien de la collectivité. Le principe
de substitution et la recherche du bien général sont primordiaux. Que la
victime soit un animal ou un humain ne présente pas de différence essentielle
; dans ce dernier cas, il suffit que la victime ait un statut à part, faisant
d’elle un être marginal et non-vengeable. Or, Iphigénie présente les «qualités
» requises c’est une
femme dans l’univers viril de la guerre ; c’est une fille non mariée — à la différence
d’Hélène dont tous les chefs grecs solidaires de Ménélas veulent punir le
ravisseur ; c’est une princesse (marginalité par le haut) et il n’y a pas
de vengeur à craindre puisque le sacrificateur est son père.
La tragédie grecque montre qu’à
la fin du Véme siècle, l’équivalence entre victime humaine et animale est
remise en question. Tout se passe comme si le sacrifice humain n’était plus
compris. Significatif à cet égard est le dénouement d’Iphigénie
en Tauride. Euripide y décrit un culte attique d’Artémis où le prêtre,
au lieu de tuer un être humain, se contente de prélever quelques gouttes de
son sang.
Un mythe politique
Dans l’Agamemnon d’Eschyle
(document n0 3), le présage montre que le début de
la guerre et la victoire sur les Troyens passent par la
mort de la vierge innocente. Le sacrifice d’Iphigénie apparaît comme un rite
propitiatoire
— sa mort appelle celle des ennemis — mais aussi expiatoire, à la fois punition anticipée du
roi et condamnation de la guerre, de toute guerre au seuil d’une guerre où
tant de vies innocentes vont être sacrifiées dans les deux camps, le roi doit,
le premier, accepter le sacrifice et la perte de ce qui lui est cher.
Cette épreuve, en quelque sorte
qualifiante, est par ailleurs décisive pour lui permettre d’asseoir une
autorité royale battue en brèche par la fronde de ses pairs seul le sacrifice
peut mettre un terme à l’inaction et aux dissensions des Achéens.
On comprend par suite le message politique qu’Euripide adresse à ses
contemporains divisés; son Iphigénie n’est plus la victime émouvante qui
refuse d’être sacrifiée mais elle devient l’héroïne qui choisit de
sacrifier sa vie pour la cause panhellénique.
Ouverture symbolique de la guerre,
gage d’unité des Grecs qui, sous l’autorité d’un pouvoir consolidé,
servent l’idéal commun, telles sont les données politiques du sacrifice d’Iphigénie,
valorisées dans une optique patriotique ou contestées en d’autres temps.
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