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    Pour les anciens Grecs,
     
    l'Iliade et 
    l'Odyssée
    retracent l'histoire de leurs ancêtres. Ces deux poèmes sont attribués à
     
    Homère (VIIIème siècle av JC), ils racontent l'histoire des héros, hommes ou
    demi dieux, qui ont accompli des exploits extraordinaires.L'Iliade évoque la guerre de
    Troie, elle en raconte quelques journées de la dernière année. Cette guerre avait
    opposé pendant 10 ans, au 
    
    XIII° siècle av JC les Grecs contre la ville de Troie (Ilion), en Asie
    Mineure.
 L'Odyssée retrace le périple
    d'Ulysse (en grec : Odysseus) qui mettra 10 ans à retourner dans son île d'Ithaque
    après avoir vaincu les Troyens.
 Pourquoi la
    guerre de Troie?      
    Pâris, fils de Priam, roi de Troie, avait enlevé la belle Hélène (fille de Zeus et de Léda) qui était la femme de Ménélas, roi de
    Sparte. Les Grecs, outragés, se rassemblèrent sous l'autorité du roi de Mycènes,
    Agamemnon, (frère de Ménélas) pour récupérer Hélène. La flotte grecque ne put
    obtenir des dieux les vents favorables qu'après le sacrifice d'Iphigénie,
    fille
    d'Agamemnon. Chaque camp était aidé par des dieux, Athéna et Héra soutenaient les Grecs, Aphrodite
    et Poséidon, les Troyens.
 Quelle est la
    valeur historique de l'Iliade et de l'Odyssée?      
      On ne connaît pas la date précise de composition de ces deux poèmes et
    on ne sait pas vraiment si Homère (un  
      aède : poète) a vraiment existé. On n'est pas certain non plus que la guerre
    de Troie ait vraiment eu lieu. Mais les  
      archéologues
        
      ont retrouvé
    la ville de Troie (ou plutôt 9 villes, au même endroit, empilées les unes sur les
    autres). De plus, ces récits merveilleux sont des témoignages précieux sur la
    civilisation, la société, la religion et la façon de vivre des Achéens entre -1200 et
    -800, époque où les poèmes se sont transmis oralement. 
    La signification philosophique de l'Odyssée selon Luc Ferry 
    
    (article paru 
    dans Marianne N°692 - 07-2010)      
    Comme tout le monde, j'avais entendu parler au collège de l'Iliade et 
    de l'Odyssée. Sans jamais les ouvrir. Plus tard, à l'université, j'ai tenté 
    l'expérience... L'Iliade m'ennuya à mourir et j'ai laissé tomber. 
    C'est en écrivant "Apprendre à vivre", un livre où je raconte 
    l'histoire de la philosophie des Grecs, que j'ai remis l'ouvrage sur le 
    métier. Les philosophes anciens, notamment les stoïciens, faisaient sans 
    cesse référence à Homère. Miracle, en commençant par la fin, par 
    "L'Odyssée", j'ai trouvé le fil d'Ariane qui me manquait pour découvrir 
    la signification d'ensemble de cette histoire, ce qu'aucun de mes 
    professeurs n'avait su m'indiquer. Non seulement l'intrigue est sublime, 
    mais c'est bel et bien la philosophie tout entière qui m'apparut sous un 
    jour nouveau, d'une beauté et d'une profondeur dont je n'avais pas idée. 
    Pendant dix longues années, Ulysse, roi de la ville d'Ithaque, prend part, 
    contre son gré, à la terrible guerre qui oppose les Grecs et les Troyens. 
    Tout commence donc pour lui par le chaos, le conflit le plus atroce, et le 
    sens de son voyage, qui est aussi le sens de sa vie, c'est de retrouver 
    l'harmonie perdue, dévastée par la guerre. Lorsqu'elle prend fin, grâce à la 
    fameuse ruse du cheval de Troie, après dix années terribles, Ulysse n'a 
    qu'une idée en tête : rentrer chez lui, à Ithaque, pour retrouver enfin son 
    monde, son palais, sa femme, Pénélope et son fils, Télémaque. Pourtant, son 
    voyage de retour va encore durer dix longues années, autant que la guerre 
    elle-même. Pourquoi ? Parce que, au cours d'un des épisodes sans doute les 
    plus fameux de ce récit, Ulysse a crevé l'œil d'un cyclope, un certain 
    Polyphème. Or ce Polyphème, personnage peu sympathique, est un des fils de 
    Poséidon, terrible dieu de la Mer et des Eaux. Poséidon doit venger son 
    rejeton. C'est la règle. Il va donc semer des embûches effroyables tout au 
    long du chemin d'Ulysse vers Ithaque. Les figures de l'oubli Or, ces embûches ne sont pas choisies par hasard. Elles ont une 
    signification philosophique liée à l'oubli. Il s'agit pour Poséidon de faire 
    oublier à Ulysse le sens de son voyage qui va de la guerre à la paix, du 
    chaos à l'harmonie, du « hors de chez soi » vers le chez-soi. Poséidon fait 
    tout ce qu'il peut pour qu'Ulysse perde la mémoire, pour qu'il s'arrête en 
    chemin et cesse d'avoir conscience du sens même de sa vie en même temps que 
    de son identité de simple mortel. Le chant des sirènes, celui de Circée la 
    magicienne, les grains de lotus qui rendent amnésique, les sommeils qui 
    saisissent le héros au plus mauvais moment, lorsqu'il touche au but, qu'il 
    voit déjà la côte d'Ithaque et qu'il s'endort alors que le vent se lève et 
    le rejette vers la pleine mer : tous ces accidents de parcours relèvent des 
    figures de l'oubli.Parmi tous les obstacles, il en est un - Calypso - qui va livrer la 
    signification philosophique de cette histoire fondatrice. Calypso est une 
    déesse : elle est d'une beauté parfaite et elle est immortelle. Or la belle 
    tombe folle amoureuse de ce malheureux mortel qu'est Ulysse. Dès qu'il pose 
    le pied sur son île, elle décide de le retenir prisonnier. C'est une bombe 
    sexuelle, mais, en plus, son île est un véritable paradis. Il y a là tout ce 
    dont un homme peut rêver : nourritures délicieuses, climat doux, paysage de 
    grande beauté. Et toute une armée de nymphettes ravissantes s'emploie 
    à rendre la vie douce aux deux amants. Calypso fait tout pour faire oublier 
    Ithaque à Ulysse. Pourtant, il reste attiré comme un aimant vers son coin 
    d'univers. Il ne peut s'empêcher de vouloir retrouver son "lieu naturel"
     comme dira Aristote, c'est-à-dire sa place dans l'ordre cosmique, 
    de sorte que, chaque soir, malgré toutes les merveilles qui l'entourent, il 
    pleure en contemplant l'océan... Un beau jour, Athéna entend ses pleurs et 
    supplie son père, Zeus, le roi des dieux, de donner l'ordre à Calypso de 
    laisser Ulysse rejoindre Ithaque. Désespérée, Calypso invente un stratagème 
    qu'on pourrait dire chrétien avant la lettre, lui propose le plus 
    inimaginable cadeau qu'on puisse faire à un humain : l'immortalité et la 
    jeunesse éternelle. Contre toute attente, Ulysse décline son présent.
 La signification de ce refus m'est apparue d'une profondeur abyssale : le 
    but de l'existence humaine n'est pas, comme le prétendront les religions, de 
    gagner le salut éternel, de parvenir à l'immortalité, car une vie de mortel 
    réussie est bien supérieur à une vie d'immortel ratée.
 Le but de la philosophie, c'est de définir la vie bonne, mais, à la 
    différence des religions, il faut le faire par les moyens du bord, sans 
    passer par un dieu ni par la foi. Ce qui suppose d'abord qu'on accepte sa 
    condition de mortel. Le sage est celui qui parvient, en acceptant la 
    finitude humaine, à vaincre la peur de la mort. Ensuite, il est celui qui 
    réussit à vivre au présent, réconcilié avec ce qui est, avec soi-même comme 
    avec les siens et le monde. Tant qu'Ulysse est en guerre ou en voyage, il 
    n'habite jamais que le passé ou le futur. Il est dans la nostalgie ou 
    l'espérance d'Ithaque, pas dans le présent d'Ithaque. Comme le dit André 
    Comte-Sponville, le sage ancien est celui qui parvient à « regretter un 
    peu moins, à espérer un peu moins, à aimer un peu plus ». « Amorfati
    », dira Nietzsche, amour de ce qui est là, du destin qui nous est 
    imparti. Premier message philosophique de l'Antiquité que la fin de 
    l'Odyssée, le retour à Ithaque, illustre à merveille...
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