Le mystère des gammadiae
 

    Tout commence par une question posée à propos d'un détail sur une photo située sur mon site internet concernant les mosaïques de Ravenne à cette page :

http://jfbradu.free.fr/mosaiques/ravenne/spirito-santo/san-spirito.htm

La personne qui m'a posé la question avait assisté à une conférence au musée des Beaux-Arts d’Orléans sur le même sujet.
La question : que représentent les lettres N et Z sur le vêtement de St Pierre qui s’avance vers le trône, les clefs en mains.
A gauche, St Paul, tenant un parchemin, ne porte pas ces lettres.

Si on regarde la mosaïque dans sa totalité (en cliquant sur la photo pour l’agrandir dans une nouvelle fenêtre) on s’aperçoit que d’autres personnages présentent également des lettres sur leur tunique : « N, Z, H » (les plus nombreux) et « L ».
On doit écarter d’emblée l’explication d’une lettre qui permette de reconnaître le personnage puisque plusieurs portent la même lettre. Ci-dessous, on voit bien les lettres « H », « Z » et « L » (dont l’un inversé). Cliquez sur la photo pour agrandir.

image005

image007

Je commence donc à chercher sur internet, dans ma bibliothèque assez conséquence sur le sujet, mais aucune réponse.
Je regarde une autre mosaïque de Ravenne qui représente la même scène dans une autre église (le baptistère des Néoniens, encore appelé « des Orthodoxes »).

Là, quelques personnages portent apparemment des « L », les autres, rien.
Cliquez sur la photo pour agrandir.

En regardant plus précisément les vêtements, je remarque que les lettres sont exactement de la même couleur que les galons et je pense qu’en fait ce que l’on croit être des lettres n’est peut-être qu’un motif de décoration.

De plus, beaucoup de vêtements forment, plus discrètement, la lettre Z avec les plis comme on le voit ci-dessous (à remarquer aussi les deux « L » inversés).
Cliquez sur la photo pour agrandir.

Je fais appel à quelques amis qui sont susceptibles d’avoir la réponse, mais rien de probant n’apparaît si ce n’est que la réponse devrait se trouver dans la symbolique des lettres. J’avais déjà consulté la symbolique des lettres dans quelques dictionnaires spécialisés mais comment être certain que cette symbolique s’appliquât à Ravenne. Le fait qu’aucun ouvrage décrivant ces mosaïques ne parle de ces lettres était déroutant.
Je reprends mon bâton de pèlerin et je consulte d’autres ouvrages et des centaines de pages sur internet sans rien trouver mais je n’abandonne pas, vous me connaissez (c’est ma seule qualité).

Puis Euréka, je tombe sur un texte de Fabrice Conan

http://docplayer.fr/59645675-Ravenne-1-par-fabrice-conan.html

 « … les apôtres avec auréoles. Ils sont peu différenciés sauf les 2 principaux. Des lettres sur les tuniques, se retrouve en d’autres lieux, ce sont les gammadiae comme Z première lettre du mot vie en grec. Le H 2ème lettre du nom du Christ. »

Je m’apercevrai beaucoup plus tard que c’est ce même Fabrice Conan qui est venu faire la conférence au Musée des BA d’Orléans et qui a donc suscité la question qu’on me pose, c’est également lui qui me donne la réponse.

« 17 janvier 2018   Byzance en Italie (1/4) : Ravenne,capitale
Fabrice Conan, historien de l’art, intervenant pour le château de Versailles »

A l’aide de ce mot « gammadiae » je me lance dans des recherches complémentaires pour en savoir plus et pour valider l’information de F. Conan. Je recueille beaucoup d’informations intéressantes dans un forum allemand (heureusement Google traduit assez bien) où les membres découvrent les gammadiae et échangent des informations.
Je ne vous livre pas toutes les démarches, mais seulement la synthèse de ce que j’ai appris (ce qui est déjà bien long).

Définition ancienne du mot « gammadia » (gammadiae au pluriel).

« GAMMADIA. Tous les ouvrages marqués de la figure ayant la forme de la lettre grecque Gamma, s’appeloient Gammadia , comme nous voyons encore aujourd’hui que les draps portent le nom du lieu, ou de la fabrique où ils ont été travaillés, et enfin de l’ouvrier par qui ils ont été faits ».

C’est quand même bizarre cette histoire des lettres sur les draps, comme sur les tuniques (j’y reviendrai)

Autre définition : « L’origine des Gammadiae réside dans l’antiquité juive et chrétienne. Leur utilisation comme objet d’ornement ou d’image a commencé au 3 et 4ème siècle, il a prospéré jusqu’au 9ème siècle et a duré jusqu’au 14ème siècle ».
Là encore on parle seulement d’ornements.

Regardons maintenant l’alphabet grec en mettant en évidence les signes qui seraient utilisés comme gammadia suite à mes observations sur les mosaïques de Ravenne.

En définitive, il n’y a pas que la lettre gamma qu’on appellera « gammadia » mais aussi d’autres lettres de l’alphabet qui ont une signification symbolique.
En ce qui concerne notre mosaïque du départ, on peut relever trois gammadiae :

Z : (dzéta) première lettre du mot grec ζωή : la vie (ce que l’on prend pour un « N » n’est rien d’autre qu’un « Z » renversé, le « N » ne fait donc pas partie des gammadiae).
Le Zitat est un chiffre sacré, c’est le chiffre de l’aboutissement au Christ. On retrouve cette lettre sur le vêtement du Christ, des Prophètes, des Apôtres, des Martyrs, des Saints. Elle est le symbole du Christ qui enseigne à suivre ses préceptes.

« Zeta a la valeur numérique 7  dans le système milésien *(le Seigneur s’est reposé le septième jour, les dons du Saint-Esprit sont au nombre de sept -sagesse, compréhension, conseil, force, science, piété, crainte de Dieu-. La Pentecôte est de 50 jours (7×7 plus 1) après Pâques.), les 7 péchés capitaux etc. »

* https://fr.wikipedia.org/wiki/Num%C3%A9ration_gotique

Église San Vitale à Ravenne : le Christ (Z) remet à San Vitale (L inversé) la couronne du martyr, un ange (L inversé) donne à l’évêque Ecclesius un modèle de l’église.
Cliquez sur la photo pour agrandir.

H : (éta) deuxième lettre du mot grec ΙΗΣΟΥΣ : Jésus (le H correspond à notre é)
Et pourquoi pas la première lettre « I » ?
Car, à mon avis, le « H » est aussi la deuxième lettre du mot « cHristos » en latin.

On verra plus loin que le « I » est aussi une gammadia, première lettre de « Iesus »

« En tant que Gammadia, le signe H représente la résurrection de Jésus-Christ. Sa résurrection annonce aussi notre résurrection. Le jour de la résurrection de Christ est aussi appelé le 8ème jour…La tradition Chrétienne du Sabbat a volé dans la pratique du dimanche chrétien. Le sabbat, qui est célébré le samedi par les Juifs, se réfère au septième jour de la création sur laquelle Dieu s’est reposé. Le livre de la Genèse déclare: «Et Dieu bénit le septième jour et le déclara saint, car Dieu se reposa sur lui après avoir achevé toute l’œuvre de la création» (Gn 2, 3). Le dimanche, selon ce rythme hebdomadaire, est le huitième jour où commence la nouvelle création. L’achèvement, la joie de tout ce que Dieu a créé, et la gratitude pour les actes de son salut sont le dimanche. »

Baptistère des Ariens, deux « H »

L (G) : (gamma (majuscule Γ, minuscule γ).

Cette lettre est la 1ére gammadia, c’est elle qui a donné le nom au groupe des « gammadiae », elle évoque Jésus-Christ
(Je ne sais pas, pour le moment, pourquoi cette lettre figure très souvent avec la graphie de notre lettre « L » actuelle et beaucoup moins souvent sous la forme du gamma majuscule grec « Γ ».
Cette lettre a la valeur 3, elle rappelle la trinité. Pourtant, au moment où ces mosaïques ont été construites, Ravenne était sous l’influence arienne et il serait très étonnant que les commanditaires aient mis un symbole de la trinité alors vivement combattue.
En outre, le 3 était considéré comme un certain nombre de secrets. Le troisième jour, Christ est ressuscité des morts. Jonas a passé trois jours et trois nuits dans le ventre de la baleine avant d’être à nouveau craché sur le rivage …

 « Quant au L ou « pietra angolare » la pierre angulaire, cette Gammadia représente Jésus-Christ comme la pierre angulaire de l’Église, une idée déjà formulée par les Pères de l’Église grecque et latine ».

Là, il faut recourir à la symbolique maçonnique de l’équerre :
« L’équerre sert à mesurer la terre et elle symbolise la matière, elle a la forme de la lettre grecque Gamma d’où les figures antiques appelées gammadia : soit quatre équerres opposées par le sommet et délimitant entre elles une croix, soit quatre équerres formant un carré dont le centre est marqué par une croix. Dans les deux cas, la croix centrale pourrait  être un symbole du Christ et les quatre équerres celui des quatre évangélistes, ou le tétramorphe des  visions d’Ezéchiel

 
Les quatre équerres délimitant la croix

Quel rapport avec la croix gammée nazie ?

René Guénon – El-Arkân :

« Nous nous proposons surtout, à cet égard, de signaler une concordance très remarquable qui se rencontre dans l’ancien symbolisme chrétien, et qui s’éclaire d’ailleurs, comme toujours, par les rapprochements qu’on peut faire avec certaines données des autres traditions. Nous voulons parler du gammadion, ou plutôt, devrions-nous dire, des gammadia, car ce symbole se présente sous deux formes très nettement différentes, bien que le même sens y soit généralement attaché ; il doit son nom à ce que les éléments qui y figurent dans l’un et l’autre cas, et qui sont en réalité des équerres, ont une similitude de forme avec la lettre grecque gamma2.

——————————
[1] Publié dans É. T., sept. 1946.
[2] Voir Le Symbolisme de la Croix, ch. X. – Comme nous l’avons signalé alors, ce sont ces gammadia qui sont les véritables « croix gammées », et c’est seulement chez les modernes que cette désignation a été appliquée au swastika, ce qui ne peut que causer une fâcheuse confusion entre deux symboles entièrement différents et qui n’ont aucunement la même signification.

La croix gammée (swastika) n’a donc rien d’original, ce n’est pas une invention d’Hitler mais la symbolique est totalement différente :

 

« Nous laissons entièrement de côté, cela va sans dire, l’usage tout artificiel et même antitraditionnel du swastika par les « racistes » allemands qui, sous l’appellation fantaisiste et quelque peu ridicule de hakenkreuz ou « croix à crochets », en firent très arbitrairement un signe d’antisémitisme, sous prétexte que cet emblème aurait été propre à la soi-disant « race âryenne », alors que c’est au contraire, comme nous venons de le dire, un symbole réellement universel. — Signalons à ce propos que la dénomination de « croix gammée », qui est souvent donnée au swastika en Occident à cause de la ressemblance de la forme de ses branches avec celle de la lettre grecque gamma, est également erronée ; en réalité, les signes appelés anciennement gammadia étaient tout différents, bien que s’étant trouvés parfois, en fait, plus ou moins étroitement associés au swastika dans les premiers siècles du Christianisme. L’un de ces signes, appelé aussi « croix du Verbe », est formé de quatre gammas dont les angles sont tournés vers le centre ; la partie intérieure de la figure, ayant la forme cruciale, représente le Christ, et les quatre gammas angulaires les quatre Évangélistes ; cette figure équivaut ainsi à la représentation bien connue du Christ au milieu des quatre animaux. On trouve une autre disposition où une croix centrale est entourée de quatre gammas placés en carré (les angles étant tournés en dehors au lieu de l’être en dedans) ; la signification de cette figure est la même que celle de la précédente. Ajoutons, sans y insister davantage, que ces signes mettent le symbolisme de l’équerre (dont la forme est celle du gamma) en relation directe avec celui de la croix ».

http://www.rene-guenon.ch/Rene_Guenon/Le_symbolisme_de_la_croix_RG.pdf

Autre explication qui confirme et ajoute :
« L’équerre  est  la  forme  de  la  lettre  grecque  gamma d’où  les figures  antiques  appelées Gammadia : soit  quatre  équerres opposées  par  le  sommet  et  délimitant  entre  elles  une  croix,  soit quatre  équerres  formant  un  carré  dont  le  centre  est  marqué  par une  croix.  Dans  les  deux  cas,  la  croix centrale  est  un  symbole  du  Christ,  et les   quatre   équerres   celui   des   quatre Évangiles,   ou   des   quatre   animaux   de l’Apocalypse. Guénon a en outre remarqué que  la  première forme  du gammadion correspondait aux délimitations intérieures du Lochou (Luo Shu), le carré magique révélé à Yu-le-Grand,  et  pouvait  ainsi  ramener  à la notion de mesure de l’espace terrestre ».

Représentation originale du carré de Luoshu

Le carré de Luo Shu sous sa forme moderne

On notera que la somme des nombres de toutes les lignes, qu’elles soient horizontales, verticales ou diagonales est systématiquement le 15, un nombre correspondant au total des valeurs symboliques du yin (8 + 7) et du yáng (9 + 6). L’ancêtre du sodoku ?

Guenon illustre son propos avec ce dessin sans le décrire. On y retrouve la forme de la croix gammée avec le soleil au centre et toujours la forme de la croix.

Clémentius : http://www.lustres-a-pampilles.fr/232%20archives/le%20carre%204%20-%20rose%20croix.pdf

https://fr.wikipedia.org/wiki/Carr%C3%A9_de_Luo_Shu

: (Iota) : cette lettre est également une gammadia car c’est la 1ère lettre de « Iesus ».
Des exemples ci-dessous au Baptistère des Néoniens, à Ravenne

En plus des « L » et des « I », ça se complique, on trouve apparemment aussi des « A » (ou lambda ?) et une autre lettre, « C » ? (remarquez aussi les plis qui dessinent des « Z »)

Le « A » pourrait donc être aussi une gammadia (« je suis l’alpha et l’oméga ? », bien que la lettre ne soit pas sur le Christ, mais elle pourrait l’évoquer… De même pour le « I » et le « L » qui ne sont pas des reconnaissances du Christ mais son évocation. Je laisse en suspens pour le moment ces 2 lettres « A » et « C » et pourquoi elles n’apparaissent que rarement. Cliquez sur la photo pour agrandir.

Un autre exemple où l’on voit un « A ? » à St-Appolinaire-Nuovo : procession des martyrs et vierges (identifiés par leurs noms au-dessus de leur tête) :
Voici ce que dit Wikipédia au sujet de ces lettres :

« Les deux longues processions des saints martyrs et vierges qui se font face, au registre inférieur, …. utilisation de motifs végétaux purement décoratifs et absence de plans de soutien des personnages, qui apparaissent comme flottant dans l’espace. Au bas des vêtements des martyrs figurent des lettres dont le sens n’a pas été élucidé. »

Mais bizarrement, les vierges n’ont pas droit à ces lettres.

Cliquez sur la photo pour agrandir

Toutefois, regardez les carrés dorés sur les voiles blancs des vierges.
Dans son essai « Genre, voyages et Gammadia dans les mosaïques de Ravenne », Nancy Ross explique qu’elle considère ces quadrangles dorés comme des Gammadiae et que ce sont des symboles de virginité. https://www.academia.edu/1701099/Gender_Journeys_and_Gammadia

Nancy Ross dit connaître près de 80 « situations artistiques » avec Gammadiae, seules trois d’entre elles montrent des femmes : deux sont d’origine chrétienne et peuvent être trouvées dans S. Apollinare Nuovo à Ravenne et à S. Maria Maggiore à Rome, la troisième est d’origine juive et provient de la synagogue de Dura Europos (Syrie).

Dans cette synagogue, j’ai trouvé cette fresque qui pourrait être celle dont parle N. Ross (Cliquez sur la photo pour agrandir)

Une des fresques de la synagogue de Doura Europos : la fille d’un pharaon, nue, entourée de suivantes, recueille Moïse bébé d’un panier flottant sur un cours d’eau.
Trouver une gammadia (en forme de lettre) sur des femmes et sur une fresque de ce genre, ce serait exceptionnel. Toutefois, en regardant bien sur les bordures des robes de trois femmes (le nombre indiqué par N. Ross) on peut peut-être y voir un signe qui ressemble au gamma.

Ravenne : Baptistère des Néoniens (gammadia « I »)

Mausolée de Galla Placidia : le Martyre de saint Laurent (deux « I »). Saint Laurent, d’un pas vif, se dirige vers le grill, instrument de son supplice. A gauche, les 4 évangiles rappellent la foi pour laquelle il accepte de mourir.
Cliquez sur la photo pour agrandir.

Voir aussi : http://jfbradu.free.fr/mosaiques/ravenne/galla-placida/galla.htm

Mausolée de Galla Placidia : Saint Paul et saint Pierre (un « I » sur chaque personnage) . Cliquez sur la photo pour agrandir.

Maintenant il faut se poser la question : y-at-il des gammadiae ailleurs qu’à Ravenne ?
J’ai donc visualisé mon stock de photos prises à Rome et j’y ai trouvé des exemples assez nombreux de gammadiae. Je vous en livre quelques-uns :


Basilique Saint-Laurent-hors-les-Mur Saint- Laurent de Rome à côté de Paul
De l’autre côté de l’arc, à droite, on trouve, en pendant : Saint Clément de Rome à côté de Pierre avec également des « I ». Cliquez sur la photo pour agrandir

Saints-Côme-et-Damien : la Gammadia Iota sur les robes du Christ et de Paul
Cliquez sur la photo pour agrandir

Sainte-Praxède : une grande ressemblance avec la mosaïque précédente, mais cette fois on trouve les lettres « P » et « E ». Le « P » se trouve sur l’apôtre Pierre, ce n’est donc pas une gammadia mais plutôt un signe de reconnaissance du personnage. Quant au « E » qui se trouve aussi sur l’apôtre Paul ?
Cliquez sur la photo pour agrandir

Ste-Praxède : sur le premier arc triomphal est figurées la Jérusalem céleste, entourée de remparts, à l’extérieur les élus attendent d’y entrer (sur certains, la gammadia « L » renversé). Cliquez sur la photo pour agrandir.

Ste-Marie-du-Trastevere (le « L » se trouve sur St Marc)
Cliquez sur la photo pour agrandir

Ste-Marie-du-Trastevere : deux « I » sur le pape Innocent II
Cliquez sur la photo pour agrandir.

Sainte-Pudentienne : le « L » se trouve sur le Christ.
Cliquez sur la photo pour agrandir.

Mosaïque de l’abside de S. Francesca Romana.
Le signe de la pierre angulaire se trouve non seulement sur l’Enfant Jésus, mais aussi sur les palettes des apôtres et des saints.
Nous reconnaissons le « L » ici sur les pallas de John, James, Peter et Andrew, qui encadrent la représentation de Marie avec l’Enfant Jésus.
Cliquez sur la photo pour agrandir.

Cliquez sur la photo pour agrandir

Le triclinium LEONIDO sur la Piazza San Giovanni (tout près de St-Jean-du-Latran) : reste d’une abside incorporée dans le palais qui contient la Scala Santa (l’escalier saint)

« Aujourd’hui, la mosaïque est présente dans sa reconstruction du dix-huitième siècle: au centre de l’abside se trouve la bénédiction du Christ entourée des apôtres, avec un livre ouvert sur lequel est écrit pax vobis. Sur le côté gauche de l’arc, il y a le Christ intronisé, qui remet à Constantin les clés au pape Sylvestre et le Labar, signe du pouvoir impérial; à droite, au contraire, Saint Pierre intronisé offre le pallium à Léon III et la bannière à Charlemagne »
Cette restauration a bien restitué les gammadiae sur la mosaïque originale mais peut-être sans en connaître la signification : on trouve des « H », des « I », mais les « E » à l’envers et le « F » sont plus surprenants (une mauvaise restitution ?). La description détaillée ne parle pas des lettres (comme d’habitude).
http://artepiu.info/triclinio-leonino-mosaici-san-giovanni-roma/

Le couronnement de Charlemagne (détail)

Sainte-Marie-Majeure : la mosaïque représente l’hospitalité d’Abraham (« I »)

Ste-Marie-Majeure : de nombreux « Z »
Cliquez sur la photo pour agrandir.

Basilique Saint-Laurent-hors-les-Murs
L’impressionnante mosaïque montre le Christ intronisé sur un globe au centre, Saint-Pierre à sa gauche (ici le « L » est inversé et se présente bien selon la graphie grecque), et encore plus à gauche Saint-Laurent avec un livre ouvert et un bâton dans son autre main. Cliquez sur la photo pour agrandir.

Cliquez sur la photo pour agrandir

San Giovanni in Fonte (aussi connu comme le baptistère du Latran) est un baptistère des premiers chrétiens situé à côté de Saint-Jean-de-Latran et du palais de Latran à Rome
Là on a un « P » en plus… mais je ne vois pas le rapport avec une gammadia (lettre grecque) (Pierre ? Paul ?)

Autre question : trouve-t-on des gammadiae ailleurs qu’à Ravenne et Rome, à Athènes ou Byzance par exemple ?

En cherchant, je tombe sur ce texte : à propos de l’Église Agios Eleftherios à Athènes

« Cette ancienne église d’Athènes conserve son écran de choeur d’origine, y compris un rideau ou un voile. Ce voile est particulièrement intéressant dans la mesure où il inclut les marques gammadia originales, les symboles rectangles comme la lettre grecque gamma (Γ), que nous avons déjà mentionnée auparavant. Comme le note le Dr Hamblin, ces gammadia étaient souvent utilisés pour marquer les voiles, les tissus d’autel et les robes sacerdotales au début du christianisme byzantin. Presque tous ces voiles ont maintenant été remplacés par des iconostases dans les églises modernes. »

http://www.templestudy.com/2008/04/17/early-byzantine-veil-with-gammadia/

Malgré mes nombreux voyages à Athènes, je n’ai jamais réussi à entrer dans cette petite église car je ne l’ai jamais trouvée ouverte et je n’ai photographié que l’extérieur, un vrai petit bijou architectural avec l’utilisation de belles sculptures prélevées sur les temples antiques (je ne résiste pas à mettre quelques-unes de mes photos de l’extérieur).

Les lettres gamma sont bien apparentes et cela confirme les gammadiae sur les lingeries

Cliquez sur la photo pour agrandir

De beaux reliefs avec un mélange « païen-chrétien »
Cliquez sur la photo pour agrandir.

Conclusion

– Il n’y a aucune certitude sur la signification de ces lettres qui apparaissent sur des personnages représentés sur certaines mosaïques. Le débat sur le sujet est quasiment inexistant. Certains disent qu’on ne connaît pas la signification de ces lettres, d’autres pensent que ce sont de simples décorations (des ornements), d’autres encore que ces lettres ont une signification symbolique : les gammadiae et le plus grand nombre les ignore totalement.

Personnellement, j’opte pour les gammadiae car tout s’explique et l’iconographie religieuse est toujours hautement symbolique. Je pense toutefois, qu’à l’origine ces signes avaient une fonction ornementale et non religieuse. 1- en bas de page : l’avis de Nancy. Ross (université de Cambridge) que j’ai lu après ma conclusion et qui est aussi de cet avis. A signaler que c’est le seul article, à ma connaissance, qui parle du sujet des gammadiae en plus de quelques lignes et de manière sérieuse : l’article est ici en anglais :
https://www.academia.edu/1701099/Gender_Journeys_and_Gammadia

« Les garnitures en forme d’angle sont visibles sur presque tous les pallas des martyrs, appelés gammadia, qui sont très courants dans les textiles de l’Antiquité tardive; si elles ont eu une fonction décorative là-bas ou communiquer un message crypto, comme cela est parfois supposé par la recherche, reste controversée ». N. Ross.

Les gammadiae qu’on peut attester d’après mes recherches sont le « L » (sous deux graphies), le « Z », le « H » et le « I ». Pour les autres lettres que j’ai pu rencontrer (P, A, F, E), je suis beaucoup plus circonspect.

– Ces gammadiae apparaissent presque exclusivement sur des mosaïques de style byzantin, à Ravenne principalement mais elles sont aussi présentes à Rome sur les mosaïques anciennes (à partir du IIIème s), ensuite on ne les utilise plus. C’est un procédé bien typique de la mosaïque byzantine.

– On trouve ces lettres le plus souvent sur les personnages représentant des hommes, quasiment jamais sur les femmes, je n’ai trouvé aucun exemple sur la Vierge, mais Nancy Ross est persuadée que les carrés dorés sur les robes des vierges à Ravenne sont des gammadiae (voir en bas de page son explication -2)

– Les gammadiae (en forme de lettres) ont toujours un rapport avec le Christ, elles ne servent pas forcément à l’identifier mais a l’évoquer.

Quacquarelli a trouvé la Gammadia « L » sur neuf représentations du Christ, créées entre le IVe et le VIIIe siècle.

Ce qui reste à élucider :

–        Pourquoi ces lettres apparaissent-elles sur certains personnages et pas sur d’autres ?

–        Les autres lettres trouvées (P A F E) sont-elles des gammadiae et si oui, leur signification ?

–        Pourquoi les gammadiae sont-elles concentrées dans les églises de Ravenne et de Rome ? On devrait les trouver aussi dans l’empire byzantin.

–        Pourquoi ce sujet est quasiment occulté et qu’il n’a pas suscité la curiosité des chercheurs ?

Additifs

N. Ross 1- (traduction) « … affirmer que gammadia n’a pas de sens, j’ai de la difficulté à croire cela et je pense qu’il y a suffisamment de preuves indirectes provenant de nombreux exemples de gammadia pour suggérer qu’ils ont un sens, bien que cette signification puisse changer d’une situation à l’autre. Les saints martyrs de Sant’Apollinare Nuovo sont inhabituels en ce sens que tous, sauf Saint-Martin, montrent gammadia, bien qu’il soit probable que les gammadia de Saint Martin aient été enlevés par des artistes postérieurs. Les figures masculines montrent une grande variété de gammadia, dont la plupart sont des lettres grecques, bien qu’il y ait quelques caractères latins et d’autres symboles. Il y a un peu de doublage et de triplement de ces symboles parmi les chiffres, bien que l’appariement des figures avec la même forme de gammadia ne suggère pas des conclusions évidentes…. »

N. Ross-2 (traduction) « … Certes, les saints et les martyrs surmontent le monde et le diable, mais seules les vierges surmontent la chair. Je crois que l’iconographie de la mosaïque souligne la virginité en montrant les palmiers (signe du martyr) avec leurs fruits, qui sont des dattes. Tous les palmiers du côté des femmes ont des dattes, mais seulement quelques-uns du côté des hommes ont des dates, car toutes les femmes sont vierges et seulement quelques-uns des hommes le sont… les fruits montrent aux femmes une plus grande force morale que les hommes.

Par exemple, de l’arc de chœur de Santa Maria Maggiore à Rome, montre également la femme en question avec un carré d’or sur son manteau. Il semble qu’il existe une forme unique et unifiée de gammadia pour les femmes. Pourquoi la différence entre gammadia mâle et femelle et que ces symboles pourraient indiquer? Pour les femmes, je pense que cette partie de la réponse se trouve ailleurs dans l’image de la procession des vierges… La Vierge porte les mêmes vêtements que les hommes, seules ses couleurs sont violet et or. Il est difficile de manquer le carré d’or proéminent sur son manteau. Je voudrais avancer l’idée que le carré d’or de la Vierge représente sa virginité, sa qualité la plus connue. La virginité est la caractéristique documentée que toutes les femmes de cette mosaïque partagent, outre leur foi chrétienne orthodoxe. Les carrés d’or proclament visiblement leur virginité et leur foi. »

La Basilique Saint-Apollinaire-le-Neuf à Ravenne : effectivement, sur la Vierge, on distingue bien le carré doré considéré comme gammadia par N. Ross. Les anges, de part et d’autre portent la lettre gamma sur leur tunique blanche. En revanche, je n’ai pas trouvé dans mes photos la mosaïque de la vierge qui porte le même signe à Ste-Marie-Majeur à Rome. Cliquez sur la photo pour agrandir.
 

Informations supplémentaires sur le Svastika

Source : mon site internet : http://jfbradu.free.fr/celtes/lyon/lyon.php3

Svastika : le svastika est un symbole ancien, il apparaît dans de nombreuses civilisations. Cette figure, qui s’inscrit dans un cercle, suggère un mouvement rotatif comme une spirale. Il peut figurer le retour des saisons, le mouvement du soleil, le cycle de la vie et de la mort. On rencontre ce symbole en Inde (vers 2000 av JC), en Chine (où il symbolise les quatre points cardinaux, puis il est la traduction du nombre 10 000, l’infini). Au Tibet, il joue le rôle de talisman, dans la religion indienne du jaïnisme, ses quatre branches désignent les quatre mondes : divin, humain, animal et infernal. On retrouve aussi ce signe chez les Grecs (sur une monnaie corinthienne par exemple) et chez les Romains (notamment comme décoration sur les mosaïques).


Mosaïque gallo-romaine (musée de Lyon)


Autre exemple au musée de St Romain en Gal :
http://jfbradu.free.fr/celtes/st-romain-en-gal/mosaiques-03.htm
Cliquez sur la photo pour agrandir.

Ce signe sera adopté par les Nazis et il symbolisera le troisième Reich, on l’appellera « croix gammée » (parce qu’il représente le quadruplement de la lettre grecque gamma).

Autres informations ici :
www.epochtimes.fr/la-veritable-signification-de-la-swastika-nest-pas-ce-que-vous-imaginez-7740.html
(pour moi, swastika est masculin)

Israël – Une swastika sur une mosaïque d’époque byzantine sur l’église à Shavei Tzion

« D’habitude, lorsque l’on pense à la swastika, la première chose qui vient à l’esprit est l’holocauste, les nazis ou encore Hitler et la seconde guerre mondiale. Cependant, bien des siècles avant cette sombre période de l’histoire, la swastika avait un sens commun tout autre, puisqu’elle était un symbole de bonne fortune.

Selon Natalie Basdeki, « le mot ‘swastika’ vient du Sanskrit : ‘swa’ signifie la ‘partie supérieure de soi’, ‘asti’ signifie ‘être’ et ‘ka’ est un suffixe [NDT : indiquant un nom]. Donc, la traduction littérale peut donner ‘être avec la partie supérieure de soi’. ».

La swastika est apparue il y a plusieurs siècles en Chine, en Inde, au Pérou, en Israël, au Japon, en Éthiopie, et dans beaucoup d’autres endroits au monde. Une version de ce symbole a été clairement identifiée dans les œuvres d’arts de presque chaque culture. On en trouve des représentations peintes dans des caves remontant à une dizaine de milliers d’années. En Chinois, les deux idéogrammes qui forment ce caractère signifient « les Dix Milles Êtres », un terme taoïste pouvant se comprendre comme « tout ce qui existe sous le ciel ».

La swastika est aussi appelée srivatsa. Elle symbolise la révolution du soleil – le nombre 10 000 au Japon et en Chine, l’infini, la création continue ou encore une roue en rotation. Selon Natalie Basdeki, « quand la swastika tourne dans le sens des aiguilles d’une montre, elle représente l’énergie de l’univers, la force et l’intelligence ; quand elle tourne dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, elle représente la compassion.».

 
 
Pour ceux qui ont été intéressés, qu’ils me donnent leur avis sur la question et s’ils peuvent apporter d’autres informations ce serait très intéressant.

JF Bradu – 02/2018    contact  Photos et texte de cette page ne sont libres de droits que pour des usages pédagogiques à but non lucratif.