NOTES sur le texte concernant l'Opus Caroli

[19] Dans la lettre adressée en 825 par des évêques réunis à Paris à Louis le Pieux, nous lisons : “Quand votre père [Charlemagne]...fit lire les actes de ce synode en sa présence et celle de ses conseillers, il les trouva répréhensibles en plusieurs endroits...et ayant noté les capitula qui étaient répréhensibles, il les envoya... au pape Adrien [en 792], pour qu’il puissent être corrigés par son jugement et son autorité.” Cité dans Freeman ”Carolingian Orthodoxy”, 101. Ce fut la réponse d’Adrien à ce Capitulare adversus Synodum, reçue à la cour en 793, qui alerta les Francs sur l’attitude du pape à l’égard des images. Pendant cette période, c’est-à-dire, durant le temps où le susdit Capitulaire fut envoyé à Rome et examiné par la curie papale, Théodulf continua sa composition de l’Opus Caroli.

[20] Notre incapacité à trouver un seul écho, même faible, de l’Opus Caroli dans le traité sur les images d’Agobard de Lyon, de Jonas d’Orléans (le successeur de Théodulf), de Claude de Turin, ou, plus important encore, dans les documents relatifs au “synode” de Paris (auquel participa Jonas) valide cette assertion. Le traité de Théodulf ne circula pas avant l’époque d’Hincmar qui, dans sa jeunesse, le découvrit dans les archives royales (“non modicum volumen quod in palatio adolescentulus legi”), et, probalement plus tard, “l’emprunta” et le mit en circulation pour la première fois. Cf. Freeman, “Carolingian Orthodoxy”, 96-99. Pourquoi l’Opus Caroli ne fut pas présenté au Concile de Francfort en 794, et comment il faut interpréter la très brève référence aux actes de Nicée II faite à Francfort est expliqué aux pages 92-95. Cette information n’était probablement pas encore accessible à Celia Chazelle quand elle composa son article, “Matter, Spirit and Image in the Libri Carolini”, dans les Recherches Augustiniennes XXI (1986), 163-184, puisqu’elle assure que l’Opus Caroli fut officiellement présenté à Francfort et que toute affirmation du traité de Théodulf peut être tenue pour une affirmation du Concile.

[21] Le fait que l’ouvrage portait le nom même de Charlemage comme auteur, doit avoir joué un rôle important dans la décision de le conserver dans les archives au lieu de l’autoriser à circuler à l’époque. Une œuvre n’était “publiée” que quand son auteur autorisait sa transcription : Bède, dans son De orthographia écrit : “transcribere, cum ius nostrum in alium transit” (CCSL, CXXIIIA, 19). Dans la préface à son Histoire ecclésiastique, adressée au roi Ceowulf, il mentionne qu’il avait précédemment envoyé une copie de son ouvrage au roi “ad legendum et probandum”- c’est-à-dire pour qu’il exprime son opinion et ses critiques- et qu’il l’envoyait maintenant “ad transcribendum” (C. Plummer, ed.Venerabilis Baedae opera historica [Oxford, 1896], 5). Dans sa lettre à l’abbé Albinus de Cantorbéry (ibid. 3), Bède spécifie que les deux ouvrages qu’il envoie, l’Histoire ecclésiastique et le De templo, sont “ad transcribendum”. L’ouvrage qu’Hincmar a trouvé dans les archives n’était pas une transcription de l’Opus Caroli mais sa rédaction originale (Vat. lat. 7207), dont Charlemagne n’avait jamais autorisé la copie. Noter l’usage du mot transcribere sur la page de garde d’un manuscrit de la cour (Bruxelles, Bibliothèque Royale, Ms II 2572, fol. 1), où Charlemagne autorisait la publication d’un ouvrage de Pierre l’archidiacre : “Incipit liber de diversis quaestiunculis...quem iussit Domnus Rex Carolus transcribere ex authentico Petri archidiaconi”. Cf. Bullough, The Age of Charlemagne, 56.

[22] Opus Caroli, I, 15 (MGH Concilia, II, Supp. I, 175, lignes 2h-8).

[23] Il pouvait cependant y avoir place pour une théorie de l’esthétique que E. De Bruyne a analysée. Cf ses Études d’esthétioque médiévale, 3 vol.  (Bruges 1946), I, 261-282 (il pensait qu’Alcuin était l’auteur de l’Opus Caroli).

[24] Pour une analyse de l’attitude de l’Opus Caroli envers les res sacrae, cf. Chazelle, “Matter, Spirit and Image,” passim.

[25] Cf. A. Freeman, “Scripture and Images in the Libri Carolini” dans Testo e immagine nell’alto medioevo, I, Settimane di studio del Centro italiano di studi sull’alto medioevo, XLI (Spoleto, 1994), 163-188. J.D. Dodds, Architecture and Idelogy in Early Medieval Spain (University Park. PA, 1990) 43, pense que la décision du Concile d’Elvire était lettre morte au VIIIe siècle et que l’”aniconisme” de la période avait des racines différentes, liées probablement à la présence des Maures dans la péninsule ibérique. N’oubions pas cependant qu’Agobard de Lyon, lui aussi espagnol, cite le concile d’Elvire dans son traité sur les images (“Scripture and Images,” 181 n.48.)

[26] Ibid. 180 n.46.

[27] C’est ici que l’on sent le danger d’accepter les positions présentées dans l’Opus Caroli de Théodulf comme représentatives d’une attitude généralement partagée à l’époque de Charlemagne ; noter le contraste avec ce que Bède dit dans ses Vitae abbatum (une œuvre que Théodulf n’a probablement jamais vue). Après avoir énuméré toutes les images peintes apportées de Rome pour orner son église monastique en Northumbrie, il s’écrie : “Ainsi tous ceux qui entraient dans l’église - même ceux qui ne savaient pas lire - pouvaient, partout où ils regardaient, contempler les figures aimées du Christ et de ses saints, au moins en images ; se mettre plus fermement dans l’esprit l’Incarnation du Seigneur et, quand ils considéraient devant leurs yeux le moment décisif du jugement dernier [la référence est ici à des peintures de l’Apocalypse], être portés à examiner leur conscience avec sévérité” (adapté de The Age of Bede [Harmondsworth, 1983], 191.Bien qu’Alcuin, comme nous le savons par les Annalles d’York, condamnait l’adoration” des images, il partageait, presque certainement, les sentiments exprimés par Bède dans la citation ci-dessus. Après avoir été mis au courant de l’ouvrage à son retour à la cour en 793, après une absence de trois ans en Angleterre, il pourrait bien avoir fait des objections et demandé qu’on soit prudent envers les positions extrêmes de l’Opus Caroli.