De
même qu'un organisme surmené réagit mal contre les microbes, notre époque n'arrive plus à résorber sans dommage les scandales, qu'elle est incapable d'éviter. Débordant les
locaux d'instruction et
de police, les antichambres ministérielles, les hémicycles et les
salles des Pas Perdus. La trouble agitation de l'affaire Stavisky vient
d'ensanglanter les rues de la capitale et de mettre en deuil la nation tout entière. Un
ministre «démissionné» n'avait pas suffi à mettre le cabinet
Chautemps en posture de résister aux signes de l'émotion
publique. En dépit d'un vote de confiance obtenu d'une Chambre délibérant sous la
protection des cordons
d'agents, le ministère, rompant avec la tradition qui lui aurait permis de demeurer en
place, remettait à
M. Lebrun sa démission collective.
La crise ministérielle
ainsi ouverte se
présentait donc, dès son
origine, comme exceptionnelle. Ses
conséquences devaient être tragiques.
Après les refus successifs
de MM. les présidents Doumergue, Jeanneney et Bouisson, M. Edouard Daladier acceptait la
difficile mission de former un nouveau gouvernement et tentait un effort de
conciliation républicaine en s'assurant le concours de trois personnalités des
groupes du centre et du centre droit, MM. Pietri, Fabry et Doussain. Sitôt le nouveau
cabinet constitué, le 30 janvier, son président et les ministres
responsables entreprenaient l'étude des dossiers de la lamentable
affaire, pour être en mesure, au moment de la présentation devant les Chambres, fixée à
mardi dernier, d'exposer au Parlement et à l'opinion
publique un plan d'action conforme au désir général d épuration et
de clarté.
Pendant
quelques jours, les optimistes purent croire à un apaisement des esprits et à l'approche de temps moins
incertains. Mais à l'heure même où les destinées du pays,
économiquement affaibli comme le reste du monde, extérieurement embarrassé
par une recrudescence des égoïsmes européens, semblaient commander le
silence aux passions politiques, celles-ci se firent plus violentes que
jamais et apparurent sous leurs aspects les plus dangereux, les compétitions et
les haines de personnes.
Avant
même de se présenter devant la Chambre et le Sénat, le gouvernement, incertain sur la possibilité et la manière de réunir une
majorité, se divisait, en son sein même, à propos de sanctions ou
mouvements administratifs envisagés à
propos des récents événements. Le déplacement de M. Chiappe, préfet de
police, qui refusait le poste à lui offert de résident général au Maroc, et d'autres mutations
de moindre envergure provoquaient, dès le 3 février, la démission
simultanée de MM. Pietri, Fabry et Doussain, aussitôt remplacés par MM.
Marchandeau, Paul Boncour et Jaubert. Le lendemain, M. Renard, préfet de la
Seine, se solidarisant avec M. Chiappe, démissionnait à son tour et était
remplacé par M. Villey, préfet du Rhône. Le ministère,
cédant ainsi aux instances des groupes d'extrême gauche, |

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