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La journée du 6 février 1934 vue à chaud par "Miroir du Monde"

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LA DURE RÉPRESSION D'UNE ÉMEUTE
 ENSANGLANTE PARIS ET ENDEUILLE LA FRANCE

UNE VUE IMPRESSIONNANTE
DE LA PLACE DE LA MADELEINE
ET DES GRANDS BOULEVARDS
PENDANT L'EMEUTE
(Photo keystone)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(Photo New-York Timres.)
LES ANCIENS COMBATTANTS,
PRÉCÉDÉS DE LEURS DRAPEAUX,
DÉFILENT PLACE DE LA CONCORDE

De même qu'un organisme surmené réagit mal contre les microbes, notre époque n'arrive plus à résorber sans dommage les scandales, qu'elle est incapable d'éviter. Débordant les locaux d'instruction et de police, les antichambres ministérielles, les hémicycles et les salles des Pas Perdus. La trouble agitation de l'affaire Stavisky vient d'ensanglanter les rues de la capitale et de mettre en deuil la nation tout entière. Un ministre «démissionné» n'avait pas suffi à mettre le cabinet Chautemps en posture de résister aux signes de l'émotion publique. En dépit d'un vote de confiance obtenu d'une Chambre délibérant sous la protection des cordons d'agents, le ministère, rompant avec la tradition qui lui aurait permis de demeurer en place, remettait à M. Lebrun sa démission collective.
    La crise ministérielle ainsi ouverte se présentait donc, dès son origine, comme exceptionnelle. Ses conséquences devaient être tragiques.
    Après les refus successifs
de MM. les présidents Doumergue, Jeanneney et Bouisson, M. Edouard Daladier acceptait la difficile mission de former un nouveau gouvernement et tentait un effort de conciliation républicaine en s'assurant le concours de trois personnalités des groupes du centre et du centre droit, MM. Pietri, Fabry et Doussain. Sitôt le nouveau cabinet constitué, le 30 janvier, son président et les ministres responsables entreprenaient l'étude des dossiers de la lamentable affaire, pour être en mesure, au moment de la présentation devant les Chambres, fixée à mardi dernier, d'exposer au Parlement et à l'opinion publique un plan d'action conforme au désir général d épuration et de clarté.
    Pendant
quelques jours, les optimistes purent croire à un apaisement des esprits et à l'approche de temps moins incertains. Mais à l'heure même où les destinées du pays, économiquement affaibli comme le reste du monde, extérieurement embarrassé par une recrudescence des égoïsmes européens, semblaient commander le silence aux passions politiques, celles-ci se firent plus violentes que jamais et apparurent sous leurs aspects les plus dangereux, les compétitions et les haines de personnes.
    Avant
même de se présenter devant la Chambre et le Sénat, le gouvernement, incertain sur la possibilité et la manière de réunir une majorité, se divisait, en son sein même, à propos de sanctions ou mouvements administratifs envisagés à propos des récents événements. Le déplacement de M. Chiappe, préfet de police, qui refusait le poste à lui offert de résident général au Maroc, et d'autres mutations de moindre envergure provoquaient, dès le 3 février, la démission simultanée de MM. Pietri, Fabry et Doussain, aussitôt remplacés par MM. Marchandeau, Paul Boncour et Jaubert. Le lendemain, M. Renard, préfet de la Seine, se solidarisant avec M. Chiappe, démissionnait à son tour et était remplacé par M. Villey, préfet du Rhône. Le ministère, cédant ainsi aux instances des groupes d'extrême gauche,

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