PANAM !  par Piedallu
Le témoignage (plein de verve et non dénué d'humour) d'un poilu de 14/18 qui "monte" à Paris pour sa permission.

Transcription du texte par Eloïse Marcastel, élève de 3ème au collège public Jeanne d'Arc - Orléans (les tournures et l'orthographe sont conformes à l'original).
Merci à
Roger Cogneau pour nous avoir fourni et autorisé à publier ce document.

1.
C’avait bardé toute la journée des 350, des torpilles, des 77, toute la gamme, quoi, ces vaches, là, y voulaient pas décidément qu’on pionce une seconde ! Enfin le soir, p’ t’être ben leurs artiflots y en avait clase car ça crachait convenablement ! J’ me dis « Mon vieux Arthur, tu peux te coller le nez sur les genoux et en écraser pendant une couple d’heures. J’ venais d’ m’évanouir quand on m’ cogne à l’épaule, j’ m’étire, j’ baille et j’ me mets à l’engueuler comme un boche en l’appelant grand chameau !

«Gueule pas Arthur, fout le camp, t’a tes dix jours, cavale au P.C cherchez ta perm! »

Tout de suite j’étais comme fourneau! Abruti, puis brusquement j’ me lève, j’ donne mon bidon de gniole au poteau et j’me débine chercher ma perm !! _

Cliquer sur la photo pour l'agrandir, apprécier les dessins et l'écriture.

2.
Ma perm en poche j’ part au pas cadencé pour la gare et eu ! Cocotte en route pour Panam !!

Le taxi y s’ grouillait guère, certainement qui d’ vait pas savoir que j’étais d’ dans autrement y l’aurait condensé la vapeur ! !

Enfin on finit par arriver à la régulatrice, ça collait déjà mieux, plus de 350, plus d’avion, et des civils !

On change de véhicule et directo, on se dirige  à Pantruche. « Ca y’ est » j’ me dis en me penchant à la portière, « v’ la Levallois ! » . Moins de 10 minutes et on atterit à Austerlitz.

J’empoigne mes muselières, mon bidon, et j’ saute sur le bitume.

J’ sais pas combien je suis resté de temps les main dans mes poches à grenades, les pattes écartées à contempler la gare et le bout de l’avenue où s’ qui y avait des baths civils, des mecs gandins avec des joues qui se plillent et des petites femmes toutes roses avec des grandes bottes à lacets !!

Cliquer sur la photo pour l'agrandir, apprécier les dessins et l'écriture.

3.
A fallut qu’un employé y m’ demande si j’étais inspecteur de la Cie pour que j’ décide à mes jambes qui tremblaient d’émotion à partir sur le Boulmiche.

J’ vais dire s’ que j’ai vu de choses mahous, super-mahous non c’est foudroyant.

Tant j'avais été 2 ans sans voir Panam pour que ça vous foute une émotion comme ça quant on y retourne.

Mon bidon était vide et il était notoire que j’avais la dalle en pente et horriblement sec. J’avise un café chic ou s’que y avait des femmes avec des grands yeux noirs devant des petits verres de madère !

4 mois avec 5 sous par jour plus la hautte paye, plus l’indemnité de tranchée ça fait une somme rondelette qui vous permet de faire des folies dans sa bonne ville de Pantruche.

Cliquer sur la photo pour l'agrandir, apprécier les dessins et l'écriture.

4.
J’entre et repérant une bath môme j’ va pour m’assoir à côté. Pas le temps, mon vieux, à me dis comme çà : les militaires pas avant six heures !

J’ la regardais encore deux minutes puis j’ fis demi-tour par principe. Une demi-heure de ballade et j’tombe devant une affiche de ciné. ça paraissait pas mal, j’entre, on m’ colle sur une chaise et j’ fus enfermé 2 heures à voir des poilus qui montaient à l’attaque, des ambulances, des mecs qui tombaient amochés et des boches qui faisaient Kamarad. Vous d’vez pensez si ça m’amusait! Enfin on fait sortir, j’ me barre en douce et j’ me dis N de D ça va pas mieux, ça va durer comme-ça ?

D’vant une glace, j’ madmire et m’disant «  Arthur, t’a la gueule point rasée », j’entre dans un Lavatory English. Vous dire c’que j’ai feuilleté de pêle-mêle* avant qu’on me rase, j’ai eu le temps de me raser tout seul.

Cliquer sur la photo pour l'agrandir, apprécier les dessins et l'écriture.

* "pêle-mêle" : journal satirique de l'époque

Découvrez un Pêle-Mêle que notre poilu aurait pu lire chez le coiffeur. Ce poilu, Maurice Piedallu, est originaire de Meung-sur-Loire (Loiret), il est mort (comme beaucoup de soldats de 14/18) de la grippe espagnole en 1919. Son père était épicier en demi-gros à Meung, place du Martroi.

Voir d'autres pages de Pêle-Mêle de 14/18

Cliquez sur la couverture pour découvrir in extenso ce Pêle-Mêle du 8 octobre 1916

Pour que les images s'affichent avec une résolution convenable, il ne faut pas autoriser le redimensionnement automatique des images :
Dans IE :
outils - options internet - avancé - multimédia -  décocher : "autoriser automatiquement le redimensionnement des images"