LES  TOMBEAUX

  LES HYPOGÉES - La vallée des Rois.

La tombe de Toutankhamon - Page 46/54. L'annexe III

 

Vase à onguent en forme de lion prophylactique  

Ce lion, la main droite levée, tirant la langue, dressé sur un tabouret n'est autre qu'un vase en albâtre. Son étrange coiffure est en fait le récipient contenant les onguents. Il s'agit en réalité d'un génie protecteur sous la forme d'un lion. Le fait qu'il montre ses crocs (8 en ivoire blanc) et projette la langue renforce sa mission prophylactique. On peut l'identifier au dieu Nefertoum (fils de Ptah et de Sekhmet) dont l'action protectrice prend la forme de Mahes : le dieu lion guerrier, redoutable contre les puissances du mal, contre les ennemis d'Osiris. Nefertoum est aussi le dieu des parfums prophylactiques : les onguents purifiaient et constituaient les plus puissants remèdes contre les influences néfastes.
Le cartouche sur la poitrine indique les noms du roi et de la reine.

Hauteur : 60 cm - Largeur : 19.8 cm - Profondeur : 0.17 cm

 

 

 

Description exhaustive (catalogue de l'exposition de 1967 au Petit Palais "Toutankhamon et son temps").
Ce lion dressé sur ses pattes postérieures, qui accueille le visiteur, la patte avant droite levée, et en lui tirant la langue, n'est autre qu'un récipient à onguents. Il a été taillé dans un bloc d'albâtre, cet albâtre oriental, extrait dans les carrières de Hatnub qui limitent au sud-est l'immense cirque rocheux dans lequel la ville de Tell-el-Amarna (Akhetaten) s'est développée. On retrouve dans le trésor de Toutankhamon la plupart des objets servant de récipients à onguents, taillés dans cette matière dont les Égyptiens faisaient grand cas et qu'ils réservaient pour en façonner le réceptacle des matières précieuses. Cette prédilection semble être commune aux pays du Proche-Orient tardif (cf. Matthieu, XXVI, 7 : "un vase d'albâtre plein d'un parfum de grand prix"). Tous les pots à onguents, qu'ils aient des formes classiques ou qu'ils soient agrémentés avec emphase par les plantes du fameux « sema-taoui » ou encore qu'ils reproduisent par leurs contours inattendus, les animaux bénéfiques du bestiaire, depuis le fauve jusqu'au capridé apprivoisé — sans exception ont été taillés dans cette douce et translucide matière que des jeux d'ombre et de lumière mettaient en valeur : depuis les premières dynasties la « vaisselle » précieuse des morts en était faite. Le trésor de Toutankhamon contient même une lampe d'albâtre qui, lorsque sa flamme intérieure brûlait, révélait une scène poétique peinte sur sa double paroi. L'objet que l'on peut contempler ici, montre un lion dressé sur ses pattes qui reposent sur un socle en forme de tabouret dont le plateau est rectangulaire et la partie supérieure des pieds masquée par un large ruban décoré d'une frise faite de trois registres colorés de pigments, d'abord à damiers bleus et blancs, puis blancs et jaunes — ensuite une zone ornée de feuilles lancéolées blanches, surmontées d'un point bleu — sur un fond fait de trois zones noir, jaune et bleu, séparées de dentelures blanches, enfin une bordure de mandragores blanches au pédoncule vert sur fond bleu. La triple traverse qui consolide et à la fois orne les espaces libres entre les pieds du meuble est cachée à sa partie supérieure par ce galon décoratif. Le bout des pieds est formé de barreaux arrondis qui portent des traces d'une pâte épaisse bleu grisâtre, rapportée (non incrustée) et qui avait peut-être constitué l'ancien mastic de fixation de patins métalliques. Le plateau du tabouret, limité par une double ligne incisée et remplie de pigments bleus, reçoit l'image du lion debout ; celui-ci a l'attitude de la marche, mais à l'encontre des êtres humains, c'est la patte droite qui est placée en avant. Au bloc d'albâtre dans lequel son corps est taillé on a rapporté la queue, les deux pattes antérieures, le grand signe hiéroglyphique, évoquant la protection, sur lequel le fauve pose sa patte gauche et toute la coiffure. La collerette de poils qui encadre la gueule, les détails des oreilles, les deux petits durillons de chair des pattes antérieures, les griffes de l'animal, la touffe terminale de la queue, les petites rosettes de poils sur les épaules, tout cela est rehaussé de couleur bleu-noir. Le nez, jadis peint en noir, possède encore des traces de rouge qui indiquaient les narines, les yeux cernés de noir, sont entièrement dorés, en quelque sorte des yeux phosphorescents. La gueule ouverte montre huit crocs d'ivoire blanc, de même que les muqueuses latérales et la langue pendante, peintes en rouge. Sur la poitrine un petit tableau surmonté par le signe du ciel, porte les deux cartouches du roi et celui de la reine, introduits par leurs titres habituels. Les oreilles de l'animal, percées, devaient avoir reçu des anneaux d'or, comme on le voit encore souvent sur les statuettes de chats sacrés. Les griffes (cinq pour chaque patte) avaient été rapportées (peut-être de l'ivoire) : il ne reste plus dans les cavités qu'une matière rougeâtre. Enfin, la coiffure de l'animal est une véritable pièce montée. Le modius ourlé, en haut et en bas, de deux gros tores en saillie, est orné d'un damier à quatre rangs : bleu et blanc, blanc et or, bleu et blanc, et blanc et bleu. Au-dessus une composition florale, peinte sur une forme évasée est faite de feuilles lancéolées sur un fond bleu, alternant avec des sortes de bouquets montés, composés d'un lis dans lequel est piqué un papyrus, lequel est dominé d'une rosette évoquant la fleur de lotus épanouie, vue par le haut, au centre jaune. Le motif se répète huit fois. La coiffure de l'animal est en réalité un récipient qui contenait des onguents, fermé d'une peau recouverte encore par des vestiges de toile de lin. Le tout semble avoir été maintenu par des résines. Et ce récipient était en fait porté par le fauve, comme on portait sur sa tête, en Egypte, certains fardeaux. Celui-ci, précieux entre tous, puisqu'il s'agissait des essences florales, les plus concentrées, fort recherchées et très onéreuses, (n'oublions pas que les pillards qui, par deux fois pénétrèrent dans la tombe, prélevèrent avant tout les onguents et s'emparèrent de l'or), ne pouvait être mieux protégé que par ce génie sous forme de lion qui s'appuie d'une patte sur un grand signe magique évoquant la protection elle-même et qui dresse l'autre patte, comme pour imposer un arrêt à tous ceux qui voudraient indûment pénétrer pour nuire. Afin que son action prophylactique soit encore plus efficace, le génie projette sa langue, en un signe, vieux comme le monde, d'opposition qui se diluera à travers les siècles et les divers folklores en un geste instinctif de défense magique, puis d'agressivité enfantine, voire de taquinerie. Les cartouches du roi — gravés sur la poitrine de la bête —, auxquels on a associé ceux de la reine, ne sont peut-être pas uniquement une marque de propriété et pourraient assimiler ce génie protecteur à un des avatars du souverain, au cours des transformations qui doivent en faire un être éternel. La coiffure florale, la nature même du lion, et surtout ses yeux d'or, perçants, qui d'une façon très exceptionnelle sont représentés ici, permettent d'identifier cette image animale à celle du dieu Nefertoum (fils de Ptah et de Sekhmet), dans un rôle de protecteur redoutable contre les puissances du mal, c'est à dire : le dieu Mahes. Ce dieu Mahes, le lion au regard terrible, fils de Sekhmet (ou encore de la déesse Oubastet) c'est le « maître du carnage » qui combat contre les adversaires d'Osiris, c'est un dieu guerrier, comme tous les dieux à tête de lion, c'est, en fait, le roi victorieux. Dressé sur ses pattes antérieures, il peut attaquer les ennemis et leur dévorer la tête. Le dieu-fleur originel, sous la forme duquel Nefertoum est la plupart du temps considéré, est rappelé par la coiffure, car il est aussi le dieu des parfums prophylactiques « l'Agréable au nez des dieux, rempli d'onguents », car ces onguents purifiaient à la fois et constituaient les plus puissants remèdes contre les influences néfastes : ces croyances se retrouvent dès le temps des Pyramides où il était écrit que, si le parfum du dieu accompagnait le défunt, la colère du premier tombait sur les ennemis du mort. Aussi, la fleur du dieu Nefertoum accompagnera-t-elle souvent le petit dieu Horus, prêt à renaître (et ce dernier n'est en fait qu'une forme du mort). Enfin le rôle magico-médical de Nefertoum (dont l'action protectrice prend la forme de Mahes, le lion qui combat), est reconnu souverain et est invoqué contre le mal de tête.
Ainsi donc les onguents, nécessaires à la reconstitution du mort et à la préservation de la momie, rempliront efficacement leur rôle, grâce au génie qui les protège et le génie n'est autre que le roi même, désincarné, qui lutte durant ses transformations pour mériter et gagner sa renaissance.

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