Les femmes
pharaon - Le rôle de la reine dans la vie politique et religieuse.
Peu de femmes ont assumé la
fonction suprême de "pharaon"
La société
égyptienne antique est de type patriarcal même si les femmes ne sont pas
sans droits et sont bien considérées. Cependant, certaines femmes ont pu
jouer un rôle politique de tout premier plan. Le titre de "pharaon" ne
pouvait théoriquement être porté que par un homme. Une seule femme, selon
nos connaissances actuelles, a porté réellement ce titre à part entière :
Hatshepsout. D'autres femmes ont pu recevoir le titre de reine à titre
honorifique en tant que première épouse du pharaon régnant ou en période de
régence. Pendant la période de domination, sous la dynastie des Ptolémées,
toute une série de femmes pharaons furent à la tête de l'Egypte, Cléopâtre VII étant la plus connue. Mais il s'agit ici d'une dynastie étrangère.
Comme le pharaon, les épouses royales portent les attributs des dieux
Comme le roi, la grande épouse royale et la mère du roi portent les emblèmes
qui sont réservés aux dieux : l'uræus, la croix ânkh, le mortier surmonté de
la double plume, la
couronne neret.
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La
couronne néret est une coiffure adoptée par les reines depuis la IVème
dynastie. Elle était portée à l'origine par la déesse de
Haute-Egypte Nékhbet. La couronne représente un vautour à la tête
dressée et dont les deux ailes encadrent le visage. La tête du vautour
peut être remplacée parfois par un uraeus, symbole typiquement royal.
La reine Néfertari portant la couronne neret surmontée de la
double-plume (tombe de Néfertari).
La reine Cléopâtre avec la couronne neret surmontée de la couronne
Hathorique (reproduction -temple de Dendérah). |
Les reines peuvent
porter aussi d'autres couronnes avec l'uræus ou le disque solaire,
couronnes empruntées à d'autres divinités telles Hathor, Isis, Amon, Min.
Tous ces attributs tendent à prouver le caractère solaire des reines et leur
assimilation à des déesses comme Hathor.
Le couple royal est divin et uni dans le maintien de la maât
Cependant, si les femmes pharaon sont l'exception, les recherches les
plus récentes montrent que les femmes qui ont côtoyé le pouvoir ont eu un
rôle plus important qu'on ne l'avait cru dans les domaines politiques et
religieux.
Certaines représentations du Nouvel Empire montrent que le couple royal
était interprété comme l'image terrestre du couple divin solaire "Rê -
Hathor". Ainsi, la présence de l'épouse royale près du pharaon traduit une
théologie où la femme a un rôle dans la mâat, elle est solidaire avec son
époux de l'équilibre du monde.
Lors de la fête Sed, la reine Tiyi apparaît derrière son époux Aménophos III
"comme la déesse Maât auprès du dieu Râ". Cette comparaison entre couple
royal et couple divin atteint son apogée avec le couple Akhénaton-Néfertiti.
La belle Néfertiti est omniprésente auprès de son époux, pas du tout pour
faire de la figuration mais pour participer à part entière au culte du dieu
Aton. De même, les scènes de la vie privée où le roi et la reine sont
représentés tendrement enlacés ont également une connotation religieuse :
l'amour entre les époux royaux est une manifestation de l'énergie créatrice
du démiurge et a valeur d'exemple pour le renouvellement du monde terrestre.
La reine peut aussi favoriser le rituel, près de son époux accomplissant les
rites, elle use de son charme pour se concilier les dieux. Pour ce faire,
elle agite en cadence le sistre, le hochet sacré ou la ménat dont la musique
apaise et réjouit les divinités. Les reines sont alors nommées à propos
"maîtresse du sistre", "dame de la ménat", "dont les mains pures tiennent le
sistre pour charmer son père Amon avec le son de sa voix".
Les scènes de théogamie sont une autre illustration de l'importance
de la grande épouse royale. Le dieu Amon arrive au palais sous les traits du
pharaon, la reine endormie est réveillée par le parfum du dieu, elle
s'enflamme pour le dieu et s'unit à lui. Après la naissance de l'héritier
royal, Amon le reconnaît comme son fils. Ainsi, c'est la reine qui donne,
par son union au divin, la légitimité au pharaon, c'est elle qui lui donne
sa double nature : divine et humaine. Hatshepsout et bien d'autres ont
recouru à ce prodige pour légitimer leur prise de pouvoir.
Les divines adoratrices d'Amon
Les bas-reliefs de Karnak et Louxor se référant au culte d'Amon, ont permis
de constater récemment que l'épouse royale, durant la XVIIIème dynastie,
exerçait une prêtrise en tant qu'épouse d'Amon sous le titre de "divine
adoratrice d'Amon" ou "main du dieu". Néfertari fut la première à exercer
cette fonction liturgique qui consistait à stimuler le dieu Amon par de la
musique, des danses sensuelles, des offrandes, des rites de purification et
d'envoûtement. En "réjouissant le coeur du dieu", en chassant les forces
mauvaises, l'épouse royale concourait à maintenir l'ordre universel. Ce
culte prit peu à peu de l'importance, l'épouse du dieu finit par avoir tout
un collège de prêtresses qui l'assistaient dans les cérémonies. A la fin du
Nouvel Empire, la Divine Adoratrice fut choisie parmi les filles du roi.
Mariée au seul dieu Amon, elle restait alors célibataire et choisissait sa
"fille" parmi les princesses royales.
Il est surprenant de constater que toutes les femmes qui marquèrent
l'histoire égyptienne ont été "épouse du dieu Amon" : Néfertari,
Néfertiti, Hatshepsout et Cléopâtre.
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La
reine Tiyi, épouse d'Amémophis III, mère d'Akhenaton (XVIIIème
dynastie).
Cette
reine, d'origine étrangère (sans doute nubienne) a occupé une place
importante dans l'histoire de l'Egypte. Elle est connue pour sa forte
personnalité et portait le titre
de reine de la Haute
et de la Basse Egypte mais il s'agit sans doute d'un titre honorifique
qui ne lui donnait aucun pouvoir
politique.
On la voit ici aux côtés de son époux dont il ne reste que le bras
gauche. Les attributs qu'elle porte témoignent de l'importance du rôle
des reines au Nouvel Empire. Elle est coiffée des deux hautes plumes à
connotation solaire posées sur un mortier. Une longue perruque encadre
ses épaules. La dépouille du vautour qui la recouvre symbolise la
maternité divine et prouve que Tiyi était la mère de l'héritier du trône
au moment de la réalisation de la statue. La tête du vautour est
encadrée par deux uraei, autre insigne des déesses génitrices. La reine
est vêtue d'une tunique à bretelles moulante qui met en valeur ses
hanches généreuses, symboles à nouveau de la fonction maternelle. La
taille fine, la poitrine haute et menue complètent le portrait de
l'idéal féminin égyptien. Les ailes du vautour enveloppent le corps de
la reine ce qui accentue son identification à la déesse mère. Le sceptre
foral tenu dans la main gauche renforce le caractère divin de l'épouse
royal. Cette représentation montre donc bien l'importance des reines,
leurs fonctions à la fois divines et terrestres.
Voir un autre portrait de Tiyi. |
Le mariage du pharaon
On devrait plutôt dire "les mariages" car on sait que la polygamie était
largement pratiquée par les pharaons. Une certaine hiérarchie permettait
cependant de s'y retrouver. La première épouse royale ou "Grande Epouse"
était la reine officielle, la mère du prince héritier. Théoriquement, elle
devait être unique mais dans la réalité il est arrivé que plusieurs femmes
se partagent ce titre en même temps ou que le titre passe d'une épouse à
l'autre. Ensuite venaient les épouses secondaires. Les nombreuses concubines
complétaient le harem du roi.
Un certain nombre de mariages avaient une portée diplomatique. La "stèle du
mariage" nous montre l'arrivée d'une princesse hittite accueillie par le
pharaon Ramsès II qui en fait sa nouvelle Grande Epouse royale, elle prendra
un nom égyptien, Maâtthornéférourê. Il était aussi assez fréquent que le roi
épouse sa sœur ou demi-soeur et même une ou plusieurs de ses filles
(Aménophis III, Akhénaton, Ramsès II). Il faut y voir dans ce cas une raison
religieuse : le roi imite le modèle du couple divin (Osiris ayant
épousé sa soeur Isis). Il renouvelle ainsi la création du monde et se
distingue aussi de ses sujets qui n'ont pas droit à ce type d'union.
On a parfois avancé que cette habitude des mariages consanguins aurait
abouti à la dégénérescence du sang royal. Certains ont interprété les
représentation d'Akhenaton et de sa famille (crânes allongés) comme étant
une maladie issue de ces pratiques. Aujourd'hui, rien ne permet d'affirmer
que le crâne d'Akhénaton était réellement déformé et que la fréquence des
mariages consanguins aurait eu une influence néfaste sur le plan dynastique.
On a aussi de multiples exemples où les pharaons
choisissent leurs épouses en dehors de la famille royale. Thoutmosis III
épousa deux roturières dont l'une pourrait être la fille de sa nourrice.
Aménophis III et Séthi Ier épousèrent des filles de militaire de haut rang.
D'autres pharaons épousèrent des princesses étrangères. Les archives
montrent que les filles des vassaux du pharaon étaient livrées à la cour
comme garantes de la loyauté de leur pays. Une des lettres d'Amarna demande
"Envoyez votre fille au pharaon, votre maître, et comme cadeau envoyez vingt
serviteurs, des chars d'argent et des chevaux vigoureux". D'autre vassaux,
pour se concilier les faveurs de pharaon, envoyaient comme tribut des femmes
de sang non royal : "J'ai donné vingt jeunes filles comme cadeau pour le
pharaon, mon maître" écrit Abdikhéba de Jérusalem. Cependant, une lettre du
roi de Babylone (Kadadashman Enlil) à Aménophis III, permet de s'interroger
sur le sort de ces reine "Vous voulez ma fille pour épouse alors que ma
soeur que mon père vous a donnée, est là-bas avec vous, bien qu'aujourd'hui
personne ne l'ait vue, ni ne sache si elle est en vie ou a disparu". Ces
correspondances montrent que la femme est ici une monnaie d'échanges, un
objet, un tribut et que son statut ne souffre aucune comparaison avec celui
de la Grande Epouse.
Le choix des épouses du pharaon n'obéit donc pas à une règle unique. En
général les souverains se mariaient très jeunes et ne choisissaient pas leur
épouse, bien des intrigues devaient se tramer à la cour pour s'allier par le
mariage à la famille régnante. Les considérations diplomatiques, politiques
et religieuses l'emportaient sans doute sur l'inclination amoureuse. Et l'on
est en droit de se demander si l'intimité amoureuse affichée par les couples
royaux est purement conventionnelle, un acte de propagande ou si elle
traduit des sentiments réels.
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Les
pharaons Akhenaton et Toutankhamon avec leurs épouses. Des scène
intimistes qui montrent l'amour conjugal.
Réalité ou propagande? Cliquez sur les photos pour en savoir plus. |
Le harem
Le roi était entouré d'un multitude de femmes. Lors du mariage d'Aménophis
III avec Giloukhepa, fille du roi de Mitanni, un scarabée commémoratif nous
apprend que la princesse était accompagnée du "premier choix du harem de
celle-ci, 317 femmes". Ramsès II eu au moins 49 fils! Toutes ces femmes
habitaient dans la partie privée du palais royal un espace qu'on
nomme, faute de mieux, "harem" (ipet nesout). Il s'agissait en fait d'une
institution qui avait ses revenus propres : terres, bétail... Tout un
personnel administratif (scribes royaux du harem, serviteur du harem,
directeur des femmes du pharaon...) était en charge de cette institution. Le
harem n'était pas un lieu de réclusion mais, une véritable petite ville où
tout le monde se côtoyait librement : reines, princesses, princes, dames de
la cour, enfants de l'aristocratie internationale et toute une armée de
serviteurs qui vivaient là avec leur famille. Dans ce cadre, se déroulait
une vie raffinée, l'éducation des princes et des princesses. La pratique de
la musique, de la danse, des langues étrangères occupaient une place de
choix.
Les complots pour la conquête du pouvoir se tramaient immanquablement au
sein du harem. On sait par exemple que dans la fin du règne de Ramsès III,
un complot de plus de trente personne s'était développé dans le harem. Il
s'agissait de faire couronner, à la mort du roi (qui approchait), un autre
que le prince héritier légitime. Le complot avait été organisé par une
épouse secondaire (la reine Tiyi) pour faire couronner son fils Pentaour.
Des personnalités importantes faisaient partie du complot, la plupart des
conjurés furent exécutés ou contraints de se donner la mort, y compris les
six épouses des gardes du harem, d'autres s'en tirèrent avec le nez et les
oreilles coupés.
Il y avait plusieurs harem, au moins un Thèbes et un à Memphis. Le roi, lors
de ses déplacements, était sans doute suivi d'un " harem de voyage".
Les princesses
royales
A l'instar de leurs mères, les filles de pharaon prennent une place
importante, elles participent à la continuité dynastique et jouent un rôle
religieux important. Jusque sous les Ramsès, l'art leur a réservé une place
éminente. On les connaît grâce à leurs statues et à leurs représentations
sur les temples. Elles sont facilement identifiables avec leur mèche sur le
côté, le reste du crâne étant rasé. Parfois, elles portent en plus une
perruque ronde. Prenant souvent place auprès de leur mère, elles
participent aux cérémonies religieuses en jouant de la musique sur les
instruments rituels : le sistre et la ménat.
Conclusion
Si la femme n'accède pour ainsi dire jamais à la fonction suprême de
pharaon, elle assume cependant des activités religieuses importantes, soit
dans le cadre du couple royal, soit seule à part entière comme prêtresses
d'Amon. Les princesses jouissent également d'un statut favorable, filles de
roi, elles sont pressenties pour devenir épouse et soeur de roi, puis mère
d'un futur pharaon.
La position privilégiée des femmes de la famille royale trouve sans doute
son origine dans les mythes où l'association mère-épouse-fille était conçue
comme un symbole de création perpétuelle
Quelques reines célèbres
Nitokris, la première femme pharaon? (fin de la VIème dynastie) :
Nitokris aurait été la première
femme pharaon après avoir succédé à son époux
Mérenrê II
assassiné. Cette reine aurait régné une dizaine d'années, pendant une époque
très troublée, juste avant la Première période intermédiaire. De nombreuses
légendes circulent à propos de la
"plus belle et plus
gracieuse des femmes", elle aurait :
- vengé son mari en noyant ses meurtriers après les avoir invités à un
magnifique banquet, elle se serait ensuite suicidée
- elle aurait achevé (ou même construit) la pyramide de Mykérinos.
Manéthon parle d'elle en termes particulièrement élogieux : « Il y eut une
femme Nitocris qui régna ; elle était plus courageuse que tous les hommes de
son temps, et c'était la plus belle de toutes les femmes ; elle avait le
physique d'une blonde aux joues roses » (cité par Christiane Desroches
Noblecourt dans La femme au temps des pharaons, éd. Stock 1986).
En savoir plus sur
les reines qui ont marqué l'histoire égyptienne (cliquez sur la photo)
NEFERTITI |
NEFERTARI |
HATSCHEPSOUT
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CLEOPATRE |
Les reines des Ptolémées
: cette dynastie se distingue par de nombreuses intrigues de palais, le
meurtre devenant souvent une manière de prendre le pouvoir.
Michael Pfrommer rapporte dans son livre "Reines du Nil", l'histoire de ces
femmes connues grâce au poète Poseidippos qui vécut à la Cour d'Alexandrie
au IIIème siècle av JC. On a retrouvé, il y a quelques années certains de
ses poèmes utilisés comme "cartonnage" dans une momie. Le poète y retrace la
vie des Ptolémée tout en s'intéressant plus particulièrement aux reines
qu'il décrit comme de véritables déesses. Reste à savoir si les portraits
tracés sont ressemblants.
Bérénice Ière (vers -322 à 285 av JC) : la femme des JO
- La première reine des Ptolémée
- Une aristocrate macédonienne
- Elle remporte une épreuve de chars aux eux Olympiques (théoriquement, les
femmes n'avaient pas le droit d'assister à ces Jeux).
Arsinoé II (vers 275 à
270 av JC) : un vrai roman policier
- Elle épouse toute jeune le roi de Thrace Lysimaque (un des généraux
successeurs d'ALexandre le Grand) et fait assassiner son fils pour préserver
l'avenir de ses futurs enfants
- A la mort de son époux (tué par Séleucos Ier), ses propres enfants sont
assassinés sous ses yeux par son demi frère Ptolémée Kéraunos qui la force à
l'épouser
- Elle se réfugie en Egypte auprès de son frère Ptolémée II
- Elle chasse Arsinoé Ière, l'épouse de son frère, pour se marier à son
propre frère
- Elle porte le titre de pharaon ainsi que ceux de nombreuses déesses :
Isis, Apohrodite, Artémis...
- Les Grecs la divinisent sous le nom de "Thea Philadelphos" (déesse
qui aime son frère).
Bérénice II (vers 285
à 222 av JC) : la première femme à battre monnaie
- Fille de Magas, roi de Cyrène, elle accède au pouvoir par un coup d'état
puis épouse Ptolémée III, roi d'Egypte.
- Elle consacre une boucle de ses cheveux à Aphrodite pour que son époux
revienne sauf d'une expédition militaire en Syrie. Ces cheveux ayant disparu
du temple, l'astronome Conon de Samos affirma qu'ils avaient été changés en
astre et donna à une constellation le nom de "chevelure de Bérénice".
- Devenue reine, elle fait battre sa propre monnaie d'or. Cette monnaie eut
cours pendant des siècles, et demeure mystérieuse avec les deux visages
différents qu'elle porte (s'agit-il de deux reines?).
- Elle est assassinée par sa fille
- Le royaume des Ptolémée connut son apogée sous cette reine.
Monnaie à l'effigie
d'Arsinoé II
Arsinoé III (vers 222
à 204 av JC) : la passion "familiale"
- Fille de Bérénice II et Ptolémée III
- A la mort de son père, elle fait assassiner sa mère Bérénice II pour
devenir reine
- Elle épouse son frère Ptolémée IV Philopator, tous deux règnent en tant
que "dieux qui aiment leur père" (décemment ils ne pouvaient pas ajouter "et
leur mère regrettée").
- A la mort de son époux, elle voulut prendre le pouvoir mais fut sans doute
assassinée par ses ministres (mais on dit que ce pourrait être aussi son
époux qui l'aurait fait assassiner, comme il avait déjà fait assassiner son
frère Magas et son oncle Lysimaque)
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