Le palais royal

LE PHARAON

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Le pouvoir politique du pharaon, l'administration du pays : les domaines réservés du pharaon - le vizir - le pouvoir local - les fondations - conclusion.
Le pharaon tenant son mandat de Dieu, cela justifie qu'il cumule tous les pouvoirs et que son autorité politique soit illimitée. De plus, le roi est le propriétaire exclusif de toute l'Egypte : de la terre, du sous-sol, des eaux, des hommes, des animaux. En contrepartie, il est responsable de la bonne marche du pays et du bien être de son peuple en redistribuant les richesses. Mais dans un pays aussi vaste et aussi étiré du nord au sud, le roi ne peut assumer toutes les fonctions politiques seul. Pour cela, il dispose d'une administration nombreuse à qui il délègue une grande partie de son pouvoir.
Quelle est donc la part effective du pharaon dans l'administration de son pays?
Le pharaon se réserve le pouvoir suprême, celui de décider, ce que nous appelons le pouvoir législatif. Il prend des décisions sous forme de décrets qui font force de loi.
On pense que les lois devaient être écrites, bien que jusqu'ici on n'en ait pas retrouvé de traces, car le roi doit prendre en compte et honorer les décisions, les coutumes antérieures. Pour prendre ses décisions, le pharaon est guidé par la volonté divine qui lui parvient par des signes, des prodiges, des rêves ou lors de consultations privées dans le secret du sanctuaire. Ainsi, la décision du pharaon est avant tout celle de dieu "je veux vous informer de ce qui a été ordonné de par moi. J'en ai pris connaissance auprès de mon père (dieu)" . Chaque fois que le pharaon agit dans l'exercice de sa fonction, il est animé par deux forces divines : "Sia" (le discernement) et "Hou" (la parole créatrice) censée faire arriver ce qu'il énonce. Toute parole prononcée pat le roi est donc la volonté divine qui devient un décret royal (rescrit). Dans la réalité, le roi dispose de nombreux conseillers qui l'aident à prendre les bonnes décisions.
Le pharaon conduit la politique extérieure. Au Nouvel-Empire, le roi dispose d'un ministère des Affaires étrangères ("le bureau des dépêches de pharaon"). Ce service mandate des envoyés qui administrent les fonctionnaires en poste à l'étranger et supervisent les relations du roi avec ses vassaux d'Asie et les souverains étrangers. Les tablettes d'argile retrouvées à Amarna nous ont livré une partie de la correspondance diplomatique entre Akhenaton et les souverains des royaumes du Proche-Orient (Voir ici).
Les possessions égyptiennes les plus importantes, comme la Nubie, sont dirigés par un vice-roi ("le fils royal de Kouch") doté de sa propre administration.
Le pharaon assume le pouvoir militaire. Le roi est le "général en chef des armées", il n'est pas rare qu'il conduise lui-même les armées au combat, si non, il délègue ce pouvoir aux officiers supérieurs.
Les autres domaines de la compétence directe du pharaon :
- La construction et de l'embellissement des temples. Le roi est le seul habilité à envoyer des expéditions à l'étranger pour acquérir les matières premières et les produits finis nécessaires aux constructions.
- La gestion des biens de la Couronne : le pharaon dispose à cet effet d'une administration spécifique, sous son autorité directe.

Dans tous les autres domaines, le pharaon délègue largement ses pouvoirs. Pour cela, il s'appuie principalement sur le chef de l'administration. Le nom originel de ce grand commis est "tjaty" en égyptien mais on le connaît surtout sous le nom de "vizir", terme ottoman utilisé par les premiers égyptologues.
Le vizir est une sorte de premier ministre responsable seulement devant le roi. En théorie, il se définit par celui "qui est la volonté du maître, les oreilles et les yeux du roi". Le poste de vizir fut sans doute créé à l'époque du pharaon Snéfrou  (IVème dynastie). A l'Ancien Empire, il est choisi dans la famille royale, ensuite il sera nommé en fonction de ses compétences ("savant entre les savants").
- "la volonté du maître" : le vizir est l'exécutif des décrets royaux, le pharaon décide et le vizir, à l'aide de son administration, fait appliquer les décisions royales.
- "les oreilles et les yeux du roi" : le vizir reçoit les informations de tout le pays et en fait état régulièrement au pharaon. Bien informé, le roi est donc en situation de prendre rapidement les décisions nécessaires. Mais on ne peut douter que le vizir, dans ce cadre, donne aussi son avis et conseille le roi pour prendre les bonnes décisions.
Le vizir ne se contente pas d'informer le pharaon et de faire exécuter ses décisions, il cumule toutes les fonctions administratives, fiscales, agricoles et même législatives. Les charges du vizir sont telles qu'il est bien difficile d'en faire un inventaire complet.
La tombe du vizir Rekhmirê (N° 100) rappelle les difficultés de la tâche du vizir et les qualités qu'il doit posséder. Le pharaon parle en s'adressant à Rekhmirê (XVIIIème dynastie) :  "Le vizirat, ce n’est certes pas quelque chose de plaisant. C’est amer comme le fiel : il est le cuivre qui protège l’or de la maison de son maître... (Le vizir) ce n’est pas quelqu’un qui favorise les hauts fonctionnaires ou les magistrats, ni même quelqu’un qui transforme tout le monde en partisan... tu devras voir par toi-même à ce que toute chose soit faite selon la lettre de la loi, à ce que toute chose soit faite en respectant l’exactitude, donnant à un homme son bon droit... tu parviens à remplir la fonction si tu exerces l’équité..."
Les principales attributions du vizir :
- responsable de l'application les décrets royaux (pouvoir exécutif)
- responsable des impôts (évaluation et collecte)
- responsable de la justice et de la sécurité (fonction de police)
- responsable de l'administration des ressources agricoles : attribution des terres et redistribution des vivres.
- responsable de la nomination des fonctionnaires
- responsable du trésor
- responsable des transports
- responsable des archives
- responsable de la surveillance des phénomènes naturels (en particulier de la crue du Nil)
- responsable de la surveillance du gouvernement provincial
- responsable de l'approvisionnement des temples pour les offrandes divines
- responsable de l'équipe des ouvriers de Deir el-Médineh pour la construction des tombes royales
Pour assumer toutes ces tâches le vizir dispose de services spéciaux comparables à des ministères :
- le ministère du "Trésor", qui en plus de la charge des finances, a pour mission la conservation des archives relatives à la propriété foncière des terres, à leur mutation et à leur production.
- le ministère des "ressources humaines" qui est chargé de mobiliser la population pour les grands travaux agricoles
- le ministère des "terres" chargé de l'organisation des grands travaux agricoles.
Au Nouvel Empire, ces deux derniers ministères se transforment en ministère "du Bétail" et ministère "du Grenier" (voir en bas de page, le papyrus du Grenier).
D'autres ministère existaient, mais ils dépendaient directement du roi.
Les services des ministères, pour fonctionner, emploient une foule de scribes qui exécutent les ordres de leurs supérieurs.
Voir la page sur le scribe

Le vizir Hor (XXIIème dynastie) est représenté ici dans une position peu commune, il n'a pas l'attitude habituelle des scribes assis en tailleur. Le crâne rasé, le visage joufflu, il a les traits délicats. Son pagne est maintenu par une large ceinture où sont gravés les hiéroglyphes qui permettent de l'identifier. Les inscriptions sur le socle contiennent une formule d'offrandes à Amon-Rê et rappellent sa nomination au rang de vizir par le pharaon tandis qu'il occupait les fonctions de responsable du trésor du domaine d'Amon.

Cette statue, comme plus de deux mille autres (de la XI° dynastie à la période ptolémaïque), a été retrouvée dans la "cachette de la cour" (fouilles de 1901 à 1905) devant le septième pylône du temple de Karnak. Les statues avaient été déposées dans le temple au fil des siècle. Finissant par encombrer le lieu, elles furent enterrées et cachées à cet endroit car elles ne devaient pas être détruites.

Musée du Caire : Basalte - H : 96 cm.

Toutefois, à côté de ce gouvernement centralisé, il existe un pouvoir local.
L'Egypte est divisé en deux grandes circonscriptions : la Haute-Egypte (capitale : Thèbes) et la Basse-Egypte (capitale : Memphis). A partir du Nouvel Empire, il y a deux vizirs, un pour chaque circonscription.
Chacune de ces deux grandes circonscriptions est divisée à son tour en provinces ("sépat" en Egyptien) que l'on appelle traditionnellement "nomes" (22 pour la Haute-Egypte, 20 pour la Basse-Egypte selon la tradition, mais la réalité a pu être différente selon les époques). Chaque nome est dirigé par un gouverneur (Haty-â) nommé par le vizir et siégeant dans la ville principale. La charge de gouverneur (nomarque) est parfois héréditaire et dans les périodes d'affaiblissement du pouvoir royal, certaines provinces furent gouvernées de manière quasi indépendante. Les autres villes sont gouvernées par des subordonnés des gouverneurs (les héqa-hout : chefs d'agglomération). Le gouverneur nomme aussi un "directeur des terres" qui s'occupe de l'exploitation des terres agricoles et de l'entretien du système d'irrigation. Tous ces responsables disposent de nombreux fonctionnaires (secrétaires, policiers) et certains se voient adjoindre des représentants du vizir ("ouhémou" : rapporteurs) qui ont pour fonction de fournir les copies des actes notariaux des mutations de propriété puis de transmettre les originaux aux archives du gouvernement central. L'ensemble des différents responsables de la province forme le conseil de gouvernement de la province, il est chargé de rendre compte de l'administration de la province au vizir tous les quatre mois.
Si le vizir a donc un droit de regard non négligeable sur le gouvernement des provinces, il y a cependant des zones géographiques qui se gouvernent de façon totalement autonome et échappent à l'administration centrale.
Ainsi, les "fondations" sont des entités juridiques constituées par la volonté d'un fondateur. Ces institutions sont dotées d'une identité collective et d'une administration propre pour assumer des missions perpétuelles : entretien du culte d'une divinité ou d'un défunt, d'une certaine catégorie de personnes ou d'un service collectif. Le fondateur était en général le roi lui-même qui déléguait ainsi sa mission de rendre le culte aux divinités à une fondation. Mais les notables les plus riches pouvaient réserver de leur vivant, parmi leurs biens, les revenus nécessaires à la célébration, après leur mort, de leur culte funéraire. Certaines des fondations royales cultuelles acquirent ainsi des domaines immenses pour satisfaire le culte d'un dieu important. Au Nouvel Empire, le domaine d'Amon de Karnak en vint à posséder une grande partie des terres agricoles du pays. Les hommes qui vivaient dans les fondations dépendaient directement d'elle et non plus du pharaon. Ainsi le pharaon, à travers les fondations, se déchargeait en même temps de deux missions qui lui incombaient : rendre le culte aux dieux et assurer la subsistance de son peuple. Mais de ce fait, il diminuait son pouvoir et la puissance de certaines fondations, en formant un Etat dans l'Etat, pouvaient le menacer. C'est sans doute ainsi qu'il faille interpréter la réforme d'Aménophis IV qui abattit pour un temps la puissance du clergé d'Amon à Thèbes.
Nous venons donc de constater que le pharaon délègue une grande partie de son pouvoir d'administrer son pays, soit par le biais de son administration dirigée par le vizir, soit en s'appuyant sur les gouverneurs des provinces, soit en concédant des fondations qui s'administrent elles-mêmes de manière complètement autonomes.

Cette stèle rappelle la donation de terrain effectuée par le pharaon Thoutmosis III au profit du dieu taureau Mnévis. Soixante lopins de terre destinées aux pâturages des troupeaux de Mnévis sont confiés à la gestion du surintendant du Trésor Bénermérout. Une inscription sur la stèle montre la liaison étroite entre le taureau et le dieu solaire d'Héliopolis : "messager de Rê et vrai compagnon de route d'Atoum". Mnésis serait donc une manifestation du soleil, à son coucher.

Le pharaon, par cette donation, délègue ainsi son pouvoir religieux.

Musée du Caire - calcaire - H : 42 cm - l : 29.5 cm - An 45 ou 47 du règne de Thoutmosis III (XVIIIème dynastie) - Provenance : Héliopolis?

En conclusion, on s'aperçoit que si la monarchie égyptienne est absolue et qu'il n'y a pas séparation des pouvoirs, dans la réalité le pharaon délègue beaucoup : à lui le pouvoir de décision, les affaires extérieures et l'armée, au (x) vizir (s) les affaires intérieures, aux gouverneurs l'administration locale (décentralisation du pouvoir), aux fondations la charge des cultes. Cette répartition et division des tâches n'est pas sans rappeler la gestion de nos Etats modernes. Sans un système de gouvernement efficace, l'Egypte n'aurait pas perduré pendant trois mille ans. Cette organisation performante de l'exercice du pouvoir aurait pu aboutir à un régime dictatorial. Il n'en est rien car le roi n'est pas libre de faire ce qu'il veut, il tient son pouvoir par délégation divine et son contrat est de respecter la Maât (principe de vérité et de justice). Il en est de même du vizir qui doit recevoir toute plainte, qu'elle vienne d'un puissant ou d'un faible. La justice est expéditive, les interrogatoires se déroulent à coups de trique mais les condamnés à mort sont rarement exécutés. Certes, la Maât n'a pas été toujours respectée et les exemples de corruption sont nombreux.
Voir un schéma de l'administration hiérarchisée et de type pyramidal sous le règne de Toutankhamon.

Il est bien évident aussi que l'administration, fer de lance du pouvoir du pharaon, s'appuie sur l'écriture, sans les scribes, le système n'était pas viable. Tout était noté et archivé : registres cadastraux et fiscaux, comptabilité des entrepôts, liste des personnels, fiches de paie, minutes de procès, plaintes, calendriers des travaux, rapports divers...


Papyrus de la XVIIIème dynastie - Musée du Louvre - H : 17 cm - L : 445 cm - Provenance inconnue.

Extrait d'un papyrus comptable : ce papyrus du Grenier central est constitué de deux morceaux appartenant au même rouleau . Il est écrit (encres noire et rouge) sur les deux faces en cursive hiératique. Un texte rapporte des livraisons de grain, l'autre concerne un échange de dattes contre du blé. Le recto se rapporte aux comptes de l'équipe du scribe Hapou, le verso à ceux de l'équipe du scribe Maï. Pendant sept ans (de l'an 28 à l'an 35 du règne de Thoutmosis III) les opérations des deux équipes ont été consignées sur ce papyrus. Les deux équipes avaient pour mission de collecter les céréales dans les institutions d'Etat, les domaines des temples ou des particuliers. Le grain était ou redistribué ou échangé contre des dattes qui constituaient une part du salaire, en nature, des employés du Grenier dirigé par le vizir. Les comptes sont disposés par page et en lignes horizontales (les chiffres sont portés dans la marge de gauche). Le document est lui-même agencé selon un classement comptable et un souci pratique de consultation.
Le papyrus étant coûteux, les scribes prenaient souvent leurs notes sur des éclats de calcaire (les ostraca) avant de les recopier sur des papyrus (Voir ici).

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Sommaire de la partie "Généralités"

- Les premiers pharaons
- La mission du pharaon d'après les premières palettes à fards
-
Le pharaon est un Horus
-
Les origines de la royauté (La transmission du pouvoir - Le pharaon : homme ou dieu? - Les conditions qui ont favorisé l'apparition de la monarchie).
-
Le pouvoir religieux du pharaon (la Maât) - Le roi prêtre (le rituel)
- Les emblèmes du pouvoir royal (I) : les couronnes - l'uræus - le vautour
- Les emblèmes du pouvoir royal (II) : les Sceptres et la croix ânkh
- Les emblèmes du pouvoir royal (III) : la barbe postiche
- Les emblèmes du pouvoir royal (IV) : le pagne, les sandales, la queue de taureau
- Le pharaon et les symboles animaliers

- La titulature du pharaon (2 pages)
- Le palais royal (2 pages)
- Le pharaon et l'administration (le pouvoir politique du pharaon - le vizir - le pouvoir local - les fondations)
- Le thème du pharaon victorieux (le pouvoir militaire - 3 pages)
- La mort du pharaon

- Les femmes pharaon (Le rôle des reines dans la vie politique et religieuse)


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