|
LE PHARAON |
Généralités
- Page 2/20 |
|
La mission du pharaon d'après les
premières palettes à fards |
La palette à fards du roi Narmer |
|
Schiste - H : 64 cm - Provenance : Nekhen, ancienne capitale de la Haute
Egypte (Hiéraconpolis aujourd'hui) - vers 3100 av JC - Musée du Caire -
Trouvée en 1898 par l'archéologue anglais James Quibell. |
La palette de Narmer est
un document exceptionnel, elle nous montre le triomphe du pharaon sur ses
ennemis, une scène qui sera constamment reprise par l'autorité royale. On a
longtemps interprété les scènes représentées sur la palette comme l'annexion
de la Basse-Egypte par le roi de Hiéraconpolis, Narmer, c'est-à-dire
l'unification des deux Terres (Basse et Haute-Egypte). Mais il est possible
aussi que la réunion des Deux Terres était déjà effectuée avant Narmer et
qu'il s'agit seulement pour ce roi de réprimer une révolte de Ouash, une
localité du Delta.
La face principale est divisée en quatre registres. Sur le deuxième registre
à partir du haut, on voit le pharaon, portant la queue de taureau ; il
passe en revue une double rangée
de prisonniers entravés à terre et décapités. Il est suivi par un dignitaire
portant ses sandales (celles du pharaon) et est précédé d'un notable et de quatre autres petits
personnages portant une enseigne. Ces porte-enseigne brandissent les
emblèmes des premières unités territoriales (chacune étant représentée par
un animal). Le pharaon est coiffé de la couronne rouge de Basse-Egypte, il
tient dans les mains la massue du guerrier et le sceptre royal, il incarne
ainsi le souverain abattant ceux qui se rebellent contre son autorité. Les
deux registres du bas reprennent le même thème sous une forme différente :
en bas, le taureau (le pharaon) renverse la forteresse des ennemis ; au
milieu, les félins (ennemis) aux longs cous entrecroisés sont domptés par
deux personnages qui les étranglent avec des cordes. On peut aussi
interpréter les deux félins comme les lions, symboles des deux horizons
(oriental et occidental) entre lesquels se tient le soleil. Dans ce cas, les
deux personnages avec des cordes seraient deux divinités du bout du monde
conduisant le soleil d'est en ouest. On a aussi interprété les deux animaux
mythologiques comme le symbole de la réconciliation de la Haute et
Basse-Egypte.
L'entrecroisement des cous des animaux, au centre de la palette, délimite un espace rond
destiné à broyer la malachite : minéral donnant une couleur verte utilisée
pour le fard des yeux.
Au registre supérieur, deux têtes de vaches à cornes recourbées représentent
l'enseigne de Bat, une divinité qui sera rapidement assimilée à Hathor.
Entre les deux têtes, le nom du pharaon en hiéroglyphes est enclos dans la
représentation de la façade du palais (le
serekh), comme de règle par la
suite : le poisson "nar" et le ciseau "mer" = Narmer. On retrouve le nom du
roi au-dessus de sa représentation, son valet porte-sandales a le titre de
"serviteur du dieu". |
|
Le verso de la palette montre cette fois-ci le pharaon coiffé de la couronne
blanche de Haute-Egypte, il tient son ennemi par les cheveux et s'apprête à
le frapper de sa massue. Il foule également de ses pieds deux ennemis.
Derrière lui, un serviteur porte ses sandales. Au-dessus de l'ennemi à
genoux, un faucon (Horus?) extrait des papyrus de la tête d'un autre ennemi
au corps rectangulaire. Cette scène pourrait représenter la victoire du sud
(le faucon) contre le nord (les papyrus). Mais certains (Isabelle Franco)
font remarquer que l'ennemi porte une barbe et n'est donc pas un Egyptien et
que la palette célèbre la défaite des bédouins de l'ouest du delta, les "Tie
Henou" qui partiront ensuite dans le désert. On retrouve au registre
supérieur les mêmes représentations que sur la face du recto.
L'importance de ce document :
La palette est le document le plus ancien connu qui montre l'écriture
hiéroglyphique, elle présente les caractéristiques essentielles de l'art
égyptien :
- la surface est divisée en registres (l'espace est organisé)
- le roi est représenté plus grand que les autres personnages : ses
serviteurs ou ses ennemis (importance du pharaon dans une société
hiérarchisée)
- le roi massacre ses ennemis, scène qui sera reprise jusqu'à la fin ce
cette civilisation (pouvoir militaire)
- le roi est représenté avec ses attributs habituels : le pagne court, les
deux couronnes qui marquent l'unification du pays (pouvoir politique), la
barbe postiche et la queue de taureau.
- les acteurs sont nommés en écriture hiéroglyphique (civilisation de
l'écrit)
- le roi est associé à deux dieux primordiaux : la déesse vache Hathor et le
dieu faucon Horus (le pharaon est un Horus).
- les convention picturales pour les représentations humaines sont déjà
arrêtées : tête de profil et corps de face.
- le nom du pharaon est déjà inscrit dans un
serekh.
- Présence du papyrus, plante hautement symbolique de l'Egypte.
La palette de Narmer nous
donne donc déjà l'essentiel des pouvoirs du pharaon : pouvoirs
militaires,
religieux et politiques.
|
Palette au taureau -
Musée du Louvre. |
Palette aux hyènes -
Musée du Louvre. |
Ces deux
autres palettes à fards datent sensiblement de la même époque que celle de
Narmer. La palette au taureau (fragmentaire) reprend une scène de la palette de Narmer : le
pharaon, sous l'aspect d'un puissant taureau, piétine un ennemi à
terre, allongé sur le ventre. L'ennemi est représenté comme il le sera
toujours : barbu et chevelu, de type asiatique. En dessous, cinq enseignes de sa suite participent à la lutte en
ramenant des prisonniers attachés à une corde.
|
L'autre face de la palette montre la même scène du taureau et deux
enceintes crénelées avec le lion (le roi) à l'intérieur : le pharaon se
protège (et protège son peuple) des ennemis en construisant des cités
fortifiées. Le roi est donc ici dans son rôle de protecteur. |
Sur la palette aux
hyènes, le godet central est encadré d'animaux : hyènes,
lion, ibis, monstre imaginaire. Les quatre hyènes représentent les piliers
des quatre coins du monde. Ce genre de palette d'apparat était offert aux
temples, sans doute par le roi lui-même pour servir de culte aux dieux. Les
yeux des dieux étaient fardés pour en augmenter l'acuité visuelle et le
rayonnement. Le fard était sensé ainsi renforcer le soleil. Le pharaon
apparaît ici dans une de ses fonctions essentielles : maintenir, par des
rites, l'ordre cosmique, c'est-à-dire le retour régulier de l'astre du jour. Dans ce
contexte, les animaux représentés sur la palette montrent la lutte des
puissances animales contre les ennemis du soleil. Le godet central reçoit à
la fois le fard qui va contribuer à renforcer le soleil et par sa forme
symbolise le soleil lui-même. |
|
|
La
palette aux vautours, montre deux faces totalement différentes. Sur une
face, une violence extrême avec le lion (le pharaon) qui dévore un ennemi
nu, renversé et désarticulé. En dessous, d'autre ennemis chevelus et barbus
(asiatiques)
sont dévorés par des oiseaux (vautours).
Sur l'autre face : une image de quiétude et d'ordre donnée
par deux girafes affrontées de part et d'autre d'un palmier.
D'un côté, le désordre, la confusion, la violence du champ de bataille, de
l'autre côté, la symétrie, la paix du monde organisé.
British Museum (recto) - Ashmolean Museum d’Oxford (verso)
|
Nous
constatons donc que des palettes de la première dynastie où figurent les
premières effigies royales se dégage l'image d'un personnage hors du commun
cumulant à la fois les pouvoirs temporels et religieux. Au niveau temporel,
le roi est le taureau ou le lion, le chef de guerre où sa valeur s'exprime
dans sa force combattante. Au niveau religieux, le pharaon maintient l'ordre
du monde (la Maât) en combattant les ennemis du soleil et en rendant le
culte aux dieux qui permettent chaque jour la régénération du soleil
dans un univers instable. L'essentiel des pouvoirs du pharaon et ses
principaux attributs sont déjà en place vers 3000 ans av JC. |
|