LE PHARAON

AKHENATON (Aménophis IV)   Page 1/17

AKHENATON : une tentative de monothéisme?
Aton, est un dieu ancien, il est déjà cité dans les Textes des Pyramides 1000 ans avant Akhenaton. Il est alors la représentation du Soleil en mouvement sous la forme du disque solaire. Son origine se réfère à la théologie héliopolitaine, prenant comme modèle le dieu faucon Rê-Horakhty.


Aménophis III
Musée du Louvre

C'est Amenhotep III (nom grec : Aménophis III ) qui commence à donner de l'importance au dieu Aton : avec lui, il devient le Soleil universel, visible partout et par tous. Le dieu est alors de plus en plus associé au pouvoir royal  : Aton et le pharaon ne font plus qu'un.
Quand Aménophis III meurt (vers 1358 av JC) après plus de 38 ans de règne, c'est son fils qui lui succède logiquement* avec l'appui de la reine mère Tiyi, il prend alors le nom d'Aménophis IV (Amenhotep qui signifie "Amon est satisfait"), son
prénom de couronnement est Néferkhéperourê.
Il a déjà épousé Néfertiti* *(nom qui signifie "la belle est venue") et est sans doute très jeune (vingt ans ?).

*
Il y aurait pu y avoir au préalable une corégence du père et du fils (cette possibilité semble cependant peu probable, peut-être seulement une phase de transition "sur le papier" pour assurer la légitimité de la succession).
** Mais ce n'est pas une certitude, certains pensent que le mariage aurait eu lieu seulement en l'an 3 ou 4 du règne car on n'a pas retrouvé de trace de Néfertiti
aux côtés d'Aménophis IV avant cette date.
Dans les deux premières années de son règne, rien ne change, le roi continue à vivre au palais de Malqatta (Thèbes-ouest) et à honorer Amon.
Dans la deuxième année, Aménophis IV commence à faire construire à Karnak (à l'est du temple d'Amon) quatre édifices dédiés au dieu Aton et son nouveau palais dans lequel il va bientôt résider. La révolution commence dans l'architecture de ces temples et dans leur décoration. Le temple est maintenant un espace ouvert pour laisser pénétrer la lumière sur les autels couverts d'offrandes, la statue du dieu dans le naos disparaît. Ainsi, le clergé qui desservait le  dieu, n'a plus d'utilité, désormais c'est le pharaon lui-même qui fait office de grand-prêtre.
Quant à la décoration figurative de ces temples, la révolution n'est pas moindre, le réalisme tend vers l'expressionnisme  : les personnages de la famille royale sont représentés le crâne allongé (on n'hésite pas à représenter les défauts et même à les accentuer), les lèvres charnues, les yeux en amande, la tête rejetée en arrière, le visage mince, le menton effilé, les joues creuses, les bras grêles, le torse maigre, le ventre proéminent. Le roi lui-même est souvent figuré avec des hanches larges, féminines, ce qui le fait ressembler à un être androgyne. En se faisant apparaître de la sorte, le roi veut montrer qu'il est comme le dieu primordial : la fusion du père et de la mère de l'Egypte, l'émanation non sexuée du dieu Aton dont il est l'unique représentation. Il veut aussi montrer que l'épouse royale aura presque autant d'importance que le roi dans la religion. On pense d'ailleurs que l'un des temples, le Houtbenben, aurait pu être personnellement réservé à Néfertiti qui en aurait été l'officiant unique.


Musée du Caire - grès -
H : 205 cm

L'un des temples élevé à Karnak par Aménophis IV au début de son règne est appelé  Gem-pa-Aton. Ce temple dédié à Aton comportait une cour péristyle formé de 28 piliers contre lesquels s'adossaient des colosses représentant le roi. Il est encore ici dans l'attitude osirienne (némès surmonté du pschent, sceptres) mais on y trouve déjà les caractéristiques des portraits d'Akhénaton : yeux en amande, nez long et fin, lèvres charnues, visage émacié, menton proéminent, longues oreilles aux lobes percés, bras grêles sur lesquels apparaît le nom d'Aton. Plusieurs statues de ce temple demeurent, l'une d'entre elles représente le roi nu et asexué. Pour certains le pharaon souhaitait se présenter ainsi comme "le père et la mère de son peuple". Pour d'autres, il s'agirait d'une statue inachevée, pour Christiane Desroches Noblecourt, le roi vêtu avec le pagne symboliserait le roi vivant et l'autre, nu et asexué, le roi mort, incapable de procréer.
Voir d'autres statues de ce temple et en savoir plus.


Musée de Berlin
bois
H : 25,5 cm

Cette statuette du roi Akhénaton rompt avec l'art traditionnel : les proportions physiques ne sont plus équilibrées. Les jambes sont trop courtes, le thorax chétif, la tête grossie. Les positions des pieds (équilibre instable) et des bras soulignent le caractère instantané d'une étude de mouvement. Le pagne remonté très haut dans le dos montre un ventre proéminent et des hanches féminines.

 

 


 

La rupture définitive avec la religion traditionnelle se situe à la quatrième année du règne quand Aménophis IV décide de transférer la capitale du royaume dans un nouvel espace désertique, à mi distance de Thèbes (capitale religieuse) et Memphis (capitale administrative) : Tell el Amarna nommée alors Akhet-Aton (l'Horizon du Disque). Il s'agit ici d'une décision unique dans l'histoire de l'Egypte. On ne connaît pas les raisons précises qui ont poussé le roi à abandonner la capitale, il a pu se sentir physiquement menacé par le clergé de Karnak, le choix d'un site défensif pour la nouvelle capitale tendrait à le prouver. C'est aussi un endroit sans divinité locale importante ce qui laissera toute la place au dieu unique Aton. Grâce à un procédé de construction nouveau (les talatates) déjà utilisé pour la construction des quatre temples à Karnak***  la nouvelle capitale est achevée en quatre ans.
Voir la page sur la ville d'Akhetaton
Voir la page sur les talates.
***
Leur construction est abandonnée à partir de la décision de changer de capitale.

Aménophis IV change alors son nom en Akhenaton ("celui qui est utile à Aton") et son épouse Néfertiti, qui apparaît maintenant dans la vie publique, s'appelle désormais Neferneferouinten-Nefertiti (Parfaites sont les perfections d'Aton-La belle est venue"). La quatrième année du règne est aussi celle de la fête Sed, c'est-à-dire un jubilé qui a lieu habituellement après 30 ans de règne. On ne sait pas réellement les raisons de cette fête, est-ce le jubilé que le roi défunt Aménophis III n'avait pas eu le temps de fêter ou est-ce un jubilé pour établir la nouvelle religion d'Aton et le nouveau pouvoir?
L'année 4 du règne constitue donc un véritable tournant, à partir de ce moment, le roi va imposer sa nouvelle vision de la religion fondée sur un dieu unique : ATON.
En fait, Aton n'est qu'une abréviation du nom officiel du dieu qui est : "Rê Horakthy qui se réjouit dans l'horizon en son nom de Shou qui réside dans le disque". On constate, qu'Aton réunit trois dieux classiques à connotation solaire : Rê, Horus, Shou. Par la suite, les références à Horus et à Shou disparaîtront, il ne restera que Rê.

Le nom du dieu est désormais inséré dans un cartouche (à partir de la 5ème année du règne) ; auparavant cet espace était uniquement utilisé pour les noms des pharaons. Tout cela montre qu'il y a un parallèle très net entre le dieu Aton et le roi : Aton gouverne le ciel comme Akhenaton gouverne la terre. Le roi tient son pouvoir d'Aton, il en est une émanation, c'est la mise en place d'une véritable théocratie. C'est sans doute à partir de la sixième année du règne que commence le martelage du nom d'Amon dans toute l'Egypte.

Ci-contre, le double cartouche du dieu Aton - Musée de Louxor - Provenance : Karnak.

La représentation du dieu Aton accentue encore l'aspect monothéiste de la religion mise en place. A l'origine, Aton était figuré sous la forme d'un être humain à tête de faucon portant le disque solaire avec un serpent uræus. Maintenant, il prend tout simplement l'aspect d'un disque solaire d'où émanent des rayons solaires bienfaiteurs terminés par une main tenant le signe de vie (la croix ankh). Mais ces rayons vivifiants ne sont dispensés qu'au couple royal, lequel est le seul intermédiaire, médium, entre le dieu et les hommes.
Stèle de la famille royale provenant d'un autel domestique. Deux volets de bois se refermaient sur sur la scène. Calcaire polychrome : 44 cm x 39 cm. Provenance : Tell el-Amarna - Musée du Caire.
Cette scène de "sainte famille" remplace les statues des dieux dans les lieux domestiques, c'est une image de propagande religieuse et politique. Aton, Akhenaton, Néfertiti forment une nouvelle triade.
Description de la scène ci-dessus : la famille royale : Akhenaton, Néfertiti leurs trois filles aînées reçoivent les bienfaits des rayons du disque solaire figuré sous une bande qui représente traditionnellement le ciel. Le disque solaire projette ses rayons dans toutes les directions mais principalement vers le couple royal car les mains qui sont près des narines des souverains tiennent en plus le signe de vie ankh. Ainsi, le couple royal, vivifié par le souffle divin qu'il respire, pourra transmettre lui-même la vie. La preuve de cette fertilité est affirmée par la présence des trois princesses. Il est à remarquer que la vie charnelle se transmet par l'intermédiaire du pharaon et non directement par le soleil. La chaîne ininterrompue de la création est assurée par le lien continu de tous les personnages qui se touchent avec leurs mains.
La représentation de ce genre de scène intimiste est une innovation d'Akhenaton. Elle est traduite ici dans le style amarnien le plus réaliste : cou allongé, bras grêles, ventre proéminent. Le souverain, à gauche, est assis nonchalamment sur un tabouret garni d'un épais coussin sur lequel il s'appuie d'une main. De l'autre main, il distribue des bijoux, disposés sur ses genoux, à ses filles, témoignage spécial d'estime. La fille aînée, Merytaton, représentée nue, la tête ornée d'une grosse tresse de cheveux, caractéristique des princesses, reçoit une boucle d'oreilles. La princesse debout sur les genoux de sa mère est Maketaton, elle tient le menton de sa mère en signe d'affection et exhibe la seconde boucle d'oreilles à sa soeur Ankhsenpaton qui joue avec le bijou, assise sur les genoux de sa mère. Maketaton devait mourir prématurément quelques années plus tard, Ankhsenpaton épousera Toutankhamon. Les traits des fillettes sont, comme ceux de leur père et de leur mère volontairement outrés, leurs crânes sont allongés dans le style amarnien. Néfertiti, le visage enlaidi, est cependant habillée à la mode : elle porte une longue tunique plissée, à  petit corsage noué sous les seins, et retenue par une élégante ceinture rouge dont un pan retombe sur le côté. Ses épaules sont recouvertes, comme celles du roi, d'un gorgerin imposant. Néfertiti a posé sur sa tête sa coiffe originale et célèbre. Akhenaton porte sa coiffure de prédilection : un casque de peau qui prend une hauteur démesurée à cette époque.
Reconstitution de l'autel domestique avec la stèle et ses panneaux en bois qui se refermaient et laissaient alors apparaître les portraits des maîtres de la maison. Autel domestique du culte royal à Amarna sous la forme du pylône des temples (ici la partie droite n'est pas représentée).
Cliquez pour agrandir.
Les prêtres ne participent plus directement au culte, c'est maintenant le roi et la reine qui rendent chaque matin le culte au soleil levant.

Les rayons solaires d'Aton, terminés par des mains tenant le signe de vie, dispensent leur force vitale au couple royal. Akhenaton et la reine Néfertiti, en retour, portent des offrandes au dieu unique. Derrière, une princesse agite un sistre. On remarque que les traits de Néfertiti sont calqués sur ceux de son époux pour bien montrer qu'ils sont issus du même père divin.
Musée du Caire - H : 104 cm (provient du temple d'Aton à Amarna).

Les prêtres n'ont plus qu'un rôle administratif, ils gèrent matériellement le domaine d'Aton, ils ne se prosternent plus devant les dieux, mais devant le couple royal. Dans la mesure où le clergé était exclu du système religieux, on comprend pourquoi il s'est opposé vigoureusement à la révolution amarnienne.

Akhenaton offre des fleurs de lotus au disque solaire.

Musée de Louxor.

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Le sens de l'offrande a aussi complètement changé, il ne s'agit plus de nourrir les dieux pour qu'ils maintiennent, en échange, l'équilibre du monde ; l'offrande est maintenant une action de grâce, une reconnaissance de la bonté du dieu unique dont on n'attend rien en retour.
La conception du temple a également changé, le temple est maintenant à ciel ouvert afin que le soleil vivifie les centaines d'autels couverts d'offrandes animales et végétales. Quand le couple royal quitte son palais pour se rendre au temple sur un char escorté de militaires, la procession symbolise la course du soleil dans le ciel. Ces processions remplacent les sorties des anciens dieux devant la foule mais il n'y a plus d'oracles, Aton est un dieu silencieux, seul son fils, Akhenaton, est habilité à communiquer avec lui. De même, la magie, si présente dans la religion traditionnelle, a complètement disparu. Les statues elles-mêmes sont devenues inutiles, pour Akhenaton, ce ne sont pas des dieux mais de vulgaires idoles en pierre. Nul besoin de statues puisque le dieu, le disque solaire, est visible en vrai par tous. Les seules effigies autorisées sont celles du disque solaire et du couple royal, statues vivantes. Désormais, les particuliers, ne pouvant plus s'adresser directement aux dieux, vénèrent les icônes du couple royal divinisé et tout puissant. Amon, le dieu rival
de Thèbes devait donc disparaître, entre les années 8 et 12 du règne tout sera fait pour effacer sa trace (voir plus loin)
Akhenaton, du mystère à la lumière

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