La mort de
Cléopâtre racontée par Plutarque
Cléopâtre
couronna le tombeau de
fleurs et l'embrassa. Puis, à son retour, elle voulut prendre un bain, après
quoi elle se coucha à table où on lui servit un repas magnifique. Un paysan
vint alors apporter un panier. Les gardes préposés à la fouille trouvèrent,
en écartant les feuilles, que ce dernier était plein de figues dont ils
admirèrent la taille et la fraîcheur. L'homme les invita alors à se servir,
ce qui les mit en confiance, et ils le laissèrent entrer sans plus y
toucher. «Après le dîner, Cléopâtre cacheta une tablette contenant une
lettre pour César
[Césarion]
et la lui fit parvenir.
Puis, elle congédia tout le monde, excepté ses deux femmes de chambre, et
s'enferma dans son appartement. Quand César eut décacheté la tablette, il
comprit tout de suite la situation par les vives prières que Cléopâtre lui
adressait au sujet de son enterrement auprès d'Antoine. Il voulut d'un
premier mouvement voler lui-même à son secours, mais il se contenta
d'envoyer ses gens. « La mort de Cléopâtre fut rapide, car les émissaires de
César, accourus au plus vite, trouvèrent les gardes à leur poste qui n
'avaient eu vent de rien. Ils forcèrent alors les portes et découvrirent
Cléopâtre sans vie, couchée sur un lit d'or et vêtue de ses atours royaux.
De ses deux servantes, l'une, nommée Iras, agonisait à ses pieds ; l'autre,
qui s'appelait Charmion, déjà accablée par l'approche de la mort et pouvant
à peine se soutenir, lui arrangeait encore le diadème sur le front. L'un des
gens de César l'ayant interpellée en ces termes :
"Voilà qui
est beau Charmion ! " ,
elle répondit : "
Oui très
beau en effet, et digne d'une reine issue de tant de rois ! "
Après quoi, elle tomba morte au
pied du Ut. »
(Plutarque, Vie
d'Antoine,
77-85, dans
M. Chauveau, Cléopâtre
au-delà du mythe,
Liana Levi,
1998, pp. 140-141.)
José Maria de
Heredia parle d'Antoine et
de Cléopâtre :
"Tous deux ils regardaient, de la haute terrasse,
L'Egypte s'endormir sous un ciel étouffant
Et le Fleuve, à travers le Delta noir qu'il fend,
Vers Bubaste ou Sais rouler son onde grasse.
Et le Romain sentait sous la lourde cuirasse,
Soldat captif berçant le sommeil d'un enfant,
Ployer et défaillir sur son coeur triomphant
Le corps voluptueux que son étreinte embrasse.
Tournant sa tête pâle entre ses cheveux bruns
Vers celui qu'enivraient d'invincibles parfums,
Elle tendit sa bouche et ses prunelles claires ;
Et sur elle courbé, l'ardent Imperator
Vit dans ses larges yeux étoilés de points d'or
Toute une mer immense où fuyaient des galères." |