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Le Nil, un dieu?
LE NIL |
LE NIL, UN DIEU? |
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L'origine du mot Nil
Le Nil
(El Bahr - le fleuve - en arabe)
avec ses 6 671 km est l'un des plus longs fleuves du monde, il
draine un bassin
de plus de 3 000 000 de km2
(soit 10% de la superficie de l'Afrique ou 5 fois la surface de la France).
Son débit est d'environ 3 millions de litres par seconde en moyenne. Son point le plus
large se situe à Edfou (7.5 km) et le plus petit à la gorge de Silwa, près
d'Assouan (350 m).
Les anciens Egyptiens nommaient le Nil "iterou" (passé à la prononciation "éior"),
mot qui s'appliquait à toute rivière permanente. La désignation des bras du
delta "Na-éiore" est sans doute à l'origine du mot grec "Neilos" (Nilus en
latin).
Le Nil a souvent été comparé à un lotus, la lourde fleur symbolisant le
delta, la tige fine et longue représentant la vallée du Nil avec son
bourgeon, le Fayoum.
La
place du fleuve dans la religion
Pour les Egyptiens, le Nil est la vie, il prend
naissance dans "la Terre du Dieu". Le fleuve
venant du Sud, l'Ethiopie (le pays de
Pount)
est considérée comme la terre mythique du Dieu d'où proviennent toutes les
richesses et en premier lieu la crue. Le Nil et sa crue sont donc considérés
comme une manifestation divine, mais le fleuve n'est pas vraiment une
divinité à part entière car il ne possède pas de temple où on lui rend un
culte.
Cependant, vers la Vème dynastie (2500
ans av JC environ), apparaît Hâpy un personnage qui incarne le Nil et plus
spécialement l'inondation annuelle. Il est représenté comme un homme avec
une poitrine féminine pendante (premier androgyne?) et un ventre bedonnant, symboles de fécondité. Sur sa tête se
dressent des papyrus. Ses chairs sont vertes ou bleues pour évoquer la
couleur de l'eau du Nil. Le dieu habite dans deux endroits cachés : dans une grotte
à Bigeh dans la région
d'Eléphantine, sous la première cataracte (il alimente d'ici la Haute
Egypte), dans une caverne à Khérara près de Memphis (de là, il alimente le Delta). Tous les ans, à date fixe (le 18 juillet), le dieu Khnoum fait sortir le fleuve de sa
caverne pour provoquer la crue.
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A gauche, Hâpy
tenant la plante du papyrus dans la main droite et recevant les
offrandes de sa main gauche. Sur sa tête, une grille symbolise les
canaux d'irrigation.
Temple de Ramsès II.
A droite, Hâpy sous sa forme androgyne, les papyrus sur la tête et
tenant une table d'offrande symbole de fertilité. Musée du Louvre. |
Hâpy,
dans sa caverne représentée par le serpent qui sous cette forme
(il se mord la queue) évoque
le cycle de l'eau, fait jaillir le Nil de ses vases.
Temple d'Isis à Philae. |
Hâpy
avec tous ses attributs : les papyrus sur la tête, la poitrine féminine,
le ventre proéminent, le vase d'où coule le Nil, les croix de vie, la
nourriture qu'il procure. |
Relief
sur le colosse de Memnon. |
Hâpy
est souvent représenté sous la forme de jumeaux symbolisant les deux
Nil. Ils lient une tige de papyrus et de lotus pour symboliser la
réunion des deux Egypte. Le Nil de gauche porte sur la tête le lotus
(symbole de la Haute Egypte), celui de droite porte le papyrus (symbole
de la Basse Egypte). |
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Le souverain Ay, sous l'aspect du dieu de la fertilité, Hâpy (sein
tombant). Il procède ici à l'union des deux terres.
Fragment du trône d'un colosse assis.
Provenance : Médinet Habou. Museum de Boston. |
Le moment où la crue arrive est annoncé dans
le ciel par la réapparition, après 70 jours d'invisibilité, de l'étoile la
plus brillante de la constellation du
Grand Chien, Sepedet, Sothis pour les
Grecs et Sirius pour nous. Ce phénomène marque le premier jour de l'année
fêté par la cérémonie de l'oupèt renpèt, "l'Ouverture de l'Année". Ce
jour est dédié à la connaissance, c'est-à-dire au dieu Thot maître des
sciences, du calendrier régissant l'inondation, symbolisé par le singe
cynocéphale originaire évidemment du Pays de Pount, la Terre du Dieu.
Le premier jour de l'année est aussi le rappel de la création du monde et le
moment où le pharaon doit renouveler sa force, comme le Nil renouvelle la
sienne avec la crue. Les premières eaux, encore "blanches" symbolisent la
perte des eaux précédant la naissance (le blanc évoque aussi la couleur du
sperme qui préside à la conception). Puis peu après, arrivent les eaux
rouges
chargées des alluvions ferrugineuses de l'Atbara. La couleur rouge du Nil
symbolise alors les eaux mêlées de sang de la naissance elle-même. Ce jour
de l'An c'est le moment aussi où la mère du Soleil (le jeune pharaon) met à
nouveau au monde l'héritier du pays. Ce premier jour de l'année a donc une
importance capitale au niveau de la symbolique, c'est la renaissance du pays
par la crue et celle du roi qui dirige le pays.
Ce
jour-là, les prêtres transportent sur les terrasses des temples le naos
qui renferme le dieu, ils en ouvrent les portes afin que le dieu reçoive le
premier rayon du soleil levant à l'aube. A Thèbes, on sort le grand vase du
dieu Amon. Les prêtres en retirent le couvercle à l'effigie du bélier pour
remplir le vase de l'eau nouvelle du Nil.
Les hauts fonctionnaires et les ambassadeurs des pays amis se rendent au
temple jubilaire du roi en exercice puis au palais pour offrir des présents
au couple royal. Tous, parents et amis échangent des cadeaux.
Les digues qui ferment les canaux sont alors détruites par les paysans afin
que l'eau nouvelle fertilise les champs. Toutes ces cérémonies
s'accompagnent de fêtes, de défilés des familles dans des barques fleuries,
de banquets ponctués de chants et danses.
De petits récipients remplis de l'eau miraculeuse du Jour de l'An (une sorte
d'eau bénite) circulent dans toute l'Egypte et constituent des présents
appréciés car cette eau passait pour favoriser la fécondité des femmes. Le
pharaon lui-même en expédie à des souverains étrangers et on vient de pays
lointains pour la puiser dans le Nil.
A partir du Moyen Empire, s'ajoute à
ce type de cadeau l'image en terre cuite de la chienne ("canicula"
pour les Romains) de l'étoile Sothis face à un jeune garçon tout nu : Horus,
l'enfant du Soleil levant. A l'époque ramesside, l'étoile Sothis prend alors
sur les calendriers la forme d'une belle femme naviguant au ciel sur une
barque près de celle d'Orion.
Lors de l'inondation, le Nil transporte de nombreux végétaux qu'il arrache
sur son passage. Sur des urnes funéraires du III° millénaire av JC, on a
souvent retrouvé la représentation d'une plante qui permet de préciser la
provenance de la crue. On pense maintenant que cette plante n'est pas un
aloès comme on l'avait cru mais le bananier sauvage qu'on trouve en
abondance en Ethiopie. Il se pourrait donc que la fleur qui symbolise le Sud
ne soit pas le Lys mais la fleur du bananier sauvage.
Les végétaux charriés en abondance par le fleuve donnent une couleur verte à
ses eaux. Ce vert, couleur des marais que le défunt doit franchir avant de
renaître symbolise le soleil en gestation, la nature.
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La couleur
noire du limon apporté par le fleuve est aussi
symbolique, c'est la couleur qui permet au monde de se reconstituer. Le noir
représente donc l'espoir (et non la mort comme pour nous). C'est pour cette
raison que le dieu de la résurrection Osiris apparaît parfois avec le visage
noir et que certaines
reines divinisées ont également le visage noir. Anubis, dieu qui préside
également à la renaissance, est noir, de même
Amon-Min, dieu de la fécondité.
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A gauche, Hâpy, le
dieu symbolisant la crue du Nil tient dans la main les côtes d'une feuille
de palmier qui signifie "année" et symbolise l'inondation annuelle. A
droite, le dieu de la fécondité étend les mains au-dessus de deux lacs.
Extrait du Livre des Morts d'Ani - British Museum de Londres. |
A Assouan, on
parlait aussi des divinités fluviales ventrues Khopri et Mophi : accroupies
sous les rochers, elles font bouger cette eau issue du Noun, l'océan
primitif souterrain qui a généré l'univers et sur lequel le monde visible
flotte.
Les Egyptiens invoquent fréquemment Hâpy :
"Salut
à toi, ô Nil, issu de la terre, venu pour faire
vivre le pays, toi qui inondes les champs que Rê a créé pour faire vivre
tous les animaux, toi qui produis l'orge et fais pousser le blé afin que les
temples soient en fête. Si le Nil est
paresseux, les nez s'asphyxient, tout le monde
s'appauvrit. S'il se soulève, le pays
est dans l'exultation et chacun est en joie".
D'après le Grand Hymne au Nil, vers 2200 av J.-C.
«Maître
des poissons, créateur du blé, producteur de l’orge, ... lorsqu’il coule, la
terre se réjouit, les ventres jubilent. C’est lui, Hâpy qui fait pousser les
herbages pour les troupeaux. Personne ne peut vivre sans lui, les gens sont
habillés avec le lin qui pousse dans les champs grâce à lui. Il se saisit
des deux contrées, et les greniers se remplissent, les entrepôts regorgent,
les biens des pauvres se multiplient. »
D'après un papyrus du Nouvel Empire.
Tout le long du Nil, les Egyptiens pour s'attirer les bienfaits du fleuve,
font des offrandes à Hâpy : ils jettent dans ses eaux de la nourriture, des
bêtes sacrifiées ou des amulettes et figurines.
Compte tenu de cette ferveur populaire et de ces pratiques, on peu
considérer que Hapy (plutôt la manifestation de la crue que le fleuve
lui-même) est bien un dieu à part entière pour tous les Egyptiens. Mais
c'est aux Grecs et aux Romains qu'il appartiendra de diviniser le Nil
lui-même comme ils le faisaient pour n'importe quel fleuve. |
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