Le Nil était quasiment
l'unique voie de communication en Egypte ancienne, aussi bien pour les
marchandises que pour les hommes ou même pour les dieux portés en procession
sur des bateaux. Dans un pays aussi étiré du nord au sud, où les routes
terrestres étaient peu faciles et impraticables pendant l'inondation, le Nil
était naturellement l'artère principal, il a permis aussi au gouvernement central d'imposer son autorité sur tout l'espace
géographique.
Se déplacer se disait "naviguer" pour les Egyptiens, quand ils allaient vers le sud, ils disaient qu'ils
"remontaient le fleuve", vers le nord, ils le "descendaient", même si le
parcours s'effectuait par route, à travers le désert. Le Nil permettait
d'atteindre toutes les grandes villes qui s'étalaient obligatoirement le
long du fleuve.
Dans le delta
lui-même, le Nil avec ses multiples ramifications servait de voies de
communication. Des canaux les reliaient les unes aux autres.
Les temples et
les pyramides étaient eux-mêmes desservis par des canaux qui partaient du
Nil.
Le seul autre moyen de communication possible était le transport à dos
d'âne ou de boeuf, ce qui limitait cet usage sur de longues distances et pour des
charges lourdes. L'utilisation de la roue ne s'est
développé qu'au Nouvel Empire mais c'était exclusivement pour les chars de
guerre et les voitures de chasse.
Les bateaux de l'Ancien
Empire
- Les petites
embarcations
Les bateaux les plus anciens sont des sortes de radeaux composés avec des
bottes de tiges de papyrus liées entre elles. L'arrière du bateau est relevé
tandis que l'avant repose à plat sur l'eau. Ces embarcations primitives sont
de petite taille, légères et ont un faible tirant d'eau pour permettre la
navigation sur les marais. Le bateau égyptien, quel que soit sa taille, à la
particularité de ne jamais posséder de quille. Le berger, le chasseur, le pêcheur ont utilisé de
tout temps ce type d'embarcation en papyrus. Une gaffe ou une rame permet le
déplacement, il n'y a jamais de voile sur ce type de bateau.
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Pêcheurs sur leurs embarcations en papyrus. Deux rameurs, situés à la
poupe et à la proue, font avancer la barque tandis que les autres
pêcheurs hissent le filet rempli de poissons.
Deir el-Bahari, tombe
de Meketra, fin XI°, début XII°dynastie.
Objets en bois peint (H : 31.5 cm - L : 90 cm - l : 32 cm). Musée du
Caire. |
- Les grands bateaux
de voyage
Les bateaux de grande dimension sont construits en bois bien que l'Egypte
soit peu pourvue de ce matériau. Les peintures et les barques funéraires
retrouvées montrent le degré de perfection atteint par les Egyptiens dans le
domaine de la construction navale. Les grands bateaux pour transporter les
pierres mesurent environ 30 m de longueur sur 15 m de large. Comme les
petits bateaux primitifs en papyrus, les grands bateaux ont l'arrière
surélevé, droit au-dessus de l'eau. Ainsi, cette plateforme en hauteur
permet à ceux qui dirigent le bateau d'avoir une position stable et
favorable pour déceler les nombreux bancs de sable ou s'en dégager. La
cabine est positionnée vers l'arrière et est réservée au propriétaire du
bateau.
Le mode de propulsion des grands bateaux se fait à l'aviron, les rameurs
sont assis et regardent vers l'arrière du bateau. De grands avirons de
gouverne, à l'arrière, permettent aux timoniers, debout, de manoeuvrer le
bateau. Presque tous les grands bateaux sont également pourvus d'une voile,
les vents dominants du nord permettent de remonter le fleuve à la voile.
Sous l'Ancien Empire, une seule sorte de voile est connue : la voile en
toile carrée constituée de laizes disposées horizontalement. Ses dimensions
imposantes varient en fonction de la taille du navire. Le mât peut être
abattu par temps calme ou grand vent. Il est composé de deux perches assez
fines et réunies à leurs extrémités supérieures. Des cordage, les haubans,
maintiennent le mât dans sa position. La vergue est attachée à la tête du
mât, deux bras permettent au gabier de l'orienter à droite ou à gauche.
Dimensions pour un bateau de 16 mètres :
. rames : 3 m
. avirons de gouverne : 5 m
. mât : 10 m
. vergue 6 m
. voile : 60 à 70 m2.
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Voir la description de la barque solaire de Chéops (découverte en
1954).
On connaît bien les bateaux de l'Egypte antique par leurs
représentations sur les peintures murales et les bas-reliefs, par les modèles réduits en
bois déposés dans les tombes et surtout par la découverte extraordinaire
d'une barque sacrée grandeur nature au pied de la pyramide de Chéops.
Il
existe deux types de barques sacrées : celles liés au culte solaire
et celles liées au culte funéraire.
La barque solaire est un objet symbolique lié au cycle journalier du
soleil et au démiurge qui lui est associé, Rê. Il existe en fait deux
barques solaires, une pour les douze heures du jour, la barque Mândjyt et
une pour les douze heures de la nuit, la barque Mésektet.
La barque funéraire Néchémet est la barque sacrée du dieu Osiris en
Abydos. D'après la stèle d'Ikher-nefret (gardien du sceau royal et
préposé au trésor sous Sésostris III,
XIIe
dynastie), la barque faisait une sortie lors de la « fête d'Osiris ». |
- Les petits bateaux
de voyage
Ils ressemblent aux grands bateaux mais il leur manque la propulsion avec
les avirons.
- Les autres sortes de
bateaux
Il y a toutes sortes de bateaux différents en fonction de leur utilisation.
Les plus riches possèdent des bateaux rapides, ce sont des voiliers longs et
plats construits en bois de couleur jaune clair, sans doute du bois de
cèdre. L'avant est moins relevé que les autres bateaux et est orné de
peintures vives ou sculpté en tête d'animal regardant vers l'arrière. Sur le
pont, peint habituellement en noir, se tient derrière le mât, la cabine du,
propriétaire. Les parois sont constituées de nattes élégamment tressées ou
de toile blanche. Le pilote se tient debout à l'avant, une perche à la main
pour sonder le fleuve. Il donne les ordres de navigation. Un autre marin se
tient accroupi sur le toit de la cabine pour surveiller la voile et transmet
par geste les ordres du pilote aux gabiers et aux timoniers. Ces bateaux
possèdent aussi presque toujours des rames et des avirons de gouverne, pour
9 rames d'un bord, il faut 2 gouvernes, pour 14 rames, 3 gouvernes...
Cependant, d'autre bateaux de voyage ne possèdent pas de voile car la cabine
prend toute la longueur du pont.
De même, les grandes barques destinées au transport des marchandises ou du
bétail ne possèdent pas non plus de voile car tout l'espace est utilisé
pour la soute. Les bords sont relevés pour obtenir une cale plus grande et
le pont est pourvu de deux cabines, celle arrière descendant obliquement
vers la poupe. Par manque de place, les rameurs sont obligés de se tenir en
équilibre sur une balustrade établie à l'avant tandis que les deux timoniers
doivent manoeuvrer leurs avirons de gouverne du haut de la cabine arrière.
Quand les bateaux remontent le courant par vent contraire, les hommes sont
souvent obligés de les haler à partir de la rive. De même, la barque du dieu
solaire était chaque nuit halée à travers le monde souterrain infernal
tandis que le jour elle se déplaçait à la voile ou à la rame sur l'océan
céleste.
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La
barque sacrée du dieu solaire tirée la nuit d'ouest en est dans le mode
souterrain. Le soleil renouvelle ses forces vitales dans le serpent.
Détail d'une peinture murale de la tombe de Thoutmosis III. |
Les barges transportant de lourdes charges, comme les blocs de pierre, sont
trop pesantes (plusieurs centaines de tonnes) pour se déplacer par leurs propres moyens, ils sont alors
remorqués par un autre bateau ou halés par des hommes. Pour ces bateaux, il
n'y a aucune différence entre l'avant et l'arrière. Une pièce de bois aux
deux extrémités permet d'attacher le câble de remorquage.
Le transport le plus délicat était celui des obélisques sur près de 1000 km
(de Assouan à Thèbes). Sur le temple de la reine Hatshepsout à Deir
el-Bahari, on voit deux obélisques sur un
chaland maintenus par des cordages, l'un a la pointe tournée vers la
poupe, l'autre vers la proue. Une flotte de 27 bateaux hale le chaland
accompagné par un bateau pilote.
Le problème le plus épineux était celui du chargement de l'obélisque sur le
bateau. On creusait un canal spécial qui allait du Nil jusqu'à la carrière
et on y amenait un chaland chargé de pierres. L'obélisque était alors
transporté à l'aide de rampes jusqu'au canal puis positionné avec son
traîneau au-dessus du chaland. On délestait alors le bateau de ses pierres
afin qu'il remonte jusqu'à l'obélisque qui se trouvait ainsi chargé.
Une autre méthode consistait à transporter l'obélisque près du chaland qui
était à sec sur le bord du Nil. On attendait la crue pour effectuer le
chargement et mettre la barge à flots, l'obélisque immergé perdant plus du
tiers de son poids.
Pour le transport du colosse Nord du temple de Memnon qui pèse 800 tonnes,
on construisit un bateau spécial appelé "bateau de huit", ce qui laisse
entendre que ses dimensions étaient huit fois plus grandes q'un chaland
normal.
Les bateaux du Moyen et
Nouvel
Empire A partir
du Moyen Empire, des progrès assez considérables sont accomplis. Les avirons
de gouverne sont désormais déplacés dans l'axe arrière pour devenir un
véritable gouvernail. Le mât qui était autrefois composé de deux pièces en
bois reliées est maintenant composé d'une seule pièce (en pin de Liban) plus courte mais plus
solide. La voile est de même plus courte mais beaucoup plus large
(rectangulaire) et est pourvue d'une vergue à sa partie inférieure. La
vergue supérieure n'est plus solidaire avec le mât, on peut désormais la
hisser ou l'amener. Les cordages sont aussi améliorés. Ces progrès
techniques permettent une meilleure maniabilité du bateau. Pour les bateaux
exclusivement à rames, les rameurs sont désormais assis sur de véritables
bancs fixés sur le pont. Les cabines ornées de nattes multicolores sont
maintenant pourvues de fenêtres et le toit permet une meilleure aération.
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Cette peinture de la tombe de Sennefer montre tous les perfectionnements
du bateau à partir du Moyen Empire. Le pilote avant communique à l'aide
de gestes les ordres de navigation au timonier responsable du
gouvernail. En 1 et 2, les plates-formes avant et arrière protégées par
des balustrades. A remarquer que ce bateau ne possède pas de cabine. |
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Bateau du Moyen Empire : la voile de lin conserve ici la forme carrée de
l'Ancien Empire mais la rame de gouverne est unique et située à l'arrière, la
vergue inférieure est présente. Les marins sont vêtus de longs pagnes
blancs, ils manoeuvrent la voile dépliée sous les instructions du
capitaine à tête chauve qui ponctue ses ordres à l'aide d'un bâton. La
cabine réservée à Meketra est recouverte de nattes et ornée de boucliers
peints. Deir
el-Bahari, tombe de Meketra, fin XI°, début XII°dynastie.
Objet en bois peint (L : 124 cm). Musée du Caire. |
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Bateau à rames du Moyen Empire : le propriétaire est assis dans la
cabine, une fleur à la main.
Bois stuqué et peint.
Musée du Louvre. |
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Les
barques en tiges de papyrus reliées à l'avant et à l'arrière sont
présentes à toutes les époques. Ici le mât est baissé ce qui montre que
le bateau se dirige vers le nord, dans le sens du courant. Le pilote se
tient à l'avant et indique la direction à suivre au barreur à la
poupe. L'équipage est composé de deux rangées de quatre rameurs. Le
propriétaire (ou le fonctionnaire du roi en mission?) est assis sous un
baldaquin pour se protéger du soleil.
Deir el-Bahari, tombe de
Meketra, fin XI°, début XII°dynastie.
Objet en bois peint (L : 100 cm). Musée du Caire. |
Au Nouvel Empire les progrès sont moins importants,
on revient parfois aux deux rames de gouverne à l'arrière
pour diriger le navire, la voile devient encore plus large si bien que la
vergue peut atteindre une dimension double du
mât. Pour manoeuvrer cette énorme voile, les cordages augmentent, le mât est
alors pourvu d'une sorte de caisse à lattes pour les mettre en ordre.
L'avant et souvent aussi l'arrière des grands voiliers sont pourvus de
plates-formes bordées de balustrades pour le pilotage. La cabine est aussi
beaucoup plus élevée qu'aux temps anciens, elle devient une véritable petite
maison avec portes et fenêtres. Sur son toit plat, on entasse les bagages du
propriétaire et son char, signe de richesse. La décoration devient luxueuse
: la proue est peinte de couleurs vives, la poupe ressemble à une
gigantesque fleur de lotus, la pale de gouvernail à un bouquet de fleurs,
les voiles sont parfois constituées de tissus précieux aux couleurs vives et
les rames sont finement sculptées. (voir le bateau de
Néfertiti, musée de Boston).
Les bateaux de charge restent quant à eux dépourvus d'ornements.
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Voilier du Nouvel Empire : la voile est démesurément large, tenue par un
mât court et deux longues vergues. L'aviron de gouverne est placé à
l'arrière pour servir de gouvernail. Le pilote sur la plateforme avant
bordée d'une balustrade tient la perche pour sonder les fonds et donner
les ordres de navigation au timonier. Les
passagers sont confortablement installés dans la cabine. Le bateau est
luxueusement décoré.
Peinture de la
tombe de Menna |
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