Sarcophage : de "sarco" : chair et "phage" : manger - qui mange, détruit la
chair.
Dans la
langue égyptienne, "sarcophage" a une signification toute
différente et même opposée : "le maître de vie" (la conservation de la
chair).
Le sarcophage égyptien
assure plusieurs fonctions :
- il protège le corps momifié
- il est la nouvelle demeure du défunt, celle de l'au-delà, lui assurant
l'éternité
- il est la reproduction en miniature de l'univers : le couvercle représente
le Ciel, le fond de la cuve la Terre, ses quatre côtés correspondent aux
quatre horizons du ciel. Le corps est déposé la tête au nord et le visage
tourné vers l'est, là où
le soleil renaît chaque jour. Ainsi, le corps
enfermé entre Ciel et Terre devient la "mère" du défunt, le ventre maternel
identifié aux déesses Nout et Neith qui le protègent et le gardent pour
l'éternité.
Dès la première dynastie, les Egyptiens utilisent le cercueil en bois
rectangulaire (de la forme de la tombe) pour leurs
morts. Il prolonge le cercueil en vannerie de l'époque prédynastique. Au fil des siècles, la forme de la caisse évolue. Elle est d'abord
courte et décorée par des motifs "en façade de palais" (ce qui montre bien
que le sarcophage est une nouvelle demeure).
Sous l'Ancien Empire, apparaissent les premiers sarcophages en pierre. On
dépose alors dans ce sarcophage un cercueil en bois rectangulaire qui
contient la momie.
Au Moyen Empire, les cercueils en bois sont au nombre de deux et s'emboîtent
l'un dans l'autre. Ils sont ornés d'une formule d'offrandes, d'une porte
factice pourvue des yeux oudjat (côté est) qui permettent au défunt de porter un regard
vers le monde extérieur des vivants. A l'intérieur du cercueil, on trouve
les
Textes des Sarcophages qui aident le défunt à gagner le royaume
d'Osiris.
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Cercueil externe en bois rectangulaire de Néferti (XIIème dynastie).
Musée du Caire.
Le sarcophage était composé de deux cercueils emboîtés. Le texte qui se
déroule sur le bandeau horizontal est une formule d'offrandes funéraires
pour le "vénérable" Néferti. Les textes sur les colonnes verticales
placent le défunt sous la protection de plusieurs divinités. Sur la
partie droite du grand côté oriental, les deux yeux oudjat surmontent la
porte factice de la tombe. Les Textes des Sarcophages se trouvent à
l'intérieur du cercueil. |
A partir de la fin du Moyen
Empire (XIIème dynastie) et pendant tout le Nouvel Empire, les
cercueils prennent la forme humaine (anthropomorphe)
de la momie enveloppée dans son linceul retenu par par des bandelettes.
Ainsi, le sarcophage se substitue totalement à la dépouille mortelle,
précaution au cas où la momie serait détruite. Le mythe osirien prend alors
une place croissante dans la décoration funéraire. Osiris est représenté sur
le grand côté est du sarcophage, Anubis de l'autre côté, Isis et Nephtys à
la tête et aux pieds. D'autres divinités apparaissent souvent : les quatre
fils d'Horus, Geb, Chou et Tefnout. Nout, déesse du ciel, est peinte sur le
couvercle intérieur et protège le défunt. Les
textes
funéraires (vignettes du
Livre des Morts)
commencent aussi à couvrir le sarcophage mais ils seront rapidement
transcrits sur des papyrus. La momie elle-même est dotée d'un masque en lin
stuqué, sans ressemblance avec le mort à cette période.
Sarcophage de Nakht
(intérieur) -
Moyen Empire - Hildesheim, Pelizaeus-Museum. |
Les parois intérieures des sarcophage étaient entièrement peintes de textes
au pouvoir magique (ici, les Textes des Sarcophages,
non visibles sur la photo) et d'offrandes ou objets dont le défunt avait
besoin (ils se trouvaient ainsi à sa portée immédiate). On reconnaît ici des
offrandes alimentaires (pain, cuisse de boeuf, eau, vin...), des sachets
d'encens pour le culte, une stèle fausse-porte pour communiquer avec le
monde extérieur, des bijoux, une palette pour écrire...
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Musée du Louvre
Provenance : Deir el-Médineh. |
Cercueil anthropomorphe de la dame
Madja. Bois peint. 184 cm. Nouvel Empire.
Le visage est encadré d'une lourde perruque et le cou est paré du
collier ousekh.
Ce cercueil reflète la sobriété du mobilier funéraire de la classe
moyenne. La décoration, sur un fond blanc, est simple et équilibrée :
- Deux porteurs d'offrande apportent l'eau et la viande pour le repas de
la défunte
- Madja et son époux reçoivent, assis, les offrandes en respirant une
fleur de lotus, symbole de renaissance
-le dieu Osiris en vert, couleur de la végétation, de la jeunesse et de
la santé
- L'oeil oudjat posé sur la porte factice de la tombe permet au défunt
de porter un regard vers le monde des vivants.
Voir l'autre côté du cercueil |
Le nombre de cercueils
et les matériaux utilisés dépendent du rang social du défunt. Les cercueils
sont en bois, en cartonnage, en tissu et plâtre et même en métal précieux
(or ou argent) pour les pharaons. Pour les plus riches, les cercueils en
bois sont déposés dans un sarcophage de pierre*, également momiforme, avec
le couvercle orné de l'image du défunt.
* granit, diorite, calcaire, calcite, quartzite ou grauwacke. |
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Cercueils gigognes de la dame de Tamoutnéferet. Troisième période
intermédiaire, 21ème dynastie.
L'aspect osirien se renforce : la momie prend l'effigie d'Osiris avec la
barbe postiche et les bras croisés sur la poitrine.
Musée du Louvre
Cliquez sur toutes les photos de la page pour les agrandir |
A la fin de la
XVIIIème dynastie (Nouvel Empire), la cuve est ornée des représentations des génies
funéraires qui protègent les viscères. Sur certains couvercles de sarcophage
apparaissent des images du défunt revêtu de ses habits les plus fastueux.
Sarcophage d'Iniouya, scribe
royal
Musée du Louvre
Provenance : Saqqarah |
Iniouya est couché, les bras le long du corps, vêtu d'une longue jupe
plissée sur le devant, d'une chemise de lin à manches finement plissées
et de la lourde perruque dite "à revers" en vogue au début de la 19ème
dynastie. Le décor extérieur de la cuve est organisé en petits panneaux
où alternent formules funéraires et représentations des divinités
protégeant le défunt, dont Anubis
et les
quatre fils d'Horus, et, aux quatre angles, des divinités à tête
d'ibis tenant les quatre supports du ciel. |
A l'époque des Ramsès
(XIXème dynastie),
les sarcophages en pierre deviennent plus massifs et le décor est plus
abondant. Sur le couvercle, Isis, Nephtys et Anubis sont souvent
représentés.
Cuve
monolithe en granit rose de Ramsès III (18 tonnes, L : 3.05 m, l : 1.50
m, H : 1.80 m). Ce sarcophage abritait les cercueils emboîtés du roi, il
a ici la forme d'un cartouche royal. Aux deux extrémités (gravées en
creux) les déesses ailées Nephtys (au pied du défunt) et Isis encadrée
par deux Anubis (à la tête du pharaon) veillent le corps du roi. Les
scènes de la cuve externe sont empruntées au Livre des Demeures secrètes
(7ème et 8ème heures), la décoration intérieure représente de grandes
figures de divinités issues de la première heure du Livre des Portes. La
base du cercueil est entourée du motif en façade de palais comme sur les
sarcophages de l'Ancien Empire. Le couvercle de la cuve se trouve
au Fitzwilliam Museum
de Cambridge. |
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La
face droite du sarcophage représente la septième heure du Livre des
Demeures secrètes (ou le Livre de l'Am-Douat).
Le soleil, sous la forme d'un homme à tête de bélier, traverse sur sa
barque le monde souterrain pendant les douze heures de la nuit. Il
affronte à la 7ème heure le serpent Apohis qui tente de l'empêcher de
poursuivre sa course. Mais le serpent est impitoyablement neutralisé
chaque nuit par les protecteurs du soleil munis de couteaux.
Le pharaon étant associé au cycle solaire, la tombe royale participait
ainsi au renouvellement quotidien du soleil.
Le texte
d'introduction de la 7ème heure est ici incohérent : travail bâclé du
scribe? Décadence du pouvoir royal en cette fin du Nouvel Empire?
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Vers l'an mille av JC
(Troisième période intermédiaire),
les cercueils extérieurs reprennent une forme rectangulaire avec un
couvercle bombé qui retrace la course nocturne du soleil dans sa barque. Le
défunt est ainsi associé au cycle de la renaissance de l'astre.
A partir de l'époque saïte (vers 625 av JC), apparaissent de grandes cuves
en pierre à forme humaine ou oblongues. Les parois comportent des extraits
du Livre des demeures secrètes, imitant les parois des caveaux des
pharaons du Nouvel Empire, mille ans plus tôt, dans la vallée des Rois. Au
revers du couvercle, on retrouve la déesse Nout brandissant le disque
solaire.
Assez souvent on trouve posé directement sur la momie un élément ajouré,
véritable couverture du défunt. Vers 900 av JC, sur cet élément,
généralement en bois, on trouve une représentation du défunt et une
iconographie à caractère religieux. Le visage et les mains du défunt sont
souvent recouverts d'une feuille d'or ou peints en jaune, couleur de l'or,
métal inaltérable donc éternel comme la chair des dieux.
Voir ici.
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Deux
divinités reviennent constamment dans le décor des sarcophages : la
déesse de l'Occident et Nout. La déesse de l'occident, lieu du séjour
des morts, est souvent représentée au fond de la cuve, on la reconnaît
au faucon perché sur sa coiffure (il correspond au hiéroglyphe
signifiant "l'Ouest"). La déesse Nout, parfois dévêtue, est plutôt
placée au revers du couvercle, c'est-à-dire au-dessus du défunt. Le
corps est donc positionné de manière à ce qu'il soit présenté par la
déesse de l'occident et accueilli par celle du ciel (pour ce faire, elle
ouvre ses bras protecteurs).
Le mort est donc une nouvelle fois assimilé
au cycle de la renaissance du soleil.
De gauche à droite : la déesse de l'Occident (Musée du Louvre et de
Boston) - et Nout
(musée du Caire). |
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Autour du sarcophage et dans les pièces annexes, on disposait de
nombreux objets indispensables à la nouvelle vie du défunt. Des
ustensiles utilisés lors de l'embaumement sont aussi parfois déposés,
tels ces quatre vases en faïence bleue au nom de Ramsès II. Il pourrait
s'agir de vases liturgiques de temples réemployés en vases canopes par
les embaumeurs. On a retrouvé à l'intérieur des fragments d'étoffes
imbibés d'un produit brunâtre (produit utilisé pour la momification?) et
un coeur (qui n'est pas celui de Ramsès II). Mais des analyses récentes
ont montré que les vases contenaient à l'origine un produit parfumé à
base de graisse de porc, sans doute un onguent destiné aux offrandes des
dieux. |
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