Le scribe
LES HIÉROGLYPHES            LE SCRIBE - Page 1/2

"le scribe accroupi"

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Le mot scribe vient du latin "scribere" qui signifie "écrire". Le scribe c'est donc celui qui sait lire et écrire les hiéroglyphes. Comme l'écriture est connue en Egypte dès la fin du IVème millénaire av JC, le scribe apparaît donc quasiment au tout début de la civilisation pharaonique.

L'importance de l'écriture
On sait le rôle joué par l'écriture dans l'organisation du pays et la pérennité de la civilisation égyptienne. L'Egypte est une civilisation de l'écrit : dès les premières dynasties, les documents attestent de la volonté de mettre en mémoire les données ressenties comme indispensables à la bonne marche de l'Etat. Sans l'écrit, il aurait été impossible au pharaon d'imposer son autorité sur un pays aussi étendu du Nord au Sud. En raison de la crue du Nil, chaque année les limites des terres étaient effacées. L'établissement d'un cadastre (impossible sans l'écrit) était donc fondamental pour enregistrer les parcelles et calculer l'impôt. Très tôt, nous avons trace des recensements systématiques des biens et des personnes. C'est encore l'écrit qui donnait force de loi aux décrets royaux gravés sur des stèles, les palais et les temples.
L'écriture a permis aux Egyptiens de mémoriser leur propre histoire en établissant les listes des rois, en racontant les événements importants dans un cadre chronologique.
Mais pour l'Egyptien, l'écrit est bien plus que l'enregistrement des lois, des événements, des biens et des hommes, elle a une fonction magique pour garder en mémoire les actes essentiels des souverains destinés à assurer la Maât : victoire sur les ennemis, célébrations de rites religieux et royaux, fondations d'édifices. L'invention de l'écriture était considérée comme un présent des dieux et plus précisément celui du dieu Thot, maître du calendrier, de la science, de l'écriture et des scribes. Les Egyptiens appelaient d'ailleurs leur écriture "médou-nétjer" ("paroles divines"), ce qui se rapproche du mot grec "hiéroglyphes" (caractères sacrés). Avant d'écrire, les scribes récitaient toujours une prière adressée à Thot.
Cependant, les hiéroglyphes étaient une écriture réservée aux monuments, ils étaient utilisés pour tout ce qui devait être établi pour l'éternité. Ils concernaient donc des textes religieux, des inscriptions historiques et politiques.
Pour les textes qui n'étaient pas destinés à être éternels, on utilisait une autre écriture : le hiératique (une simplification des hiéroglyphes transcrite en écriture cursive). Vers le VIIème siècle av JC, l'écriture fut encore simplifiée et abrégée : le démotique ("écriture populaire") remplace le hiératique ("écriture sacerdotale") qui reste cependant en usage pour les textes religieux.

Lorsque le scribe est représenté avec Thot, ce dernier prend en général la forme du babouin coiffé du disque solaire encastré dans un croissant de lune.
Provenance Tell el-Amarna -XVIIIème dynastie - H : 14 cm - Musée du Caire.

L'importance des fonctionnaires

Les scribes, compte tenu de l'importance de l'écriture, occupaient une place de choix dans l'administration du pays. Ils faisaient partie des 5 % de la population active qui savaient lire et compter, ils étaient conscients du pouvoir que leur conférait leur savoir et la Satire des métiers* les glorifie non sans raison.

* Outre la Satire des métiers du Moyen Empire, de nombreux textes du Nouvel Empire montrent les avantages de la vie de fonctionnaire. L'éloge de cette vie figure souvent dans des textes qui s'adressent aux élèves scribes afin de les inciter à plus de zèle. Ainsi, c'est pour rendre le métier de scribe plus attirant à son fils Pépi, que Khéty écrivit, au début de la XIIème dynastie, sa "Satire des Métiers". D'après lui "c'est le plus beau des métiers", "il n'y en a pas d'autre comme lui dans le pays", "Vois, il n'y a pas de métier sans patron, sauf celui de scribe ; il est le patron. Désormais si tu sais écrire, il fera mieux pour toi que toutes les professions que je t'ai présentées."
Voir la page sur la Satire des métiers

Les scribes étaient des fonctionnaires, ils étaient recrutés et payés par l'Etat. Ils intervenaient à tous les niveaux de la société : du contrôleur des équipes de moissonneurs (voir la tombe de Menna) au bureaucrate de l'administration centrale du palais. Les scribes pouvaient exercer aussi des charges cléricales et militaires. Ainsi, les scribes assumaient, par délégation du roi, le pouvoir dans tous les domaines : économiques**, politiques, militaires et religieux. La grande majorité de la population étant analphabète, ils exerçaient aussi le métier d'écrivain public. Ils établissaient les contrats légaux les plus divers et servaient aussi parfois de témoin, ils écrivaient les lettres sous la dictée ou les lisaient à ceux qui ne pouvaient le faire eux-mêmes. Le monde des scribes était fortement hiérarchisé, tous obéissaient au scribe suprême : le vizir.

** Toutes les grandes entreprises économiques étaient commanditées par l'Etat et dirigées par des fonctionnaires. Le scribe tenait les registres d’entrées et de sorties des aliments dans les magasins de la cour ou dans les greniers à blé des grands sanctuaires. Il assistait aussi le nomarque pour recouvrer les impôts dans les différentes provinces du royaume.
Comme l'enseignement était uniformisé, les scribes pouvaient à tout moment passer d'une branche à l'autre.
Les fonctionnaires étaient payés par l'Etat en nature. Ils recevaient des terres dont le revenu assurait leur entretien et profitaient des bénéfices tirés de l'institution dans laquelle ils travaillaient. Par exemple, les bénéfices des temples étaient répartis entre les membres de leur personnel en fonction du grade occupé. Le roi pouvait aussi distribuer des cadeaux à ses fonctionnaires les plus zélés.

La formation du scribe
L'école des scribes était en théorie ouverte à tous et beaucoup de scribes se glorifient dans leur tombe de leur origine modeste. Cependant, à l'origine, les scribes étaient issus parmi les privilégiés de la Cour. A la fin de l'Ancien Empire, une caste de scribes s'était constituée. On devint alors très souvent fonctionnaire de père en fils. Mais il ne s'agissait pas vraiment d'une fonction héréditaire car le fils devait tout d'abord avoir montré ses capacités dans l'école du scribe puis être recruté comme fonctionnaire par le pharaon. A la fin de leur carrière, les fonctionnaires méritants recevaient des charges lucratives de prêtre dans les grands temples.
Les jeunes scribes étaient formés au palais ou dans les différentes administrations civiles, religieuses (les "maisons de vie") ou militaires. La formation du jeune scribe commençait vers 5 ou 6 ans, il fallait une dizaine d'années pour apprendre à lire et écrire les hiéroglyphes. L'apprentissage comprenait d'abord l'acquisition du savoir de base : lire, écrire, compter. Ensuite, le scribe devait acquérir une culture générale. Il étudiait la géographie, la botanique, la zoologie, les éléments du corps humain, des notions de religion, les langues étrangères... Tout cet apprentissage était fondé sur le par coeur et la recopie incessante des "classiques" (littérature du Moyen Empire). Ils avaient à leur disposition de véritables manuels scolaires, mais aussi des recueils de modèles de correspondance et des sortes de dictionnaires de mots classés par matière.
Comme le papyrus était coûteux, les élèves scribes s'exerçaient sur des tablettes de bois recouvertes de stuc qu'on pouvait laver et réutiliser, des ostraca ou des tessons de poterie, ils écrivaient à l'aide d'un roseau (un calame) taillé en biseau en utilisant l'encre noire ou rouge.
Voir la page sur la Satire des métiers

Ostracon: un exercice de scribe H : 11 cm - L : 7 cm - Londres, University Collège, Pétrie Muséum
A la partie droite du recto, un scribe a écrit l'un sous l'autre, de la ligne 2 à la ligne 8, dans un ordre quelque peu surprenant, «je suis», «il est», «tu es» (genre masculin), «nous sommes», «ils sont» (deux graphies), «tu es» (genre féminin). Le reste de l'ostracon est une énumération de mots sans suite. L'écriture n'est pas celle d'un débutant, ce qui invite à l'interpréter plutôt comme un test de mémoire que se serait infligé un scribe confirmé que comme un document relevant de la formation élémentaire au métier de scribe. (description : Pierre Grandet).

Le scribe devait aussi acquérir un savoir de technique appliquée : écrire une lettre, faire des exercices comptables, calculer des surfaces et des volumes... Il n'échappait pas non plus à une formation morale et idéologique, les châtiments corporels étaient là pour lui rappeler l'obéissance et ce qu'on attendait de lui : compétence, fidélité, loyauté, sagesse.
Les scribe était donc celui qui sait tout : à la fois homme de lettres, architecte, géomètre, mathématicien, astronome, théologien, médecin et magicien (science et magie étaient étroitement mêlées).
Le scribe se définissait comme un sage, il valorisait les notions de morale, de mérite et de justice. Cependant cet idéal n'a pas toujours été respecté par certains d'entre eux et la corruption, la pédanterie, les abus de pouvoir n'ont pas été rares dans leurs rangs.
Le métier de scribe était en principe réservé aux hommes, on connaît cependant des femmes scribes sous le Moyen Empire et à la Basse Epoque.

La position du scribe

Calcaire peint V° dynastie - H : 58 cm
 Musée du Louvre

Musée du Louvre

Le scribe Ptahchepsès - Statue provenant de son tombeau à Gizeh - Vème dynastie - Musée de Hildesheim.

Les scribes formaient un groupe si important qu'un mode de représentation particulier fut développé pour eux : la position assise en tailleur, un rouleau de papyrus sur les genoux.
C'est sous la Vème dynastie qu'apparaissent les premières statues d'hommes figurés en scribe, il s'agit de princes qui veulent se faire passer pour des lettrés. Dès la Vème dynastie, les hauts dignitaires s'adjugent ce privilège qui se perpétuera jusqu'à la Basse Epoque. De nombreux pharaons se sont fait représenter en scribe.
Toutefois, le scribe peut être figuré dans une autre position : courbé ou posant un genou à terre, tenant le rouleau de papyrus dans la main gauche. Cette position est adaptée à une écriture en colonnes verticales de haut en bas et de droite à gauche, puisque le rouleau se déroule vers la gauche. Dans la position assise, le rouleau est déroulé sur les genoux et le scribe écrit en lignes horizontales en commençant par la droite.
La tenue du scribe est bien particulière : il porte toujours un pagne court trapézoïdal, et ses cheveux sont coupés courts, en calotte.

Le matériel du scribe

Le scribe avait toujours sur lui tout son matériel pour écrire :
- une palette creusée de deux cavités : une pour l'encre noire (obtenue à partir du noir de fumée) et utilisée pour le texte courant, l'autre pour l'encre rouge (fabriquée à partir de l'ocre naturelle) destinée aux titres ou les éléments à mettre en valeur. Les palettes étaient soit en bois, soit en ivoire, les plus précieuses étaient recouvertes d'argent ou d'or.
Lorsque l'élève scribe avait terminé ses études, c'était un scribe "qui avait reçu l'écritoire". Certaines palettes pouvaient être munies de six cavités pour recevoir d'autres couleurs qui permettaient au scribe de dessiner.
On a retrouvé de nombreuses palettes dans des tombes car, comme le précise le chapitre 94 du Livre des Morts, elle permettait au défunt d'être "équipé des écrits de Thot" donc de pouvoir maîtriser les formules magiques qui lui assureraient la survie et l'éternité en écartant les embûches multiples du monde des défunts.

Palette en bois de Toutankhamon - Les couleurs noire et rouge sont encore bien visibles - Musée du Caire

Palettes en bois. Celle de droite, la palette du scribe Pay, a conservé des vestiges de pains de couleur dans les cavités : noir, rouge, blanc. Les textes écrits sont deux invocations, l'une à Amon-Rê, l'autre à Thot. XVIII° dynastie - Musée du Louvre

Palette de Bakhenkhonsou, Grand prêtre d'Amon, Règne de Ramsès II.
En forme de vase à tête du dieu Anubis, cette palette est sans doute destinée au mobilier funéraire et n'a jamais été utilisée.
Musée du Louvre

- des calames pour écrire. Les calames sont fabriqués en jonc souples dont le bout mâchonné forme un petit pinceau, ils sont rangés dans un évidement au centre de la palette.

Le scribe, un genou plié, rédige son document dans une position inconfortable. Il a  coincé ses calames derrière l'oreille pour les avoir à portée de main. Devant lui, l'encrier-coquillage contient les pastilles de couleurs.

Musée du Louvre.
 

- un encrier
- un mortier pour réduire en poudre les pigments à encre
- un godet contenant de l'eau pour humidifier les pinceaux avant de les tremper dans l'encre

Doubles godets à eau. Le scribe y trempait son calame pour délayer l'encre avant d'écrire et pour le nettoyer après usage.
Musée du Louvre

Godet au nom du vizir Paser. XIXème dynastie. Musée du Louvre. Le godet servait à délayer les encres de couleur dans l'eau. L'inscription sur le rebord précise la titulature du vizir de Séthi Ier. Le texte sur le corps du godet est une invocation à Thot, patron des scribes : «Thot, seigneur des hiéroglyphes» (écrit verticalement), il s'adresse aux utilisateurs futurs de l'objet en ces termes: « [Vous] les scribes qui écrirez au moyen de ce ce godet et qui en ferez une libation [à Thot], si vous prononcez la formule d'invocation aux milliers de pains et bières en faveur du ka de Son Excellence le noble, directeur des chambellans du seigneur des Deux Terres, maire de Thèbes et vizir Paser [il arrivera que] Thot et Séchât [déesse associée à Thot] vous loueront, que celui qui écoute [les prières] [Amon ou Ptah?] vous aimera!».

- un rouleau de papyrus à découper au couteau aux dimensions souhaitées
- le couteau pour découper le papyrus et tailler les calames


Papyrus et coupe-papyrus - Musée du Louvre

- une sacoche en cuir pour ranger le flacon d'eau, les pains de couleur et les gommes qui étaient en fait de petits bâtonnets de grès servant de grattoirs pour le papyrus.


Relief en bois du mastaba d'Hésiré - IIIème dynastie - Musée du Caire.

Le scribe Hésiré, l'un des plus hauts fonctionnaires du roi Djéser. Il tient dans sa main un sceptre et une canne, insignes de ses fonctions. Sur son dos, est attaché l'étui à pinceaux, un petit sac contenant des fragments de pigments colorés pour fabriquer les encres. Sur la poitrine, il porte la palette avec les deux cavités pour l'encre noire et rouge. On reconnaissait immédiatement le scribe aux tablettes de bois ou de pierre attachées à une corde qu'il portait à son épaule.
- un polissoir à papyrus :

Le polissoir était nécessaire pour compacter les couches de bandes du végétal disposées perpendiculairement, puis lisser la feuille obtenue. De même, quand le papyrus était gratté il fallait à nouveau le lisser pour le réutiliser.
- un sceau : le sceau étant le symbole de l'autorité, les scribes en ont fait un large usage. Les papyrus étaient scellés avec des cachets d'argile qui avaient plusieurs fonctions : maintenir le document serré, le protéger des regards indiscrets, attester son origine par les signatures et les marques d'identification.
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