On a longtemps cru que l'écriture était née avec l'apparition de l'Etat
égyptien, donc du pharaon, vers 3000 av. J.-C. Mais une découverte, dans une
tombe d'Abydos, a remis cette affirmation en question. Gunther Dreyer, un
archéologue allemand, au début des années 1990, trouve dans la sépulture
d'un dignitaire une centaine de petits carrés d'os ou d'ivoire, percés d'un
trou et ornés de dessins : des étiquettes ! Les boîtes auxquelles elles
étaient attachées sont réduites en poussière. Mais les inscriptions (héron,
flèche, poisson, etc.) ne laissent aucun doute. Il s'agit bien de
hiéroglyphes. La tombe étant datée de 3250-3200 av. J-C., l'écriture
hiéroglyphique serait donc antérieure à la civilisation pharaonique d'environ
deux siècles.
Cette découverte relance également la question du lieu
d'origine de la première écriture de l'humanité.
Selon Pascal Vernus, la tombe d'Abydos montre aussi que l'invention des
hiéroglyphes "n'est pas liée aux nécessités administratives d'un Etat en
formation, ni à un simple besoin utilitaire d'étiquetage. Sinon,
pourquoi aurait-on pris tant de soin à inciser et à peindre ?". Selon toute
vraisemblance, les hiéroglyphes possédaient donc déjà une fonction
magique, comme ceux qui recouvriront plus tard les parois de la pyramide
d'Ounas, à Saqqarah (2300 av. J.-C.). "Graver un nom, pour un Egyptien,
c'est en fixer l'essence et la réalité pour l'éternité", rappelle Pascal
Vernus. Les étiquettes décrivaient le contenu des produits, onguents et
parfums accompagnant le défunt dans l'au-delà.
Pendant cinq siècles, l'écriture restera, sur ce
modèle, limitée à de courtes inscriptions - des "énoncés titres" - désignant
un souverain, une bataille, une quantité. Pourquoi si longtemps ? Nul ne le
sait. C'est aux environs de 2700 avant Jésus-Christ, sous le règne du
pharaon Djoser, qu'apparaissent des phrases construites, avec sujet, verbe
et compléments. "Ce progrès fondamental s'explique par le développement
des pratiques religieuses et des rites funéraires, qui demandent tout un
arsenal de formules élaborées", commente Guillemette Andreu-Lanoë,
directrice du département des antiquités égyptiennes du musée du Louvre. Et
c'est dans les pyramides, tombeaux des pharaons, que les hiéroglyphes
prennent toute leur dimension. Cette écriture figurative, qui puise ses
images dans la réalité, repose sur un système complexe, combinant
idéogrammes (signes-idées) et phonogrammes (signes-sons). Elle permet
néanmoins une lecture aisée. Gravés dans la pierre, en creux ou en relief,
les hiéroglyphes se parcourent en effet dans quatre directions
(horizontalement, de gauche à droite et inversement, verticalement). Les
textes funéraires qu'ils composent - mêlant prières, conseils pratiques et
formules magiques - assurent aux souverains une survie éternelle...
Toutefois, les hiéroglyphes sont réservés aux monuments
religieux car leur maniement est trop compliqué pour une utilisation dans un
usage quotidien. Ainsi, deux écritures plus simples et plus rapides
apparaissent parallèlement : le
Hiératique (attestée au
III° millénaire av. J-C.) et le
démotique (VII° s av. J-C) qui se lisent de droite à gauche.
La conversion de l'Empire romain au christianisme va
entraîner la disparition de l'écriture hiéroglyphique : en 392 de notre ère,
Théodose ordonne, par édit, la fermeture des temples païens et par le fait
même, l'abandon de l'écriture des pharaons.
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