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 CRAPOUILLOT juillet 1933

P 30-31-32

 LES PERSECUTIONS

 Même si la cause de la Croix gammée était — ce qui n’est pas le cas — une cause grande et sacrée, la façon dont elle obtint sa victoire la déshonorerait irrémédiablement et à jamais.      L’ " avènement des temps nouveaux " s’accompagna de crimes innombrables, d’attentats contre la vie et les biens des   "Marxistes", des Social-démocrates et des Communistes. Alors que la révolution — tant honnie et décriée — de novembre 1918 avait manié les partisans de l’ancien régime avec des gants de peau, sans que fût touché même un cheveu de leur tête, la " révolution nationale "de 1933 commit de tels excès au vu et au su des autorités et avec leur participation, que l’on eût cru qu’une bande d’apaches ivres des faubourgs déferlait sur une ville sans défense. Combien de douzaines, on peut dire hélas ! de centaines de citoyens dont les opinions n’étaient pas partagées par les National-socialistes furent, durant ces semaines, froidement supprimés ? Le mot d’ordre, dans les rapports officiels, est d’indiquer qu’ils furent abattus alors qu’ils tentaient de fuir : Auf der Flucht erschossen! Avec des variantes : " Abattu parce qu’il opposait de la résistance ". - " Lynché dans sa prison par le peuple irrité ". - " Trouvé mort ".     - " Auteurs inconnus ". Dans tous ces cas, il s’agit de lâches assassinats qui restent impunis. Y a-t-il lieu de s’étonner ? Nullement ! Car un des premiers actes d’Hitler, après le 5 mars, fut de libérer du bagne les brutes bestiales qui, l’an dernier, à Potempa (Haute-Silésie), avaient, d’une manière concertée, attaqué dans son logement un ouvrier agricole que l’on disait communiste, et l’avaient tué, en le piétinant littéralement, sous lés yeux de sa femme. Lés assassins sont maintenant fêtés par leurs semblables comme héros de la " Nouvelle Allemagne ". Avec un cynisme répugnant, le ministre et commissaire du Reich, Goehring, peut gouailler que, depuis le déclenchement de l’action hitlérienne, personne n’a encore eu le nez ou les oreilles coupés. C’est possible ! Peut-être, en effet, des nouvelles parues dans la presse étrangère et parlant d’yeux crevés et d’oreilles coupées ont-elles été inexactes. Mais de quelle orgie d’autres tortures la merveilleuse " Révolution Nationale " ne s'est-elle pas accompagnée. Nous connaissons le cas, vérifié et certifié dans tous ses détails, de l’ancien ministre du Reich, Sollmann, un homme très modéré appartenant à l’aile droite de la Social-démocratie et qui s’est acquis un grand renom par sa lutte contre le séparatisme rhénan et pour la libération de la Rhénanie. Il fut attaqué en plein jour à Cologne, dans son appartement, par une bande dés troupes d’assaut hitlériennes et assommé, puis jeté sur un camion automobile qui défila dans les rues les plus animées de la ville pendant que les coups, accompagnés d’injures et d’apostrophes ironiques, pleuvaient sur lui. Enfin, il fut traîné dans une caserne des troupes d’assaut et soumis à une torture systématique. Quand une équipe de ses bourreaux se sentait épuisée de fatigue, une nouvelle la relevait qui frappait avec des forces renouvelées sur le malheureux, à demi mort, qui gisait sur le carreau. Des coups de pied et des coups de poing lui arrivaient en pleine figure qui, bientôt, ne fut plus qu’une informe masse sanglante. Des coups de matraque ou de badine d’acier s’abattaient sur tout le corps qui se couvrit d’ecchymoses et de plaies béantes. Et ainsi pendant trois heures et demie ! Trois heures et demie avant qu’enfin la police n’arrivât pour délivrer le malheureux des mains de ces brutes. Le cas Sollmann s’est reproduit des centaines de fois durant ces semaines du régime barbare qui s’est abattu sur l’Allemagne, souvent sous une forme plus cruelle encore. On a même cité le cas d’une femme qui fut fustigée jusqu’à ce qu’elle perdit connaissance, et cela uniquement parce qu’elle était socialiste. Il suffit d’opposer à toutes les tentatives de démenti Le du gouvernement d’Hitler ce communiqué des journaux officiels du parti qui, d’ans sa brièveté laconique, révèle plus que des rapports détaillés : " Bielefeld, 3 avril. — Le député social-démocrate au Reichstag et conseiller municipal Schreck a été arrêté hier. Il est actuellement à l’hôpital. " Si la démocratie allemande n’a pas su combattre pour son idéal, elle sait au moins souffrir pour lui. Au milieu de cette époque des plus sauvages sévices, fut célébrée la " fête de la Victoire " des nouveaux maîtres de l’Allemagne. Ils montrèrent à la République, qui s’était toujours honteusement recroquevillée, comment un régime peut occuper l’imagination du peuple et satisfaire la badauderie des masses. Retraites aux flambeaux, feux de joie, parades militaires, offices religieux, vacances scolaires, claquement joyeux des drapeaux noir-blanc-rouge et des bannières à la Croix gammée, musiques militaires, salves d’artillerie, discours radiodiffusés et, dans le temple traditionnel du plus pur esprit vieux-prussien, — l’église de la garnison de Potsdam, — une mise en scène connue le césarisme de Guillaume II, épris de faste et d’apparat, en avait à peine connue. Qu’à l’ouverture du Reichstag les communistes ne fussent tout simplement " pas invités " à siéger et, de cette façon, éliminés, cette criante violation de la constitution fut acceptée par le Parlement sans un mot de protestation. Le Reichstag octroya à Hitler — il est vrai que ce fut sans les voix de la Social-démocratie, mais avec celles du Centre, — les pleins pouvoirs comme en a peut-être déjà possédés un despote asiatique, mais jamais un chef de gouvernement européen.Que ce soit constitutionnel ou non, Hitler peut désormais agir à sa guise. A côté du blanc-seing donné à Hitler par la loi dite " Ermächtigungsgesetz " du 22 mars 1933, les pouvoirs des anciens rois de France avec leur : " Car tel est mon bon plaisir " (1) semblent enfantins. A peine les grandes orgues de ces jours de fête s’étaient-elles tues, que le peuple allemand fut jeté dans une nouvelle et fiévreuse agitation : la chasse aux Juifs. Une des grandes promesses du National-socialisme à ses partisans avait été de retirer aux Juifs cent pour cent de leurs droits. Le paragraphe 4 du programme hitlérien dit d'une manière non équivoque : "Ne peut être citoyen que celui qui est de sang allemand, sans égard pour sa confession. Aucun Juif ne peut être citoyen. " Celui qui pensait que l’Hitlérisme une fois au pouvoir négligerait cette question, sous-estimait la nécessité dans laquelle il se trouvait d’appliquer tout au moins les points du programme qui étaient les plus facilement applicables. Que le " Führer " ait personnellement des Juifs la même conception grossière que le plus bête et le plus inculte de ses mercenaires, cela ressort de cette phrase tirée de son oeuvre : " Le jeune Juif à la tignasse noire guette pendant des heures, une joie satanique répandue sur sa face, l’innocente jeune fille qu’il déshonorera par son sang et ravira ainsi à son peuple ". Ainsi ce qui vint fut logique. Après un prologue d’actes isolés et non organisés commis par les Sections d’Assaut, ivres de leur victoire, contre des magasins juifs, on décida de porter, le 1er avril, le grand coup contre la " race étrangère ". Sous le prétexte qu’il s’agissait de combattre les "affirmations mensongères " de prétendues atrocités allemandes, — affirmations répandues à l’étranger par la juiverie internationale, — cette journée fut placée sous le signe du boycottage des maisons de commerce juives, des médecins juifs, des avocats juifs. Une brutale action " d’assainissement " contre tout ce qui était juif fut impitoyablement poursuivie. Les professeurs juifs des Universités, Les instituteurs juifs des écoles, Les fonctionnaires les juifs des administrations, Les juges juifs des tribunaux, Les médecins juifs des hôpitaux, Les acteurs juifs des théâtres, tous furent licenciés, jetés sans hésitation sur le pavé, condamnés à mourir de faim, sans que l’on eût tenu compte de ce fait que, pendant la grande guerre, 12.000 Juifs firent pour l’Allemagne le sacrifice de leur vie. Des artistes d’une réputation mondiale tels que le musicien Bruno Walter et le directeur de théâtre Max Reinhardt, furent également victimes de cet ostracisme, parce qu'ils s’appellent en réalité. Schlesinger et Goldmann. La fortune d’un génie du siècle comme Einstein fut confisquée sous le prétexte qu’elle devait servir à une " préparation de haute trahison " ! Le troisième Reich est tellement "absolu " qu'il peut se passer clés théories de la relativité. A Munich aussi, le grotesque se joint au tragique : les médecins juifs ne peuvent y pratiquer une autopsie que sur des cadavres juifs! Les Juifs sont exclus de toutes les fonctions publiques, le "numérus clausus" les attend dans les Universités. Le nombre des avocats juifs sera réduit de telle sorte qu’il corresponde à la proportion des Juifs dans l’ensemble de la population. Si une telle persécutions des Juifs ne s’est vue depuis les jours d’Isabelle la Catholique dans aucun pays européen, pas même dans la Russie des Tsars, on peut dire que, dans tous les détails du gouvernement les nouveaux maîtres de l’Allemagne opèrent avec des moyens de pressions qui ont été jusqu’ici dédaignés par tous les gouvernements même les plus tarés. Un décret comme celui adressé par le Commissaire national-socialiste au ministère de la Justice Kerrl à tous les présidents supérieurs des tribunaux mériterait les honneurs d’une publicité mondiale : " Il faudrait s’attendre à ce que le maintien de l’ordre et de la sécurité publics fût exposé à un sérieux danger si des Allemands devaient continuer, dans les conflits soumis à votre juridiction, à se voir opposer des documents dressés ou légalisés par dés notaires juifs. C’est pourquoi je vous prie de recommander tout particulièrement aux notaires juifs, dans leur propre intérêt, de s’abstenir dorénavant de l’exercice de leurs fonctions. Il faut en même temps souligner pour ces notaires que, dans le cas d’uni refus de leur part, ils s’exposent à de graves dangers en raison du ressentiment populaire à leur égard. " Ainsi donc l’État, dont c’est le rôle et le devoir de protéger ses citoyens, menace une partie de la population de représailles exercées par la populace des rues excitée par l’État lui-même. Car c’est de la folie de prétendre que le peuple allemand ait jamais protesté contre des documents dressés par des notaires juifs. Au demeurant, celui qui se refusait à recourir à un notaire juif avait à sa disposition. suffisamment de notaires chrétiens. Vraiment, devant de tels faits, on rougit de honte d’être Allemand.

1 En français dans le texte. (N du Tr)

"ALLEMANDS, N'ACHETEZ PAS AUX JUIFS"

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