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LE TRESOR DE NEUVY-EN-SULLIAS

Présentation (page II/III)

Suite présentation III/III   

Les circonstances de la découverte et l'acquisition des objets.

Une découverte fortuite

Le 27 mai 1861, au cours de l'exploitation d'une carrière de sable sur la commune de Neuvy-en-Sullias, à 28 km au sud-est d'Orléans, des ouvriers mettent à jour un mur de briques et de pierres sèches derrière lequel ils découvrent une véritable cachette. A l'intérieur, se trouve un trésor de bronzes gallo-romains qui compte parmi les plus beaux découverts en Gaule.

Ci-contre, le lieu où a été découvert le trésor, la sablière a disparu pour laisser place à une construction.

     Trente-trois objets ou fragments d’objets sont alors dénombrés, mais un an plus tard Mantellier, directeur du Musée départemental historique de l’Orléanais, parle de quarante-deux objets*. Aujourd’hui le trésor s’est enrichi de deux objets supplémentaires : une statuette féminine retrouvée et achetée par le musée d’Orléans en 1882 à Maître Daguerre, notaire à Tigy, et une statuette masculine achetée à Christie’s (Londres) en 1992.

-          La statuette de femme faisait incontestablement partie du trésor d’origine, elle avait été substituée par un ouvrier inventeur qui l’avait vendue au notaire.

-          La statuette achetée à Christie’s proviendrait par comparaison d’une autre statuette (l’homme nu marchant) du dépôt de Neuvy-en-Sullias. Rien d’autre ne permet cependant d’affirmer que cette statuette faisait bien partie du trésor découvert et qu’elle y aurait été substituée (toutefois, l’expertise confirme la même date de fabrication que celle des autres statuettes, mais la marge est de deux siècles).

* L'inventaire officiel a disparu dans l'incendie du musée lors des bombardements allemands de juin 1940. Heureusement, le trésor lui-même avait été mis à l'abri en 1939 dans un château proche de Jargeau (20 km d'Orléans). Il ne sera à nouveau exposé qu'en 1966, après restauration du bâtiment.

Une acquisition longue et difficile

Le manque de précision sur la composition du trésor montre les difficultés rencontrées par les autorités pour mettre le trésor à l’abri et son acquisition. La législation de l’époque précise qu’un trésor trouvé sur le terrain d’autrui appartient par moitié à celui qui l’a découvert et pour l’autre moitié au propriétaire du terrain. Le fait que les inventeurs (découvreurs) soient au nombre de sept et que la propriété du terrain n’est pas bien établie compliquent l’affaire.
Le trésor est estimé à 5 600 francs de l’époque. Les sept ouvriers réclament au départ leur part, soit 1/14ème de l’estimation totale (400 francs). Les fonds publics étant longs à être débloqués, Mantellier, aidé par des amis, va acquérir judicieusement le trésor lui-même pour le compte de la ville d’Orléans afin d’activer les transactions.

Ainsi, les 7 et 14 juin 1861, trois ouvriers vendent leur part à Mantellier, à Périgon et à Hazard (1) pour la somme de 400 francs chacun.

Le 26 mars 1862, Hazard achète la part d’un quatrième ouvrier pour Mantellier au prix de 1000 francs. Cet ouvrier a fait monter les enchères car ayant donné le premier coup de pioche, il prétend avoir droit, lui seul, à la part entière et il saisit la justice pour obtenir gain de cause. En définitive, il négociera sa part à 1000 francs (un ouvrier travaillant à la construction du chemin de fer Orléans-Vierzon en 1845 gagne 55 francs par mois)

Deux autres ouvriers vendent leur part pour 600 francs chacun à un marchand de Paris. Mantellier rachète ces deux parts pour la somme de 1 425 francs. Ce n’est qu’un an après la découverte, le 1er juin 1862, que Mantellier peut prendre possession des objets acquis pour les transporter à Orléans.

Cependant, la propriété du terrain où a été découvert le trésor étant disputée par plusieurs, dont la commune de Neuvy-en-Sullias, il faudra attende encore trois ans pour que l’achat soit entièrement soldé. La propriété du terrain est finalement attribuée à la veuve Grandjean. Elle obtiendra la somme de 3000 francs pour sa part. Le terrain où a eu lieu la découverte est également acheté par la ville d’Orléans pour le prix de 7 080 francs.

Ce n’est donc qu’en 1864, quatre ans après la découverte, que la ville d’Orléans (2) devient réellement propriétaire du trésor. Le trésor estimé à 5 600 francs a donc été négocié à 6 625 francs en sachant qu’il manque la statuette de la « petite danseuse » vendue par un ouvrier au notaire de Tigy qui la restituera plus tard (en 1882) pour la somme de 25 francs.

(1) Edouard  Hazard avait chargé les sept ouvriers d’extraire du sable dans la carrière où se trouvait la cachette

(2)   En fait, le financement a été réalisé conjointement par moitié par la ville d’Orléans et le Conseil Général du Loiret pour la somme totale de 7 200 francs (25 000 €) sans compter l’achat du terrain.

D ‘autres objets ont-ils été substitués ?

Le petit-fils d’un des ouvriers a déclaré qu’il avait été retrouvé avec les bronzes des monnaies. Ces monnaies ne figurent à aucun inventaire. En revanche, Mantellier dans son premier rapport manuscrit de juin 1861 au préfet signale des objets disparus dans les premiers jours de la découverte :

-          une cuiller en argent

-          des fragments paraissant provenir de la bride du cheval

-          deux plaques circulaires incrustées d’argent poli

Il est aussi constaté que le site de la découverte n’a pas fait l’objet d’une surveillance particulière et que des tuiles à rebord, des tessons de poteries et divers fragments sont ramassés par Pillon, membre de la Société archéologique de l’Orléanais.

Deux objets seront donnés en 1886 par l’abbé Desnoyers au  musée des Antiquités nationales de Saint-Germain en Laye : une tuile faisant partie de la couverture de la cachette et un fragment de soie du grand sanglier (ce dernier objet est déposé à nouveau au musée historique d'Orléans en 1994).

Les incertitudes qui demeurent

Si quelques pièces qui faisaient partie du trésor ont disparu, on peut raisonnablement penser que la plus grande partie a été récupérée et que les objets manquants sont sans doute de taille modeste. Il reste toutefois une incertitude sur l’origine de la statue achetée à Londres. Faisait-elle réellement partie du trésor de Neuvy-en-Sullias ?
Date de rédaction  : 2008

La découverte selon P. Mantellier (1865)
Mémoire sur les BRONZES ANTIQUES de Neuvy-en-Sullias (P. Mantellier)

   " Sur le territoire de la commune de Neuvy-en-Sullias, au canton de Jargeau, département du Loiret, on rencontre contre un champ inculte, abandonné, espèce du carrière sablonneuse, où les habitants viennent chercher et prendre, sans payer rétribution, les sables et graviers qui leur sont nécessaires.
    Dans la journée du lundi 27 mai 1861, sept ouvriers à la solde de M.  Edouard  Hazard, propriétaire demeurant au château du Gilloy, étaient occupés à tirer du sable de cette carrière. Les extractions successives ont produit un abaissement du sol de trois mètres dans la partie exploitée qui, par là, se trouve en contre-bas de la partie non exploitée ; un talus presque vertical les sépare, talus qui recule au fur et à mesure qu’il est rongé par le travail des extracteurs de sable. Ceux-ci opèrent, non pas en creusant le sol, mais en attaquant le talus.
    La pioche de l'un des ouvriers de M. Hazard rencontra tout à coup résistance, et mit à découvert une muraille sèche de briques superposées, qui se désunissant et s'écroulant an premier choc, laissèrent apparaître une excavation béante.
    Les ouvriers prirent d'abord cette ouverture pour un four ; mais bientôt ils démêlèrent et crurent apercevoir un objet étrange, une forme d'animal en bronze, une tête de cheval qui leur faisait face.
    A un premier sentiment de stupéfaction succéda la pensée qu'ils venaient de faire une trouvaille d'antiquités, qu'ils avaient découvert un trésor. Part à tous ! s'écria l'un d'eux ; et jetant pelles et pioches, ils se mirent à dégager de leurs mains ce cheval, dont l'apparition subite les jetait dans une espérance plus grande encore que leur étonnement.
    Mais au cours de cette opération, et tandis qu'avec autant de soin que d'ardeur ils déblayaient et écartaient des membres du cheval le sable qui les dérobait en partie, d'autres objets se montrèrent : des lames de bronze, des débris,  des fragments de feuilles battues et martelées, affectant des formes d'animaux, de feuillages, d'ornements bizarres ; un petit cerf en bronze coulé ; des figurines d'hommes, de femmes ; des anneaux, des boucles, des plaques dont l'une portait une inscription.
    Le déblaiement achevé, on reconnut qu'on était dans une fosse d'un mètre 40 cent. carrés ; contre ses parois, et pour maintenir les sables, avait été construit un mur de fragments de tuiles à rebords superposés, sans ciment ni mortier. Au fond, d'autres tuiles à rebords et des briques avaient été placées à plat pour former l'aire sur laquelle reposaient le cheval et les objets trouvés auprès. Au-dessus, on avait mis un  toit en planches, selon toute probabilité, et par-dessus ce  toit une couche de terre. Les planches, se pourrissant peu à peu, la couche de terre qu'elles soutenaient avait dû s'effondrer et se mêler aux objets placés au-dessous, mais irrégulièrement, sans former avec eux un massif compacte ce qui explique comment les ouvriers attaquant par l’une des parois, avaient aperçu entre ces objets des vides ou cavités que le sable et les terres en tombant de la partie supérieure, n’avaient pas complètement envahis.
    Une telle disposition des lieux et des choses montre que cette excavation, faite par la main des hommes avec une précipitation évidente, était une cachette, cachette pratiquée dans un moment d’alerte, de tourmente, d’invasion, pour renfermer et protéger des objets précieux que l’on devait y reprendre lorsque le danger se serait éloigné, ce que la fuite, l’exil ou la mort auront empêché. Et il est arrivé qu’après quinze siècles d’abandon, de solitude, de silence, la terre a rendu le dépôt qui lui avait été confié ; la pioche d’un manoeuvre a remis au jour ces monuments d’un art éteint, ces produits d’une civilisation disparue, ces témoins des révolutions d’un autre âge, pour les livrer à  l’examen, peut-être à la dispute des curieux du passé.
    On sait aujourd’hui, clans les campagnes, que les débris antiques cachent sous leur valeur scientifique ou artistique une valeur pécuniaire. Les terrassiers, que l’eventus fortunae avait ici rendus inventeurs d’un trésor, s’étudièrent à n’en rien perdre. Les recoins de la fosse furent fouillés; les sables furent explorés, les moindres débris recueillis puis transportés dans la maison commune, où ils furent provisoirement placés sous la sauvegarde de l’autorité municipale.
    Cependant, le maire avait donné avis de la trouvaille à M. le préfet du Loiret (1).

 (1)      Par une instruction préfectorale insérée au Bulletin des Actes administratifs du Loiret, il est enjoint à tous les maires du département d'informer le préfet des découvertes d'antiquités qui ont lieu dans leurs communes.

Ce magistrat me pria, en ma qualité de directeur du musée départemental historique de l'Orléanais, de me rendre à Neuvy. J'y arrivai le 1er juin, à quatre heures du soir. Introduit dans la maison commune, je trouvai, les uns à terre, les autres sur une table,  pêle-mêle et sans ordre, les objets retirés de la sablière. J'opérai un premier classement ; je dressai un inventaire, et je m'entendis avec le maire sur les mesures de conservation à prendre.
    Deux jours après, je devenais acquéreur pour le musée des droits de l'un des ouvriers inventeurs. Tout aussitôt je demandai et j'obtins une mise sous séquestre judiciaire. M. le curé de Neuvy ayant consenti à être séquestre, fut constitué  dépositaire de la trouvaille. Tranquille de ce côté, j'entamai, avec les autres ouvriers inventeurs et le propriétaire du terrai dans lequel la découverte avait eu lieu, des négociations qui eurent leurs difficultés ; peut-être  n'aurais-je pu les surmonter, sans le concours éclairé et l'assistance obligeante de M. Edouard Hazard, que j'ai nommé déjà. et à qui j'offre ici le juste témoignage de reconnaissance qui lui est dû. Je dois citer encore et remercier de leur concours M. Luche, ancien, membre du conseil général du Loiret, et M. de Langalerie, membre de la Société archéologique de l'Orléanais, directeur du musée, de peinture d'Orléans.
    L'administration du musée historique de l'Orléanais, ayant enfin traité avec tous les intéressés et acquis la propriété de la trouvaille entière, au prix de 7,080 fr., je retournai  à  Neuvy le 1er juin 1862, pour recevoir délivrance et prendre possession de ces bronzes que je retrouvai, inventaire en mains, tels que je les avais laissés une année avant, jour pour jour. Ils sont aujourd'hui conservés dans l'une des salles du musée historique de l'Orléanais, où une vitrine spéciale leur a été affectée."

Conclusion et résumé de l'ouvrage de Philippe Mantellier

  " A l'époque gallo-romaine, un édifice religieux, un sacellum ou un temple, administré par un collège de prêtres ou de gardiens, situé sur la rive droite de la Loire, entre Brivodurum (Briare) et Genabum (Orléans), contenait, entre autres objets de bronze, un cheval posé sur un socle, dont la face antérieure  était chargée d'une inscription dédicatoire au dieu topique Rudiobus ; des figurines de divinités ; une figurine d'empereur ; des figurines de personnages dont les différentes attitudes portent à penser que quelques-unes avaient été consacrées en reconnaissance de victoires obtenues dans des jeux, d'autres en commémoration de certains rites îles cultes de Bacchus et de Cybèle ; des animaux, des ustensiles, des instruments; des débris de couronnes, d'armes, de sangliers, d’enseignes militaires, conservés à l'état de reliques.
    A la fin du IVe siècle, au commencement du Ve siècle au plus tard, dans un moment d'invasion, de persécution, à la veille d'un sac, d'un pillage, ceux qui avaient la garde de ces objets sacrés les ont retirés de l'édifice où ils étaient déposés, les ont transportés à la rive gauche du fleuve, sur le territoire de Noviacum, aujourd'hui Neuvy-en-Sullias, et là ils les ont enfouis dans les sables d'un champ solitaire, dans une cachette souterraine, où il ne leur a pas été donné de venir les reprendre. Cette cachette, par un coup du hasard, s'est rouverte, le 27 mai 1861, sous la pioche d'un terrassier."

LE TRESOR DE NEUVY-EN-SULLIAS

Présentation (page II/III)

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Les circonstances de la découverte et l'acquisition des objets  

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