LA MUSIQUE EN GRECE ANTIQUE
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LA MUSIQUE EN GRECE ANTIQUE  

(Isabelle Didierjean, professeur agrégé de Lettres classiques)

I) LA PLACE DE LA MUSIQUE

    L’apprentissage du chant et des instruments de musique est la base de l’éducation en Grèce. Leur enseignement est antérieur à celui de la littérature. Ainsi chez Homère, Ulysse parle en ces termes du chant et de la poésie :  « Il n’est homme ici bas qui ne doive aux aèdes l’estime et le respect ; car n’apprennent – ils pas de la Muse leurs pièces ? » (Odyssée, VIII, v.479 – 481). Même les héros comme Achille pratiquent cet art (Iliade, IX, v.186 – 189).

Joueur de harpe, musée du Louvre

  Le terme même de « musique » ("mousik"), parce qu’il est dérivé du nom des Muses (aƒ Moàsai), nous montre son importance pour les Grecs. En effet les Muses représentent chacune un art particulier et inspirent celui qui pratique cet art. Euterpe est la Muse de la flûte ; Erato, de la lyre ; Terpsichore, la danse chorale et le chant qui l’accompagne (ces attributions ont varié au fil du temps). De plus un dieu préside aux activités et à l’inspiration musicales : le dieu solaire, brillant et toujours jeune Apollon. Les Jeux Pythiques, à Delphes, en l'honneur du dieu Python remplacé par Apollon, étaient au départ des Jeux musicaux; les épreuves sportives ont été rajoutées par la suite.
      Pour les Grecs, la musique symbolise la culture et en est une partie essentielle. Ainsi l’homme cultivé est le « mousikos anèr » (
mousikÒ$ ¢n»r: l’homme musicien. Thémistocle reconnaissait que son éducation avait été incomplète car il n’avait pas appris à jouer convenablement de la cithare (Plutarque, Thémistocle, 2). La musique est la condition première de la civilisation au point que certains pensent que toute modification dans la technique musicale peut mettre en danger l’équilibre de la cité. Les Pythagoriciens pensent que l’équilibre du monde repose sur l’harmonie des nombres qui est d’ordre musical (intervalles musicaux). Pour Platon, la bonne musique forme de bons citoyens. La musique a donc aussi une valeur morale.

Orphée est le personnage qui nous montre le mieux le pouvoir de la musique sur ceux qui l’écoutent. Pour Platon, la musique fait naître des émotions mais elle est aussi capable d’influencer de façon permanente le caractère de l’homme. Elle a donc une dimension éthique.

  

    La musique est étroitement liée à la vie grecque et aux événements importants : cérémonies religieuses, banquets, mariages (lors des processions emmenant la mariée vers son nouveau foyer), enterrements, réunions diverses, concours musicaux lors des Jeux Pythiques etc … Quasiment toutes les formes de poésie s’accompagnent de musique : par exemple les épopées d’Homère et la poésie lyrique de Sapho ou d’Alcée sont chantées au son de la lyre. La musique rythme aussi les exercices sportifs et militaires : tout est question de rythme. La musique fait partie de la vie quotidienne : elle rythme l'effort des athlètes et des rameurs sur les bateaux, elle accompagne l'entraînement des soldats, elle scande le travail des artisans. 

 

    Enfin la chorégie (recrutement, entraînement et entretien de chanteurs – danseurs pour le chœur des tragédies et des comédies et pour le chant choral) est une façon pour les citoyens les plus riches de payer leurs impôts.

II) LES INSTRUMENTS

1/ Les instruments à cordes

a/ La lyre et la cithare

    L’instrument noble par excellence est la lyre ou cithare (la cithare est une forme plus élaborée de la première, réservée aux professionnels). Les cordes (au nombre de quatre à sept) ont toutes la même longueur, contrairement à celles de la harpe ; elles sont pincées par les doigts car il n’y a pas d’archet ; parfois on fait vibrer les cordes avec une lame, le plectre.

       A l’origine, la caisse de résonance était une carapace de tortue, sur laquelle sont fixées des cordes pincées par les doigts ou frappées par les plectres afin de vibrer et de rendre un son particulier.

 

Joueur de cithare à sept cordes, musée du Louvre

Danseuse à la cithare (Louvre)

Danseuse à la cithare (Louvre)

    La légende dit en effet qu’Hermès, quand il était enfant, avait inventé  cet instrument après avoir trouvé une carapace de tortue. Par ailleurs, il avait volé les bœufs d’Apollon et, pour amadouer celui – ci, il lui avait donné l’instrument. Il l'avait fabriqué en tendant sur la carapace les intestins des bœufs volés au dieu et qu’il avait sacrifiés. Quand Apollon entendit les sons qu’Hermès tirait de cet instrument, il accepta la lyre en échange des bœufs. Celle-ci devint le symbole du dieu et fit de lui le dieu de la musique. La supériorité de la lyre sur d’autres instruments comme la flûte (aulos) est montrée clairement dans la lutte entre Apollon, dieu citharède et Marsyas, satyre joueur d’aulos, et qui a vu la victoire du dieu

 

Apollon tenant une lyre, coupe du musée de Delphes Cithare à berceau, avec une grande caisse de résonance; musée de Delphes
 
Une variante de la lyre, le barbitos, aux cordes plus longues (et donc plus grave), instrument de Dionysos, accompagné ici d'un Satyre; musée de Delphes
b/ Le trigonon ou harpe

      La harpe comporte de nombreuses cordes de tailles différentes. Apparue très tôt ((aux alentours de 2800 avant J.C., dans les Cyclades), elle est habituellement utilisée par des femmes (voir l'illustration où elle est tenue par la Muse Terpsichore).

Harpiste (détail), Louvre

 

Harpiste, provenant de Kéros (2800 – 2300 av. J.C.)


Terpsichore tenant une harpe, musée de Delphes

c/ Le trichorde ou pandore

Il a une petite caisse et un long manche. Il est utilisé avec un plectre.

           

  

 

(croquis tiré de Connaître le sanctuaire de Delphes, de l. Krontira)

 

d/ L'orgue


Musiciens jouant de l'orgue et de la salpinx (trompette), Louvre

     L'orgue à eau, ou hydraulis, a été créé par un célèbre mécanicien d'Alexandrie du nom de Ktésilios, au III° siècle avant J.C.. L'instrument était participait aux concours musicaux de Delphes.

    
Orgue, musée du Louvre

2/ Les instruments à vent


Sarcophage représentant  le concours musical entre Apollon et Marsyas, 290 - 300 après J.C., musée du Louvre (détail)

a/L’aulos (flûte ) est un instrument à vent à un ou deux (voire davantage) tuyaux percés de trous. Il est moins apprécié que la lyre ou la cithare car il déforme le visage et les joues et ne permet pas au musicien de chanter. C'est pour cette raison que, d'après la légende, Athéna n'a pas adopté cet instrument qu'elle venait pourtant d'inventer. En effet, en passant près d'une rivière, elle eut l'idée de couper un roseau et d'en faire une flûte. Le son qu'elle en tira lui parut très beau, mais quand elle vit son reflet dans l'eau, les joues déformées par le souffle, elle jeta au loin l'instrument. Très en colère, elle dit que quiconque jouerait de cet instrument finirait écorché. Marsyas l'entendit mais il trouva le son de la flûte si irrésistible qu'il ne tint pas compte de la menace!

Accompagné de la lyre, l'aulos est l'instrument des fêtes religieuses.


Joueurs de flûte et de tambourin, musée du Louvre


Joueuse d'aulos, musée du Louvre

b/ La syrinx, ou flûte de Pan

     Elle comporte sept tuyaux attachés ensemble. C’est le dieu Pan qui a inventé cet instrument portant le nom de la nymphe qu’il aimait, Syrinx, et qui fut changée en roseau pour lui échapper. C'est l'instrument favori des bergers, dont Pan est le patron.

 


Flûte de Pan (croquis tiré de Connaître le sanctuaire de Delphes, de l. Krontira)

3/ Les instruments à percussion

a/ Le tympan (ou tambourin)

    Le tympan est constitué d'une peau tendue sur un cadre en bois munie de grelots. Il accompagne les danses.

 


Tambourin, musée du Louvre

b/ Les crotales

    Les crotales sont des sortes de castagnettes en bois dont jouaient surtout les femmes accompagnant le cortège de Dionysos lors des fêtes en son honneur.

 


Danseuse aux crotales, musée du Louvre
c/ Les cymbales

    Les cymbales sont constituées de deux disques concaves en métal. On les frappe l'une contre l'autre.

 

Cymbales

 

     
Danseuse aux cymbales, musée du Louvre

d/ Le sistre

    Le sistre ressemble à un fer à cheval. Il est muni d'un manche qui permet de l'agiter et de le faire vibrer.

Sistre égyptien, musée du Louvre

(cliquez pour agrandir l'image)

III) L’ENSEIGNEMENT

Les enfants apprennent le chant et la musique instrumentale en même temps. De nombreuses céramiques nous montrent des scènes d’apprentissage. Le maître est assis sur un siège à dossier et l’élève se tient en face de lui, assis sur un tabouret. Le maître joue lui – même pour donner l’exemple à l’enfant ou parfois ils jouent ensemble. L’enseignement repose donc sur la pratique, non sur des théories. Cela se fait par l’oreille, sans partition écrite la plupart du temps. La musique est monodique ; elle ne connaît pas les harmonisations ou la polyphonie.

    Nous avons très peu de papyrus de musique écrite : un fragment de la musique de l’Oreste d’Euripide et des inscriptions dans la pierre à Delphes de deux chants (des péans). Cela rend difficile l’interprétation de ces traces.

 


Hymne à Apollon, gravé sur le mur du Trésor des Athéniens, à Delphes

IV) LA MUSIQUE ET LA DANSE


Acteur au tympanon, musée du Louvre

     Liée à la musique, la danse fait partie de la vie quotidienne des Grecs. Ainsi chez Homère, dans l’Odyssée, les prétendants passent le temps grâce à la danse et à la musique. Au cours des banquets, comme en témoigne le Banquet de Xénophon, il y avait des spectacles de danse donnés par des danseurs professionnels, généralement des esclaves ou des prostituées. Au cours des fêtes religieuses aussi, il y avait des chants et des danses. Dans la tragédie, le chœur s ‘exprime par le chant mais aussi par la danse dans l’orchestra.

     Pour les Grecs, la danse doit développer la grâce et la beauté, elle améliore la santé en entretenant la forme physique (Socrate, dans le Banquet de Xénophon, veut améliorer sa forme en apprenant à danser). Elle fait partie de la gymnastique à Sparte car elle sert d’entraînement à la guerre (par exemple la danse pyrrhique : mouvements rapides, évoquant la façon dont le soldat évite les coups).

 

Enfin les mariages, la moisson, une victoire, notamment,  sont des occasions de danser. La danse ne se pratique pas par deux mais en groupe.


Scène de banquet, musée du Louvre.


Danseuse, musée du Louvre


Danseuse aux crotales, musée du Louvre

Isabelle Didierjean, professeur agrégé de lettres classiques au collège public Jeanne d'Arc - Orléans.
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