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Homère
était grec, il est né en Asie-Mineure, sept villes revendiquent sa naissance.
Certains affirment qu'il est né aveugle.
On ne connaît pas encore l'époque où il vécut,
les dates possibles s'échelonnent entre le Xème et VIème siècle av JC, on
admet le plus souvent que ses poèmes ont été écrits vers le milieu du VIIIème
siècle av JC, c'est l'époque de la colonisation et celle où l'on abandonne l'écriture
en linéaire B pour la remplacer par une écriture alphabétique héritée des
Phéniciens. Homère a écrit ou dicté ses poèmes en rassemblant des éléments
d'une longue tradition orale. On sait cependant que l'Iliade et l'Odyssée ont
été sauvegardés par l'écriture au VIème siècle av JC, à Athènes, lors
d'une transcription officielle commandée par Pisistrate ou son fils Hipparque.
Homère était un aède
(du grec "aiodos", chanteur), un poète qui chantait ses récits ou
ceux des autres. Il nous manque donc aujourd'hui un élément essentiel pour
apprécier l'Iliade et l'Odyssée, c'est la musique, le chant rythmé de l'aède
accompagné de la lyre ou de la cithare. La forme métrique des poèmes était
l'hexamètre (un mètre de six pieds) constitué de dactyles (une syllabe longue
et deux brèves) ou de spondées (deux syllabes longues). Cette alternance de
syllabes longues et brèves permettait l'emploi de formules toutes prêtes qui
facilitaient la mémorisation (ex : Zeus, l'assembleur des nuées).
L'Iliade et l'Odyssée parlent des mêmes personnages, des mêmes dieux, ce qui
laisserait penser à un auteur unique, toutefois des divergences ont été
analysées, ce qui suggère l'existence de deux auteurs différents.
Le problème de la localisation géographique
des deux poèmes se pose également. On n'a pas retrouvé avec certitude la
ville de Priam, ni à Ilion, ni sur la colline d'Hissarlik. Quant au périple
d'Ulysse, il s'inscrit dans un univers fabuleux même si on a cru identifier
certains endroits de la méditerranée (l'île de Phéacie par exemple) et même
si les merveilles homériques ont des rapports avec les réalités de leur
temps. En revanche, le voyage de Télémaque s'inscrit dans un espace géographique
réel et connu.
La réalité historique
pose les mêmes problèmes, les poèmes homériques donnent l'impression de
renvoyer "aux réalités de leur temps" mais les historiens restent très
divisés sur la réalité même de la guerre de Troie. Les fouilles d'Heinrich
Schliemann ont, au XIXème siècle, apporté un grand espoir de retrouver les héros
homériques dans la civilisation mycéniennes. Mais aujourd'hui, on renonce de
plus en plus à faire cette assimilation car les divergences entre les données
archéologiques et homériques sont plus nombreuses que les concordances (par
exemple, incinération chez Homère et inhumation à Mycènes).
Ce qui demeure toutefois certain, c'est que sous couvert de merveilleux, de
nombreuses évocations concernent des faits de civilisations réels, tels que :
- la vie quotidienne : habitat, vêtements, armes, vie sociale
- la vie religieuse
- les liens de parenté et d'amitié
- les relations de pouvoir : chefs et soldats, maîtres et serviteurs...
Les poèmes homériques nous renseignent donc sur l'histoire des idées et des
mentalités de l 'époque, ils sont une réflexion permanente sur la vie, ils
donnent une certaine image de l'homme et de sa place dans l'univers par rapport
aux dieux et par rapport aux mortels.
Le rôle d'Homère dans notre civilisation :
Les poèmes homériques ont joué un rôle fondateur incontestable dans la
culture européenne, mais il ne faut pas oublier qu'ils sont aussi redevables
d'autres cultures, notamment orientales, par exemple, Gilgamesh, héros d'un
voyage surnaturel d'une épopée babylonienne (XIX°-XVI° siècles av JC).
D'autre part, l'Iliade et l'Odyssée ne sont pas les seuls récits, en Grèce,
à raconter la guerre de Troie et l'aventure d'Ulysse (les Krypia, la Petite
Iliade de Leschès, la Destruction de Troie d'Arctinos, les Retours
d'Hagias, la Télégonie d'Eugammon sont des oeuvres qui nous sont
parvenues par fragments, mais elles étaient totalement connues de l'Antiquité
gréco-romaine.
L’héritage d’Homère ne s’est pas transmis en ligne directe, il a été
relayé par de grands auteurs qui ne lisaient pas forcément le grec mais qui
ont puisé dans les auteurs latins (dans l'Enéide de Virgile par exemple),
Ovide et Quintus de Smyrne (IVème siècle ap JC) ont joué aussi un grand rôle
dans la transmission. Ainsi, on remonte toujours à Homère :
Ex : Racine avec Andromaque - Euripide – Homère
Aragon
avec Télémaque – Fénelon – Homère
Les œuvres latines traduites du grec, de Dictys de Crète et Darès de Phrygie
ont exercé une grande influence dans la vogue des « Romans troyens »
de la France médiévale, ainsi, Benoît de Sainte-Maure dans son Roman de
Troie, les cite comme sources.
Si l'œuvre d'Homère reste reconnue pour son excellence à travers les
siècles, les personnages sont diversement appréciés en fonction des
époques, Ulysse, Achille, peuvent être détestés.
Le prestige d'Homère
Il se mesure à la place qu'il a pris dans le
domaine scolaire en Grèce, à Rome, puis en Europe à partir de la Renaissance.
L'œuvre d'Homère est devenue un véritable répertoire de références et de
modèles, elle a influencé tous les arts et tous les genres littéraires.
- Homère l'éducateur
Xénophon (Vème siècle av JC), dans le banquet, fait dire à Nicératos qu'il
connaît "tous les vers d'Homère" et qu'on peut en extraire toute la
connaissance humaine. Homère a joué un rôle capital dans la formation
scolaire de l'Antiquité par l'étendue et la fiabilité de la science qu'il
détenait des Muses et pour la valeur éthique du modèle héroïque.
- Homère le précurseur
Victor Hugo, rend de la même manière hommage à Homère "il est
historien... stratège... naturaliste... ethnographe... voyageur... astronome...
géographe... cosmographe... agronome...
anatomiste..."
- Homère l'initiateur
Homère nous ouvre les portes d'autres mondes, celui des dieux, celui des morts,
tout un monde qui laisse place au merveilleux, aux métamorphoses. La
littérature ultérieure a repris par centaines ces prototypes d'êtres
fantastiques.
- Homère l'inspirateur
L'œuvre d'Homère a inspiré un grand nombre d'écrivains anciens ou modernes,
beaucoup ont fait des transpositions de l'Odyssée en d'autres temps et d'autres
lieux : Virgile avec son Enéide, Jean Giono avec "Naissance de
l'Odyssée", James Joyce avec "Ulysse", Nikos Kazantzakis avec
"L'odyssée"... sans oublier les créations cinématographiques.
Homère et les images
Les thèmes et les personnages homériques ont
été beaucoup repris dans l'art antique et postantique. Ces représentations
sont-elles sources d'information sur l'époque d'Homère? En fait, les
représentations témoignent de l'époque où elles ont été réalisées, pas
de celle d'Homère, les artistes n'ont aucun souci de reconstitution historique.
Ainsi, les armes peintes sur les vases des VIème et Vème siècles av JC ne
renseignent aucunement sur celles utilisées à l'époque d'Homère et encore
moins sur celles des héros mis en scène. De même, la nudité des héros grecs
n'est pas la réalité, mais l'expression d'un idéal de beauté ("la
nudité héroïque"). De la même façon, les personnages imaginaires sont
représentés en fonction de l'époque des artistes, exemple, les sirènes sont
d'abord représentées comme des oiseaux à tête de femme, ensuite elles ont
un corps de femme avec des ailes et des pattes d'oiseaux pour pieds.
De plus, l'image est rarement conforme au texte de référence, elle n'est pas
l'illustration du texte, l'artiste travaille à sa manière ou selon les désirs
de son commanditaire, un même tableau mythologique peut suggérer des messages
différents.
Les modèles homériques
- l'aspect généalogique : On
sait le rôle d'Enée qui, par l'intermédiaire de son fils Ascagne, est à
l'origine de Rome et de l'ascendance de Jules César. On sait moins que ce mythe
des origines troyennes a aussi prévalu en Occident, du VIIème au XVème
siècle. Les Francs se revendiquent descendants du roi de Troie, Priam, par
l'intermédiaire d'Astyanax qui serait devenu Francion, roi des Francs. Ronsard
reprend cette thèse dans sa Franciade et Racine y fait référence dans Andromaque.
- l'aspect référentiel :
Les références ponctuelles à Homère, sans
valeur littéraire, sont nombreuses, qu'il s'agisse d'expressions imagées
("tomber de Charybde en Scylla") ou des nombreuses utilisations pour
des noms de produits, de revues, d'agences de voyages...
La référence aux personnages homériques, comme modèles, demeure malgré les
différences de circonstances et de sensibilités. Chacun peut trouver chez
Homère des situations qu'il a vécues ou qu'il pourrait vivre. La capacité des
personnages homériques à être réinterprétés à chaque époque tient à la
façon dont Homère en parle, il présente ses personnages sans parti pris, il a
tracé de chacun d'eux un portrait assez complexe et nuancé pour que
chaque lecteur puisse s'attacher à tel ou tel héros selon ses préférences.
Ainsi, Achille peut être admiré comme guerrier valeureux, mais on peut le
préférer lorsqu'il se réjouit le cœur en chantant avec sa cithare. Le
personnage d'Ulysse est exemplaire à cet égard. Son caractère très complexe
lui a valu de nombreuses réinterprétations au cours de l'histoire, ou bien le
héros est antipathique (dans la tragédie grecque) ou bien il est sympathique.
Il est un modèle parce qu'il a refusé l'immortalité que lui proposait
Calypso. Parce qu'il a accepté d'assumer la condition de mortel, parce qu'il
est le plus "humain" des héros grecs, parce qu'il souffre et parce
qu'il gagne, il est de notre temps.
Pour
avoir davantage de détails, consulter la documentation photographique N°8013
(02/2000) : "Homère, un héritage"
Pour vous procurer ce numéro passionnant sur Homère :
http://www.ladocfrancaise.gouv.fr
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