Trière

ATHÈNES : le musée de l'Acropole 58/64 - La période classique : une trière

   La Paralienne *, l'une des deux principales trières sacrées d'Athènes. Ces deux bateaux étaient chargés de mener à Delphes les théores **, de transmettre les ordres et les nouvelles importantes ou de porter le tribut. La trière doit son nom aux trois rangées de rameurs (nus ici) qui propulsaient le bateau.

* Le bateau porte ce nom, en l'honneur du héros athénien Paralos qui passe pour l'inventeur des navires de guerre. Paralos pourrait être représenté, à droite, sur ce relief (relief Lenormant : 410-400 av. J.-C).
** Un théore est l'envoyé officiel d'une cité pour accomplir une mission à caractère religieux, comme recueillir un oracle ou offrir un sacrifice. A Athènes, les théores étaient chargés de conduire des ambassades religieuses, en particulier pour consulter l'oracle de Delphes ou lors des concours sportifs (jeux olympiques, pythiques, néméens ou isthmiques). Il s'agissait d'une charge onéreuse assimilable à une liturgie.

     On ne connaît pas avec précision la date d'apparition des trières. Selon Thucydide, ce serait les Corinthiens qui auraient construit les premières trières en 704 av. J-C pour les Samiens. Hérodote nous apprend que Samos utilise 40 trières, en -525, lors d'une expédition en Egypte.
     Jusqu'au début du  V° siècle av. J.-C. la flotte athénienne est surtout composée de pentécontères* et de triacontères, mais Thémistocle, en -483, avec l'argent du Laurion, pousse les Athéniens à construire de nouveaux bateaux, des trières, pour lutter contre le danger perse, après Marathon (-490), et pour lutter contre Egine.
     En 480 av. J.-C. à la bataille de Salamine contre les Perses, 150 des 310 trières alignées par les Grecs sont athéniennes.

* pentécontères : bateau de guerre à 50 rameurs (d'où son nom), auquel il faut ajouter un barreur et peut-être d'autres marins. Il mesurait environ 35 mètres de long, pour 5 mètres de large. C’est à l’époque de la « Guerre de Troie » qu’apparaissent les premiers pentécontères ou pentecontores, soit aux environs de XII° siècle av. J.-C.

Avantages de la trière :
- rapidité
- maniabilité
- capacité à s'approcher très près de la côte grâce au fond pratiquement plat, sans quille
- facilité de construction

Inconvénients de la trière :
-fragilité
- instabilité dans les tempêtes (pas de quille)
- coûteuse à construire
- gouvernail peu efficace
- exigüité (trop petite pour que l'équipage puisse y dormir)

L'équipage de la trière athénienne :
Durant la guerre du Péloponnèse, la trière athénienne emporte en son sein plusieurs classes bien distinctes de personnels :
- un état-major dont le triérarque est à la tête, composé d'un capitaine (kybernétès), réel spécialiste des affaires maritimes à bord, secondé par un autre officier (proreus), trois maîtres d'équipages (deux toikharkhoi sous les ordres d'un kéleustès) et enfin d'un joueur d'aulos (trièraulès) pour marquer la cadence ;
- 170 rameurs
- 13 autres matelots servant aux manœuvres (gouvernail(s), voiles, manipulation du mât, etc.) et qui peuvent prêter main forte lors des abordages
- 10 épibates, des hoplites, destinés à combattre lors des abordages, de débarquements ou servant à la protection du dispositif au mouillage.
Le total se porte donc à 200 hommes pour l'ensemble de l'équipage à cette période, ce qui est considérable pour un navire. Pour armer une flotte de 200 trières, il faut donc 40 000 citoyens : on peut prendre la mesure face à ce chiffre du désastre que représente pour Athènes la bataille d'Aigos Potamos en 405 avant J.-C. avec la perte, certes de 160 navires, mais surtout des équipages, pris et exécutés.
Le nombre d'hommes à bord n'est cependant pas fixe et varie au cours des ans en raison du nombre d'épibates embarqués.

Le financement de la trière athénienne : le triérarque
Une trière athénienne est financée par un citoyen ou un métèque riche, pas obligatoirement un marin, membre de la classe des pentacosiomédimnes, et nommé « triérarque ». Il reçoit son navire de la cité et en est responsable devant elle, doit payer les éventuelles réparations et la solde de l'équipage quand la cité ne le peut pas. Il doit aussi le cas échéant faire face aux dépenses imprévues. Cette liturgie est donc la plus coûteuse qui soit, le triérarque jouissant en conséquence d'un prestige considérable dans la cité, auprès de ses concitoyens. Malgré cela, il semblerait que ce ne soit pas une charge enviée au vu des vers qu'Aristophane met dans la bouche d'Eschyle dans un passage des Grenouilles :

« Cela fait que pas un riche ne veut être triérarque,
mais s'enveloppe de haillons,
pleure et dit qu'il est pauvre. »
(Aristophane, Grenouilles, v. 1065-1066)

Après le Ve siècle av. J.-C., la triérarchie devient une charge financière trop pesante pour un homme et les triérarques commencent à se regrouper afin d'armer un navire.


Reconstitution d'une trière

Caractéristiques de la trière

Grâce à la mise à jour en 1885 par Dragátsis et W. Dörpfeld de cales couvertes à Zéa, l'un des ports militaires du Pirée, et aux campagnes de fouilles qui y sont menées depuis 2000, nous avons enfin une idée assez précise des dimensions d'une trière.

- Longueur : environ 36 m
- Largeur hors-tout : proche des 5 m.
- La hauteur sous toit des cales : 4,026 m
- Hauteur de coque hors de l'eau : 2,15 m
- Le tirant d'eau : à peine 1 m
Sur l'étrave est fixé un rostre de bronze destiné aux manœuvres d'éperonnage, tactique qui se généralise avec ce navire agile. Il est placé au niveau de la ligne de flottaison afin d'infliger de plus grands dégâts à l'adversaire pour le couler.

Agencement des rameurs

Les rameurs travaillent dos à la marche, comme les rameurs modernes. Leur coussin était considéré comme un élément essentiel, pour leur confort bien sûr, mais aussi pour leur efficacité. Il a été proposé que ce coussin était huilé et glissant, comparable aux sièges mobiles utilisés en aviron moderne
Au plus haut des trois niveaux prennent place sur des tabourets 31 thranites (thranitai) sur chaque bord, assis à 89 cm l'un de l'autre. Afin que leurs rames n'interfèrent pas avec celles des niveaux inférieurs, ils sont installés dans un dispositif surélevé dépassant de la coque et largement ouvert au vent. Au rang intermédiaire et à l'intérieur de la coque sur les baux se situent 27 rameurs, appelés « zygites » (zygioi), légèrement décalés par rapport à leurs voisins supérieurs afin de profiter au mieux de l'espace vertical et qui passent leurs avirons par un arrangement de la coque en claire-voie. Au niveau inférieur, dans la cale, 27 « thalamites » (thalamioi), eux aussi décalés pour les mêmes raisons, actionnent leurs rames au travers de sabords de nage, des ouvertures circulaires situées à environ 45 cm de la surface.
Au Ve siècle av. J.-C. à Athènes, tant que la cité pouvait fournir la main-d'œuvre, c'est-à-dire jusqu'à la seconde phase de la guerre du Péloponnèse, les rameurs étaient tous des citoyens libres, éventuellement renforcés par des métèques et rémunérés par une solde équivalente à celle des troupes terrestres, soit une drachme par jour au moment de l'expédition de Sicile à laquelle s'ajoutait, pour cette opération spécifique, une indemnité versée aux seuls thranites par les triérarques. Ce sont donc des hommes motivés et entraînés qui prennent place sur les bancs de nage pour protéger les intérêts de leur cité, ce qui explique les performances que peuvent atteindre ces navires en termes de vitesse, de maintien de la cadence, de manœuvrabilité et de promptitude dans l'exécution des ordres.
La trière est sans conteste l'instrument qui permet à Athènes d'étendre sa domination sur mer au cours du Ve siècle av. J.-C.
Techniques de combat :
Alors que jusqu'au VIe siècle av. J.-C., les batailles navales se limitent principalement à une manœuvre d'abordage et, une fois cela fait, à un combat d'infanterie embarquée se déroulant sur l'un ou l'autre des navires, l'utilisation du rostre, grâce à la manœuvrabilité de la trière, s'impose par la suite. D'autre part et à l'instar de ce qui se fait avec la phalange hoplitique à terre, le combat sur mer est mené en ligne. Au contraire, Athènes, exploitant au mieux les avantages procurés par cette embarcation, développe de nouvelles tactiques par le biais d'une disposition originale de la flotte rangée en colonnes ou tout au moins devient maîtresse dans l'utilisation de ces tactiques mal exploitées jusque là.
Durant la préparation à un combat, le gréement est déposé à terre car inutile à la manœuvre effectuée grâce à la seule force des bras. La trière se transforme alors en un navire redoutable car sa légèreté et ses rameurs la rendent indépendante du vent et lui fournissent la vitesse et la manœuvrabilité nécessaire pour utiliser l'éperon en bronze situé à la proue.
Ne dédaignant pas utiliser l'abordage quand l'occasion se présente afin de saisir le navire ennemi, l'éperonnage est cependant la base du combat des trières qui permet soit de couler, soit d'immobiliser l'adversaire en lui brisant ses rames sur un flanc. Mais cette manœuvre n'est pas sans dangers puisqu'un rostre, après avoir broyé le flanc de l'ennemi et si celui-ci coule rapidement, peut en restant accroché à la victime entraîner l'attaquant au fond. Il est donc essentiel pour ce dernier d'effectuer une rapide marche arrière afin de se dégager du péril, nécessitant pour cela une prompte réaction de l'équipage. Pour diminuer ce risque, un dispositif est rapidement développé afin d'éviter une pénétration trop profonde de l'éperon.

Toutes les tactiques navales élaborées à cette époque découlent du but recherché : l'éperonnage. On utilise alors :
- le diekplous (« navigation à travers ») où l'on cherche à créer un trou dans la ligne adverse et attaquer ensuite par l'arrière. C'est la tactique maîtresse lors des combats.
Les trières sont disposées en colonnes, généralement deux, et lancées au travers de la flotte ennemie rangée en ligne. Au moment de passer à côté d'un navire, les rames sont rapidement amenées à l'intérieur de la coque qui brise celles de l'adversaire, dégâts auxquels viennent s'ajouter ceux subis par les matelots sur leurs bancs de nage. Une fois la ligne adverse ainsi immobilisée et dépassée, les Athéniens peuvent facilement effectuer leur manœuvre d'éperonnage.
- le kuklos qui est un cercle défensif, utilisé en cas d'infériorité numérique.
Destiné à empêcher l'ennemi de créer une brèche dans le dispositif grâce à la protection procurée par les rostres tournés vers l'extérieur, cette tactique est aussi parfois utilisée en cas de désavantage technique, dû aussi bien au matériel qu'aux capacités de l'équipage. Mal employée, elle peut se révéler désastreuse comme cela l'a été pour les Péloponnésiens en 429 av. J.-C. au large de Patras, pourtant numériquement bien supérieurs aux Athéniens mais mal préparés.
- le periplous ou enveloppement pour éperonner les ennemis sur le flanc ou l'arrière.
La flotte est disposée en colonne et effectue des cercles qui se resserrent autour des unités ennemies : la peur, l'impossibilité de se servir correctement des rames si les navires sont trop proches l'un de l'autre, les caprices du vent ou des courants entraînent un désordre que met à profit l'attaquant.
Une variante destinée à s'attaquer à une flotte déployée en ligne est d'effectuer un débordement par les ailes afin de prendre l'ennemi à revers, tactique similaire au but recherché lors d'un combat terrestre.
La réussite de ces manœuvres dépend principalement de la qualité et de la gestion des rameurs, ce qui permet d'aller plus vite que l'adversaire, mais aussi d'effectuer de brusques changements de direction et d'accélération pour éperonner. On perçoit là toute la clairvoyance des stratèges athéniens qui ont su développer leur flotte, instrument de leur puissance, en n'employant à bord que des hommes libres rémunérés, gages de dévouement, discipline et motivation lors des combats. Ce n'est que dans la seconde partie de la guerre du Péloponnèse, lorsque Athènes ne parvient plus à soutenir l'effort de guerre et se voit contrainte à utiliser des étrangers, voire des prisonniers de guerre pour armer ses navires, que l'efficacité de sa flotte chute et ne peut plus faire face aux forces adverses.

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